A Marioupol, l’Ukraine veut combattre « jusqu’au bout », malgré l’ultimatum de la Russie

Dimanche 17 Avril 2022

L’Ukraine veut que ses dernières troupes présentes à Marioupol y combattent « jusqu’au bout », ignorant l’ultimatum de la Russie qui leur avait demandé de déposer les armes et d’évacuer ce port stratégique du sud-est dont la prise constituerait une importante victoire pour Moscou.
 
Dans le nord-est, à Kharkiv, deuxième ville du pays, au moins cinq personnes ont été tuées dimanche et 13 autres blessées, dans une série de frappes qui ont provoqué des incendies, selon les services de secours locaux.
 
Et les forces russes ont annoncé avoir bombardé dimanche une nouvelle usine d’armement près de Kyiv, pour le troisième jour consécutif, mettant à exécution leur menace d’intensifier leurs frappes contre la capitale ukrainienne après la destruction du fleuron de leur flotte en mer Noire.
 
À Marioupol, que les forces russes affirment contrôler presque entièrement au terme de combats acharnés, à l’exception d’une poche de résistance, la situation est « inhumaine », a affirmé samedi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
 
Il a appelé les Occidentaux à fournir « immédiatement » les armes lourdes qu’il réclame depuis plusieurs semaines et menacé d’arrêter les négociations de paix avec Moscou si les derniers soldats ukrainiens à Marioupol étaient « éliminés ».
 
Le ministère russe de la Défense avait demandé aux derniers combattants ukrainiens retranchés dans le complexe métallurgique d’Azovstal de cesser les combats dimanche à 6 h heure de Moscou, et d’évacuer les lieux avant 13 h.  
 
« Tous ceux qui auront abandonné les armes auront la garantie d’avoir la vie sauve. C’est leur seule chance ». (Ministère russe de la Défense, sur Telegram)
 
Mais une fois l’ultimatum expiré, le premier ministre ukrainien Denys Chmygal a assuré à la chaîne américaine ABC que les soldats ukrainiens continueraient le combat.
 
« Non, la ville n’est pas tombée. Nos forces militaires, nos soldats y sont toujours. Ils combattront jusqu’au bout. À l’heure où je vous parle, ils sont toujours dans Marioupol », a-t-il déclaré.  
 
Au petit matin dimanche, l’état-major ukrainien avait indiqué que des frappes aériennes avaient été menées sur la ville par les Russes, notamment depuis la région de Donetsk. Il a également mentionné « des opérations d’assaut près du port », sans autres détails.
 
La prise de cette cité serait une victoire importante pour les Russes, car elle leur permettrait de consolider leurs gains territoriaux côtiers le long de la mer d’Azov en reliant la région du Donbass, en partie contrôlée par leurs partisans, à la Crimée que Moscou a annexée en 2014.
 
Poutine « croit gagner la guerre »
 
Selon le chancelier autrichien Karl Nehammer, qui a rencontré Vladimir Poutine lundi à Moscou, le président russe pense être en train de gagner la guerre déclenchée par son invasion de l’Ukraine le 24 février.
 
« Je pense qu’il est maintenant dans sa propre logique de guerre », a déclaré M. Nehammer à la chaîne américaine NBC. « Je pense qu’il croit qu’il est en train de gagner la guerre ».  
 
Pour sa part, le chef du gouvernement italien Mario Draghi a regretté dimanche au quotidien Il Corriere della Sera l’inefficacité apparente du « dialogue » avec Vladimir Poutine, constatant que ces contacts n’empêchaient pas « l’horreur » de se poursuivre en Ukraine.
 
M. Zelensky a lui dit sur CNN avoir invité Emmanuel Macron à se rendre en Ukraine, pour constater que les forces russes commettent un « génocide », terme que son homologue français s’est jusqu’ici refusé à employer.    
 
« La situation à Marioupol reste aussi grave qu’elle peut l’être. Tout simplement inhumaine », a par ailleurs lancé M. Zelensky dans un message vidéo.
 
