À un mois des élections européennes, le parti d’extrême droite allemand AfD a subi lundi un nouveau revers après que la justice a autorisé les renseignements à maintenir une surveillance étroite de cette formation soupçonnée d’« extrémisme ».
C’est un coup dur de plus pour ce mouvement, déjà dans le viseur de la justice pour ses liens présumés avec la Russie et la Chine.
La décision du tribunal de Münster (Nord-Ouest du pays) de rejeter une demande de l’AfD contre son classement comme « suspect d’extrémisme » a été saluée par le chancelier allemand Olaf Scholz.
« Notre démocratie a les moyens de se défendre. Notre État de droit protège notre démocratie. Aussi contre les menaces de l’intérieur », a lancé le dirigeant social-démocrate sur son compte X.
Cette querelle juridique dure depuis 2021 : les services de renseignements intérieurs allemands (BfV), l’Office de protection de la Constitution, avaient décidé de catégoriser l’AfD comme un « groupe suspect d’extrémisme de droite », ce qui permet une surveillance plus étroite.
L’AfD a attaqué en justice cette décision et en 2022 le tribunal de Cologne (Ouest) a rejeté sa demande, conduisant le parti à se tourner vers l’instance judiciaire supérieure, à Münster.
Le parti « n’a pas le droit d’exiger que le BfV s’abstienne de le surveiller », a affirmé le tribunal de Münster, dans son jugement.
Les lois existantes « fournissent une base légale suffisante pour observer [ce parti, NDLR] en tant que suspect », a-t-il ajouté.
L’organisation de jeunesse du parti, Junge Alternative, est logée à la même enseigne que l’AfD, en vertu du jugement.
Mépris de la dignité
Détaillant la décision, le juge Gerald Buck a estimé qu’il y avait suffisamment d’indices pour soupçonner l’AfD de poursuivre des aspirations liées à un « mépris de la dignité humaine » des étrangers et des musulmans.
Au moins une partie importante de l’AfD a pour objectif de « n’accorder aux citoyens allemands issus de l’immigration qu’un statut juridiquement dévalorisé », a-t-il dit.
De leur côté, les avocats de l’AfD ont affirmé que les déclarations faites par une partie de ses adhérents, collectées par les services de renseignements, ne devaient pas être attribuées au parti dans son ensemble, qui compte environ 45 000 membres.
Furieuse, la coprésidente de l’AfD, Alice Weidel, a affirmé que le jugement de lundi n’était « pas acceptable ». « Nous allons nous revoir [au tribunal administratif, NDLR] à Leipzig (Est) », a-t-elle dit, laissant entendre que son parti voulait attaquer la décision devant les instances judiciaires supérieures.
Tino Chrupalla, l’autre coprésident du parti, a affirmé qu’« il y avait une motivation de politique intérieure derrière tout cela ». « Nous sommes en pleine campagne électorale européenne », a-t-il remarqué.
De son côté, le président des services de renseignements intérieurs (BfV), Thomas Haldenwang, s’est réjoui du jugement de Münster.
« L’Office de protection de la Constitution joue un rôle important d’alerte sur des aspirations qui iraient à l’encontre de l’ordre fondamental libéral et démocratique », a-t-il dit. Et de promettre : « Nous continuerons à remplir cette mission à l’avenir ».
Créé en 2013, ce parti populiste et antimigrants avait jusqu’au début de l’année le vent en poupe dans les sondages et espérait triompher aux Européennes de juin et dans trois scrutins régionaux en septembre dans l’est du pays (ex-RDA), considéré comme son fief.
Mais depuis, les scandales se sont accumulés et sa popularité s’est effritée.
À la mi-janvier, avait été révélée la participation de certains de ces membres à une réunion de l’ultradroite pour discuter d’un projet d’expulsion massive de personnes étrangères ou d’origine étrangère d’Allemagne.
Puis en avril, une enquête a été ouverte pour soupçons de financements russes et chinois à l’encontre de sa tête de liste au scrutin européen, l’eurodéputé Maximilian Krah, dont l’un des assistants au parlement européen, suspecté d’être un agent chinois, venait d’être arrêté. [AFP]