Allemagne: la droite nationaliste brise un tabou avec une percée historique

Dimanche 24 Septembre 2017

Le parti de la droite nationaliste AfD a enregistré dimanche une percée historique pour un tel mouvement aux élections allemandes, brisant un tabou dans le pays, après une campagne où il a radicalisé sa rhétorique.

Porté sur les fonts baptismaux il y a seulement 4 ans, ce mouvement anti-islam et anti-migrants a recueilli 13% à 13,5% des voix, selon des sondages à la sortie des urnes, et devrait envoyer 86 à 89 députés siéger au Bundestag.

"Nous allons changer ce pays", a lancé la co-tête de liste, Alexander Gauland, quelques minutes après la publication des premiers sondages des télévisions publiques, en promettant de mener "une chasse" contre Angela Merkel.

Ostracisé par toutes les autres formations qui le qualifie de "honte pour l'Allemagne", l'AfD n'a aucune chance de figurer au prochain gouvernement sans doute dirigé une nouvelle fois par Angela Merkel.

Mais la co-tête de liste du parti, Alice Weidel, a déjà fixé ses objectifs à moyen terme: "dès 2021 (être) en mesure de gouverner".

- Césure historique -

L'arrivée à la chambre des députés de l'AfD, qui était resté sous la barre des 5% en 2013, constitue un tournant dans l'histoire allemande d'après-guerre.

Car elle signifie que pour "la première fois depuis 70 ans, des nazis vont s'exprimer au Reichstag", le bâtiment qui abrite la chambre basse du Parlement, a tonné avant le scrutin le ministre des Affaires étrangères et figure des sociaux-démocrates, Sigmar Gabriel.

L'Allemagne, en raison de son passé nazi, demeura longtemps l'un des rares pays européens à ne pas connaître de poussée de grande ampleur de mouvements identitaires et anti-migrants. Une évolution que connaissent depuis longtemps ses voisins français, néerlandais ou autrichien.

Mais l'AfD, malgré une guerre fratricide entre ses dirigeants, a su profiter du mécontentement dans une partie de la société allemande né de l'afflux de plus d'un million de demandeurs d'asile en 2015 et 2016, une décision prise par Angela Merkel.

Si d'anciens nazis ont été élus députés au Bundestag jusque dans les années 80, "c'est une césure historique", analyse l'historien Michael Wolffsohn. "Pour la première fois, un parti nettement à droite du centre et à certains égards d'extrême-droite sera représenté au Bundestag".

Agitateur des peurs face aux migrants essentiellement musulmans, l'AfD a multiplié les sorties fracassantes avec une présence massive sur les réseaux sociaux.

L'AfD s'est adjoint les services d'une agence de publicité américaine qui a collaboré avec Donald Trump par le passé.

Le parti, dont une frange souhaite un rapprochement avec le Front national français ou le FPÖ autrichien, a radicalisé son discours depuis sa création, adoptant la stratégie inverse d'une Marine Le Pen qui a cherché au contraire à "dédiaboliser" le FN.

- "Islamisation grandissante" -

Durant cette campagne, la co-tête de liste, Alexander Gauland a dénoncé une "islamisation grandissante de l'Allemagne". Cet ancien militant de la CDU d'Angela Merkel, âgé de 76 ans, a assuré que l'islam n'était pas une religion mais une "doctrine politique" et que le terrorisme trouvait ses racines dans le Coran.

Ses sympathisants ont perturbé à maintes reprises les meetings de la chancelière avec des huées et des vociférations, en particulier dans l'ex-RDA (est) où le rejet des autorités fédérales est jugé préoccupant.

"La République va changer", prédit pour l'AFP le politologue de Düsseldorf, Fabian Virchow.

"Au Bundestag, on va assister à un durcissement des affrontements verbaux (...). Les autres partis vont se déplacer un peu vers la droite sur les questions d'ordre et de sécurité", juge le chercheur.

Une partie de ses cadres puise volontiers dans le vocabulaire nazi, en qualifiant Angela Merkel de "traître à la patrie" par exemple, et remet en cause le consensus mémoriel des Allemands basé sur le repentir. Adepte des tirades polémiques, Alexander Gauland n'a pas hésité à vanter "les performances des soldats" de l'armée d'Hitler et certains candidats ont tenu des propos révisionnistes.

Partisan d'une sortie de l'Allemagne de l'euro, l'AfD prône des positions traditionnelles sur la famille. Climato-sceptique, le parti réclame également l'annulation de l'Accord de Paris sur le climat. (AFP)
 
 
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