Voilà ce que l’on lit dans le Rapport préliminaire d’octobre 2023 de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) – 5éme recensement général de la population et de l’habitat - :
« La population résidente au Sénégal, recensée en 2023 est de 18.032.473 habitants. Elle s’établissait à 13.508.715 habitants en 2013, soit un taux d’accroissement moyen annuel intercensitaire de 2,9% qui est resté constant entre les deux périodes. Avec une population de 4.958.085 en 1976 et 6.881.919 en 1988, les taux d’accroissement intercensitaires étaient respectivement de 2,7 % et 2,5 % pour 1976-1988 et 1988-2002 ».
Voir tableau tiré du rapport :
National
1976
1988
2002
2013
2023
Effectifs
4.958.085
6.881.919
9.858.452
13.508.715
18.03.2473
Périodes
1976 - 1988
1988 - 2002
2002 - 2013
2013 - 2023
2013 - 2023
Taux d’accroissement
2,7
2,5
2,9
2,9
2,9
Avant de conclure : « En définitive, 18.032.473 de personnes résidentes ont été recensées. Cette population est majoritairement jeune. En effet la moitié est âgée de moins de 19 ans. En outre, ce recensement révèle un léger basculement du rapport de masculinité en faveur des hommes. Ainsi on retrouve dans la population 103 hommes pour 100 femmes. Le recensement a dénombré 908.628 ménages ayant une activité agricole soit, 45,6% des ménages (1.991.012) du Sénégal ».
Voir tableau tiré du rapport :
Groupes d’âge
sexe
ensemble
Rapport de masculinité
Masculin - Féminin
Moins de 15 ans
3.711.055 – 3.349.515
7.060.571
110,8
15 – 34 ans
3.194.795 – 3.258.003
6.452.798
98,1
35 – 59 ans
1.706.770 – 1.737.760
3.444.529
98,2
60 ans et +
519.239 – 555.336
1.074.575
93,5
Sénégal
9.131.858 – 8.900.614
18.032.473
102,6
Toutefois, le rapport fait précéder sa conclusion de cette affirmation étonnamment douteuse :
« Le dernier recensement au Sénégal date de 2013... Les données issues du dernier recensement réalisé avant la présente opération sont devenues obsolètes du fait des nombreuses mutations intervenues dans la société sénégalaise au cours de la décennie écoulée. En effet, avec les nombreuses réalisations portées par les programmes de développement nationaux, notamment le PSE, la production de données exhaustives et actuelles est devenue pressante. Dans un contexte de développement fulgurant des technologies de l’information et de la communication (TIC) et dans un élan de poursuite de la modernisation des pratiques de collecte en matière d’enquêtes de recensements, l’ANSD, avec l’appui considérable de l’Etat du Sénégal, a opté pour la réalisation d’un recensement tout numérique ».
Cette étude interpelle d’autant plus que l’ANSD nous apprend que « Ces résultats préliminaires marquent la volonté politique manifeste de l’Etat du Sénégal qui a entièrement financé la mise en œuvre du RGPH-5, pour lequel les différents démembrements se sont résolument engagés pour la pleine réussite de cette grande opération d’envergure nationale. A ce propos, nous exprimons notre profonde gratitude à l’Etat du Sénégal ».
Précisons que la population de notre pays est estimée par la Banque Mondiale à 16 millions 88 mille en 2021 puis à 17 millions 316 mille 449 en 2022. Ces chiffres émanent aussi d’autres sources, y compris, nous semble-t-il, de l’ANSD pour les mêmes années.
Ce rapport « préliminaire » dont il faut attendre le « définitif » même si il confirme des tendances déjà connues de l’évolution démographique du pays assimilable d’ailleurs à celle de la plupart des pays africains, notamment de notre sous-région ouest africaine, introduit quelques « nouveautés » concernant la répartition : « La population du Sénégal est répartie de façon inégale dans l’espace. Les plus fortes concentrations humaines s’observent à l’Ouest du pays, au Centre et au Nord-Ouest, tandis que l’Est et le Nord-Est demeurent faiblement peuplés... ». Le « sud » semble être oublié. Le rapport de masculinité semble être une évolution nouvelle à creuser, etc.
Mais ce qui pose problème ici est que selon le rapport « La mise en œuvre du RGPH-5 répond aux besoins en données exprimés par les utilisateurs, suite aux changements démographiques, économiques et sociaux observés au sein de la société sénégalaise. C’est à ce titre que le dénombrement général a été réalisé aux mois de mai-juin 2023 pour mettre à jour la principale source de données sociodémographiques ».
Franchement dommageable que ce rapport préliminaire n’explicite pas du tout en quoi consiste les « changements démographiques, économiques et sociaux observés au sein de la société sénégalaise » ? Et laisse une désagréable impression de travail non fini et de publication précipitée en disant lui « Dans l’attente des résultats définitifs qui répondront certainement aux attentes pressantes des utilisateurs et producteurs de statistiques du système statistique national, les effectifs globaux de population désagrégés par sexe, âge et par grande division administrative sont mis à votre disposition ».
Ceci met en exergue une coïncidence qui laisse perplexe sur le passage suivant du rapport selon lequel « En effet, avec les nombreuses réalisations portées par les programmes de développement nationaux, notamment le PSE, la production de données exhaustives et actuelles est devenue pressante ».
Qui donc a besoin de manière « pressante » de faire produire un « rapport préliminaire » en octobre 2023 dont le « dénombrement général numérique » s’est opéré en mai-juin 2023 ? Quel peut en être l’enjeu caché ? Quel impact peut-on y voir sur le fichier électoral que nul dans l’opposition ne connaît vraiment en comparaison avec le fichier de la précédente présidentielle 2019 ?
Loin de nous l’idée de douter de la rigueur et de la fiabilité méthodologique de l’étude, mais force est d’interroger l’intentionnalité derrière la publication de ce « rapport préliminaire » tout en pointant la rétention jusqu’à ce jour, à quatre mois de la présidentielle du 25 février 2024, du fichier électoral.
Lever le soupçon qui plane sur la publication de ce rapport « préliminaire » devant être suivi du « provisoire » et ensuite du « définitif », c’est tout simplement, dès maintenant, mettre fin à la rétention du fichier électoral et le livrer en toute transparence à l’opposition, aux électeurs et au peuple.
Il faut donc saluer la mise en place du Front pour l’Inclusion et la Transparence (FIT) qui doit devenir un organe consensuel regroupant tous les candidats, à l’exception de celui adoubé ouvertement par le président sortant, toute la société civile, tous les partis, tous les syndicats, toutes les démocrates soucieux de l’inquiétant autoritarisme de l’État hors la loi du régime Macky/APR/BBY.
Diagne Fodé Roland
10/11/23