Aïssata Tall Sall pointe les faiblesses du système législatif

Mercredi 10 Aout 2016

La séparation des pouvoirs est loin d’être une réalité au Sénégal car l’Assemblée nationale qui vote les lois se présente comme le solde résiduel du pouvoir incarné par le Chef de l’Etat. Me Aïssata Tall, députée dans la douzième législature, a délivré un cours magistral aux étudiants en sciences politiques de l’Ucad pour démontrer le niveau de faiblesse de la Représentation nationale. 

L’Exécutif impose-t-il toute sa puissance au législatif ? Les députés sont-il assez libres pour voter ou ne pas voter une loi surtout lorsqu’elle provient du Président de la République ? Au Sénégal, il est difficile de voir un projet de loi rejeté par la majorité des parlementaires. Et ce n’est pas pour rien que l’on attribue le titre peu glorieux de «majorité mécanique» aux députés qui dominent la Représentation nationale. D’ailleurs, Me Aïssata Tall Sall, députée, s’est même demandée : «en quoi le Parlement légifère ? » C’était au cours d’un panel organisé par les étudiants en sciences politiques de l’Université Cheikh Anta Diop. 

Ella a rappelé avec insistance que la Constitution ne dit pas véritablement le rôle de l’Assemblée nationale, si ce n’est qu’elle vote les lois, que les députés à l’Assemblée nationale sont élus au suffrage universel direct, que leur mandat est de cinq ans, entre autres. Ce qui prouve, selon elle, que la Représentation nationale est «le solde résiduel du pouvoir Exécutif.» Et pour cause, «tous les pouvoirs sont donnés au Président de la République et le reste à l’Assemblée nationale. C’est dire que cette dernière ne fait pas grand-chose et obéit directement à l’Exécutif, surtout que sur cent lois votées, le Président de la République est à l’origine des quatre-vingt-dix.»

Les députés qui doivent contrôler l’action du Gouvernement passent donc pour être les élus de celui qui les a investis sur les listes. «C’est cela même le blocage. L’on devrait même revoir le système d’élection du député afin qu’il puisse jouer pleinement son rôle», dit-elle. Donnant des exemples, Me Aïssata Tall Sall note que «la loi de finance est votée comme elle arrive sans véritables débats sur le contenu», arguant que les rares députés qui prennent la parole mettent sur la table quelques doléances qui se résument à la construction de routes, la réfection de lampadaires ou d’un forage. Une manière d’expliquer que tout part de l’Exécutif et tout revient à l’Exécutif. 

«Par exemple, lorsqu’il s’agit d’interroger le Premier ministre, les questions lui sont envoyées à l’avance, avant même qu’il n’arrive à l’Assemblée nationale. Ceci est un problème par rapport à la séparation des pouvoirs», note-t-elle. 

Une occasion pour l’élue socialiste de faire allusion à une grande démocratie comme les Etats-Unis en citant l’ouvrage d’Alexis de Tocqueville qui traite de l'impulsion que le mouvement démocratique donne à la forme du gouvernement, aux lois et à la vie politique. «Dans ce pays, nous avons un Président fort et un Congrès fort. A vrai dire, les Américains se sont battus pour se doter d’institutions fortes. En ce qui nous concerne, nous avons juste copié des modèles sans tenir compte de notre passé», a-t-elle indiqué, dépitée. 

Elle cite même le mode de choix des neuf juges de la Cour suprême des Etats-Unis qui sont élus à vie, alors qu’au Sénégal, le Procureur est nommé par le Président de la République. «Au moins, permettez que la société que vous êtes censé représenter vous choisisse. Cela impacterait sur la séparation réelle des pouvoirs, mais malheureusement nous avons encore des régimes présidentialistes ultra puissants qui ne donnent même pas à l’Assemblée nationale ses pouvoirs propres», a dénoncé Me Sall. 

Il faut rappeler que la démocratie représentative, appelée aussi démocratie délégative, est l’une des formes de démocratie où les citoyens expriment leur volonté par l’intermédiaire de représentants élus et à qui ils délèguent leurs pouvoirs. Ces élus, qui représentent la volonté générale, votent la loi et contrôlent éventuellement le Gouvernement. 
Abdoulaye Mbow
 
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