Algérie : Le mouvement Hirak se réveille pour son deuxième anniversaire

Lundi 22 Février 2021

Des milliers de manifestants ont défilé lundi à Alger et dans d’autres villes du pays, ravivant la contestation antirégime dans la rue à l’occasion du deuxième anniversaire du soulèvement et après une année d’interruption due à la crise sanitaire.
 
« Dieu soit loué, le peuple s’est réveillé. On pensait que les gens se contenteraient de ce que le pouvoir a lâché, mais maintenant on va revenir aux marches d’avant la COVID-19 », a déclaré à l’AFP Hassan, un infirmier de 28 ans.
 
Les protestataires se sont frayé un chemin vers le centre d’Alger, malgré un impressionnant dispositif policier, en déployant drapeaux nationaux et amazighs (berbères) devant la Grande Poste, lieu de rassemblement emblématique du Hirak.
 
Il s’agit du cortège le plus imposant dans la capitale depuis l’arrêt des marches hebdomadaires le 13 mars 2020 à cause de la pandémie de COVID-19.
 
La police a procédé à plusieurs interpellations, parfois musclées, a constaté un journaliste de l’AFP. Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) a fait état de près d’une trentaine de personnes interpellées à Alger et une soixantaine dans l’ensemble du pays.
 
Les derniers manifestants se sont dispersés dans le calme en fin d’après-midi.
Certains étaient venus d’autres régions pour défiler à Alger, mais des barrages de police ont rendu l’accès à la capitale difficile.
 
« Volonté de changement »
 
Parmi les slogans, les hirakistes ont chanté : « Nous ne sommes pas venus pour célébrer (l’anniversaire), mais pour que vous partiez », en allusion à la classe politique.
 
En province, des marches ont eu lieu notamment à Annaba, Oran, Béjaïa, Sétif, Bouira, Mostaganem, Constantine et Tizi Ouzou, selon des images postées sur les réseaux sociaux et des témoignages recueillis par l’AFP.
 
« Images émouvantes du Hirak à travers lesquelles les Algériens montrent leur volonté indéfectible de reprendre en main la chose politique, leur profond désir de changement, de liberté, de démocratie », s’est félicité un internaute, Amrane, sur Twitter.
 
Déclenché le 22 février 2019, le Hirak, mouvement pacifique de protestation populaire inédit, avait poussé le président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis deux décennies, à la démission deux mois plus tard après avoir été lâché par l’armée.
 
Interrompu par la pandémie, le mouvement a toutefois continué de réclamer le démantèlement du « système » en place depuis l’indépendance en 1962, synonyme à ses yeux d’autoritarisme et de corruption.
 
Si le régime — le président Abdelmadjid Tebboune en tête — rend régulièrement hommage au « Hirak authentique béni », il considère que ses revendications ont été satisfaites « dans des délais record » et qualifie aujourd’hui ses partisans de « magma contre-révolutionnaire ».
 
Les autorités ont récupéré la date du 22 février sous le nom de « Journée nationale de la fraternité et de la cohésion peuple-armée pour la démocratie ».
 
« Le Hirak reprend sa révolution pacifique. Le pouvoir lui, via ses médias, commémore », a répondu un internaute, Salim, sur Twitter.
 
Les étudiants d’Alger, qui défilaient traditionnellement chaque mardi avant la suspension des marches, ont promis de revenir « en force » dans la rue cette semaine.  
 
« Écraser la dissidence »
 
Dans un communiqué, Amnistie internationale a critiqué « une stratégie délibérée des autorités algériennes visant à écraser la dissidence » ces deux dernières années, malgré le caractère pacifique des marches.
 
Cet anniversaire survient au lendemain d’une série de décisions du président Tebboune, qui s’efforce de reprendre l’initiative après une longue hospitalisation en Allemagne, face à une triple crise politique, économique et sanitaire.  
 
Jeudi, le chef de l’État a décrété une grâce en faveur d’une soixantaine de détenus d’opinion, dans un geste d’apaisement.
 
Depuis, près de 40 prisonniers ont été libérés, dont l’opposant Rachid Nekkaz et le journaliste Khaled Drareni, devenu un symbole du combat pour la liberté de la presse.
 
Comme promis, M. Tebboune a aussi procédé dimanche à un remaniement du gouvernement, très attendu, mais sans changement majeur.
 
Le premier ministre Abdelaziz Djerad, pourtant critiqué, reste à son poste ainsi que les détenteurs de ministères régaliens comme la Justice avec Belkacem Zeghmati, symbole de la lutte anticorruption, mais aussi de la répression judiciaire.
 
M. Tebboune a également dissous dimanche l’Assemblée nationale, chambre basse du Parlement, ouvrant comme prévu la voie à des législatives anticipées dans les six mois. Aucune date n’a encore été fixée pour le scrutin, mais la classe politique mise sur le mois de juin. (AFP)
 
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