L'écrivain franco-libanais Amin Maalouf, 74 ans, a été élu jeudi secrétaire perpétuel de l'Académie française, une institution qui doit selon lui "refléter la diversité du pays et du monde".
M. Maalouf a été élu à la tête de l'Académie par 24 voix, contre huit pour son concurrent Jean-Christophe Rufin, au terme d'un scrutin à huis clos.
Le secrétaire perpétuel est le membre qui dirige cette institution chargée de défendre et promouvoir la langue française. Il n'y a eu que 32 personnes pour occuper ce poste depuis 1635.
Il était vacant depuis le décès en août de l'historienne Hélène Carrère d'Encausse qui l'occupait depuis 1999.
"Je suis persuadé que la mission de l'Académie française est encore plus importante aujourd'hui qu'elle ne l'était au temps de Richelieu", c'est "un élément essentiel de l'identité d'une nation et du rayonnement de la France dans le monde", a déclaré Amin Maalouf, après son élection sous la coupole.
- Symbole pour les francophones -
"C'est un excellent choix, (...) un immense écrivain, un homme de fraternité, de dialogue, d'apaisement", a salué la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, elle aussi franco-libanaise, en arrivant sous la coupole après l'élection.
Elle a souligné qu'il s'agissait d'un "magnifique symbole pour tous les francophones du monde".
Le nouveau secrétaire perpétuel, prix Goncourt 1993 pour "Le Rocher de Tanios", est délesté dans l'immédiat d'une tâche à laquelle Hélène Carrère d'Encausse a consacré beaucoup d'énergie: achever la neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie.
"On est tout à fait au bout", a confirmé M. Maalouf, l'examen du mot "zoologie" ayant par exemple été fait. Il a annoncé une "fête" pour célébrer la fin de cette tâche de près d'un siècle. Et dit d'emblée qu'il comptait engager "une réflexion approfondie" avant la dixième édition: le dictionnaire "ne peut plus se concevoir aujourd'hui comme il se concevait avant".
- "Pas un parti politique" -
Il ne s'est pas plus livré sur l'orientation qu'il comptait donner à sa présidence d'une institution parfois jugée conservatrice, sur des sujets comme l'orthographe ou l'écriture inclusive.
"Le Français va mal ! Il est important que l'Académie française sache défendre la langue au risque que nous soyons traités de réacs", a déclaré en sortant du scrutin l'un des plus médiatiques des académiciens, le philosophe Alain Finkielkraut.
Le nouveau secrétaire général se veut plus mesuré: "je n'irai pas jusqu'à dire que la langue est en danger, mais il y a constamment des menaces (...) Je pense qu'il faut avoir une vision d'une langue française qui peut redevenir conquérante", a-t-il confié à l'AFP.
En tout état de cause, "l'Académie n'est pas et ne sera jamais un parti politique", a-t-il martelé, jugeant "important qu'il y ait toutes les sensibilités, toutes les opinions (représentées) et que tout cela se passe dans la courtoisie, dans l'amitié et la fraternité".
Deux autres questions pressantes l'occuperont.
D'abord, les finances. L'Académie française, tout comme les autres branches de l'Institut de France, est dans une situation financière délicate, elle qui vit du produit de ses actifs financiers ainsi que de dons et de legs.
Ensuite, l'attractivité. Rajeunir et féminiser la "Compagnie", où siègent seulement six (bien six) femmes, est un objectif de longue date. "L'habit vert", à revêtir tous les jeudis, attire les retraités, très peu les actifs.
"Il faut élire plus de femmes" académiciennes, a plaidé jeudi Amin Maalouf.
Il a aussi eu un mot pour son "ami" Jean-Christophe Rufin, candidat malheureux qui s'était déclaré tardivement, ce qui a alimenté des tensions dans le microcosme de l'Académie.
"Amin Maalouf est un très bon choix mais on aurait pu le faire dans de meilleures conditions", a regretté Alain Finkielkraut, jugeant le climat précédant cette élection "détestable". [AFP]