A Niamey, résonne "à bas la France" jusqu'au bout de la nuit

Dimanche 10 Septembre 2023

Au son d'un reggae patriote qui fait vibrer les baffles, des centaines de jeunes, bras levés, sautent en rythme et scandent "Macron, casse-toi de chez nous !": chaque jour à Niamey, des manifestants tiennent le pavé pour réclamer le départ des militaires français du Niger.

Depuis une semaine, des Nigériens se retrouvent devant les portes d'une base aérienne qui abrite une partie du contingent français près de l'aéroport de la capitale Niamey. 

Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont jusqu'ici participé à ces rassemblements contre la présence de quelque 1.500 militaires français dans le pays.

Les généraux nigériens arrivés au pouvoir par un coup d'Etat le 26 juillet ont dénoncé plusieurs accords de coopération conclus avec la France, ancienne puissance coloniale, et demandent le retrait de ses troupes. Mais Paris ne reconnaît pas la légitimité de leur régime militaire.

Alors de jour comme de nuit, et presque sans interruption, les "veillées" citoyennes continuent d'occuper le rond-point dit de l'Escadrille, devenu le coeur d'une contestation qui refuse de s'essouffler, et un lieu de festivités dans une ville guère réputée pour sa vie nocturne.

Le long des barrières de métal où veille un cordon quasi ininterrompu de policiers et de militaires, Niamey défile dans une ambiance de samedi soir.

Des vieillards, des couples main dans la main, des jeunes drapés dans les couleurs nationales, des groupes de femmes, des enfants des rues, des vendeurs ambulants, se pressent entre les étals sous la lumière blafarde des lampadaires.

Un marché improvisé a vu le jour sous un auvent dressé pour la circonstance. Maïs grillé, riz, couscous, et l'indispensable thé qui permet aux veilleurs de rester jusque tard dans la nuit.

- Sociabilité -

Hafizou, qui dit avoir 16 ans mais en paraît moitié moins, est arrivé avec un ami du quartier muni d'un sac de couchage pour dormir sur place.

Ce collégien assure avoir eu l'autorisation de ses parents pour venir à pied de son quartier et "rester jusqu'à minuit, une heure". "On va au concert, et on danse un peu", raconte-t-il.

"Je suis présent pour soutenir ma patrie", affirme Hafizou, au milieu d'un attroupement où résonnent les vuvuzelas.

Certains restent jusqu'à l'aube, d'autres viennent "de temps à autre", à l'instar de Mariama Oumarou, gestionnaire dans le secteur privé, enveloppée dans un voile pourpre.

"Mon mari me donne le droit de venir pour montrer que je suis une vraie patriote", dit-elle.

La veillée offre aussi un espace de sociabilité et d'échanges dans une société conservatrice qui en propose peu.

"Ça nous fait du bien d'être ici. On fait des connaissances, on échange, on parle des crises qu'on vient de vivre", explique Mariama.

Tous les participants assurent néanmoins qu'ils sont venus pour soutenir la cause: exiger le départ de la France, et non pas pour baguenauder.

L'armée française est perçue par ces manifestants comme une "force d'occupation" peu efficace dans la lutte contre les jihadistes. Le président Emmanuel Macron est également fustigé pour son attitude et sa politique, jugées "néocolonialistes".

Les organisations qui encadrent ces veillées s'efforcent de rassembler les bonnes volontés. Une association locale a ainsi promis de servir "1.000 repas par jour" aux veilleurs, et ses équipes s'activent pour distribuer des piles de repas dans des boites en carton.

- "Faire le travail sans eux" -

Sur les estrades se succèdent concerts, prêches et diatribes qui résonnent dans les hauts parleurs.

L'ambiance festive tranche avec les slogans qui résonnent là, à commencer par le message principal, martelé en boucle: "A bas la France", sa politique, son président et ses militaires.

Les soldats français tant décriés n'entendent pas ces messages depuis leur enclave, gardée par un important dispositif de forces de sécurité.

Civils et militaires nigériens en profitent pour bavarder de part et d'autres des barrières qui protègent l'accès au camp.

"On n'a pas besoin des Français, notre armée peut très bien faire le travail sans eux", lance Oumar, un jeune du quartier, à côté de deux militaires en faction.

Les veilleurs viennent aussi témoigner de leur soutien à l'armée, menacée d'une hypothétique intervention militaire des Etats ouest-africains et qui jouit d'une grande popularité au Niger. [AFP]
 

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