Selon lui, il n’existe que « deux options » : soit les Occidentaux livrent des armes lourdes immédiatement pour l’aider à lever le siège de Marioupol habitée par 441 000 personnes avant l’invasion le 24 février, soit ils l’aident à obtenir un arrêt des combats par la voie de la négociation.
 
Civils affamés
 
« Il n’y a ni nourriture, ni eau, ni médicaments », s’est-il emporté auprès de médias, accusant les Russes de « refuser » la mise en place de couloirs humanitaires.
 
Selon le directeur général du Programme alimentaire mondial David Beasley, plus de 100 000 civils sont au bord de la famine à Marioupol, manquant également d’eau et de source de chauffage.
 
La vice-première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk, a exigé dimanche l’ouverture d’une voie d’évacuation pour les militaires blessés de Marioupol.
 
Elle a annoncé dans le même temps la suspension des couloirs humanitaires pour l’évacuation des civils de l’Est de l’Ukraine, faute d’accord avec l’armée russe sur un arrêt des tirs.
 
Dans la région de Kyiv, le ministère russe de la Défense a annoncé dimanche avoir lancé des missiles de haute précision contre une usine de munitions près de Brovary.
 
Le maire de Brovary Igor Sapojko a affirmé que « certains éléments d’infrastructure ont été touchés » aux premières heures dimanche.
 
Au cours des trois derniers jours, les forces russes ont mené plusieurs frappes sur des usines militaires dans la région de Kyiv, à la suite de la destruction du croiseur Moskva en mer Noire.
 
Les Ukrainiens affirment être à l’origine de son naufrage grâce à leurs missiles antinavires Neptune. Le Pentagone a abondé, précisant que le navire russe avait été touché jeudi par deux missiles ukrainiens.
 
Une version que les autorités russes n’ont pas officiellement entérinée, évoquant simplement un incendie ayant provoqué l’explosion de munitions à bord du bâtiment.
 
Cependant Moscou a prévenu qu’il allait intensifier ses frappes contre la capitale ukrainienne.
 
Une frappe russe a touché vendredi un complexe de la région de Kyiv produisant des missiles Neptune.
 
Et samedi une personne a été tuée et « plusieurs » ont dû être hospitalisées à la suite d’une frappe contre un complexe industriel du quartier de Darnytsky, dans la périphérie de Kyiv, qui fabrique notamment des chars, a annoncé le maire de la capitale Vitali Klitschko.
 
Kyiv et ses environs avaient été relativement épargnés par les bombardements depuis le retrait de l’armée russe de cette zone fin mars mais la perte du Moskva a déclenché l’ire de Moscou.
 
Au sud à Odessa, « la défense antiaérienne russe a abattu en vol un avion de transport militaire ukrainien, livrant un important lot d’armes fournies à l’Ukraine par des pays occidentaux », a de son côté affirmé samedi le ministère russe de la Défense.
 
Prier « pour la victoire »
 
Alors que les Ukrainiens célèbrent le dimanche des Rameaux, le pape François a appelé les dirigeants à « entendre le cri de paix des gens » en cette « Pâques de guerre », évoquant à nouveau l’Ukraine « martyrisée ».
 
À Kramatorsk (est), une quarantaine de fidèles, des femmes en majorité, ont assisté à l’église orthodoxe Svyato-Pokrovsky à la liturgie du dimanche des Rameaux, a constaté un journaliste de l’AFP.
 
« C’est dur, très dur et effrayant en ce moment », a dit une femme en arrivant devant l’édifice aux quatre dômes dorés. « Nous devons prier pour que nos soldats aient la force et la foi, c’est nécessaire », a-t-elle ajouté, refusant de donner son nom.
 
À Lviv (ouest), ville relativement épargnée par les combats, les fidèles ont également célébré la fête orthodoxe. Natalia Borysiuk, une jeune femme de 29 ans qui travaille dans le secteur des technologies de l’information, tenait un bouquet de saule et de blé lié par un ruban bleu et jaune, les couleurs du drapeau ukrainien. Elle a déclaré être venue prier pour « la paix et la victoire ». (AFP)
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