Appel autour d’un programme alternatif commun pour faire face au président-politicien ! (par Mody Niang)

Jeudi 28 Septembre 2017

Il a gagné ses élections législatives et se retrouve avec une majorité confortable, voire écrasante. Il a reconduit son Premier Ministre et nommé un gouvernement de 39 membres qui siègent, au conseil des ministres, à côté de trois ministres d’Etat sans portefeuille, payés quatre (4) millions de francs CFA par mois. Quarante deux ministres, sans compter les ministres conseillers spéciaux et ministres conseillers dont personne ne connaît le nombre exact, peut-être pas même celui qui les a nommés. Nous sommes loin, très loin d’un gouvernement de 23 à 25 membres au plus qu’il s’engageait à nommer, ‘’pour plus d’efficacité’’. Plus de gouvernement encombrant dont les membres se bousculent dans la salle du Conseil des ministres, affirmait-il avec force, mais sans conviction. On en a le cœur net aujourd’hui.
 
Nous ne nous attarderons donc pas sur la parole de ce président-politicien qui ne vaut plus rien, qu’il renie à la moindre incartade, au gré de ses intérêts politiciens du moment. En matière de wax-waxeet, il dépasse son prédécesseur de plusieurs crans.
Il a donc nommé un gouvernement de continuité de 42 membres, un gouvernement très politique, très politicien, qui a pour mission exclusive de le faire réélire dès le premier tour. Il craint un second tour comme la peste et le choléra et mettra tout en œuvre pour l’éviter. Il mettra tout en œuvre, vraiment tout, pour juguler cette lugubre catastrophe. Il ne lésinera sur aucun moyen, aucun vraiment pour atteindre cet objectif.
 
Les «atouts substantiels» de Macky all

Des moyens, il en a à foison, en usera et en abusera. Il dispose, outre son décret, de ‘’Fonds spéciaux’’ pratiquement illimités. D’ores et déjà, il a fait de certains ministères – du moins selon certains observateurs – de véritables vaches dont les mamelles regorgent de lait au point de raser le sol. C’est le cas, en particulier, du Ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, et de celui du Pétrole et des Energies, confiés à deux de ses très proches. Un autre proche, Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, leur facilitera la tâche s’il y a lieu, et il y aura sûrement lieu. Une autre vache à lait ou que l’on peut considérer comme telle, la Caisse de Dépôt et de Consignation (CDC), qui gère plus de 200 milliards de francs CFA et d’énormes ressources foncières, est confiée à son frère cadet.
 
Pourtant, il avait pris l’engagement formel – un de plus sans lendemain – à ne jamais prendre un décret pour le nommer à quelque fonction que ce soit. Ce qui gêne d’ailleurs, ce n’est pas tant que le promu est le frère du président-politicien, mais que son nom a été cité dans plusieurs affaires non encore élucidées.
De nombreuses directions, agences et autres structures (Centre des Œuvres universitaires de Dakar, Société nationale de la Poste, Port autonome de Dakar, Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes, etc.), joueront probablement leur partition dans la mission confiée à Bennoo Bokk Yaakaar, et principalement à l’APR, de faire réélire leur mentor dès le premier tour.

Le président-politicien dispose de nombreux autres atouts pour réaliser son rêve. Il s’appuie, en particulier, sur un ministre (de l’Intérieur) et une administration (centrale comme territoriale) pratiquement acquis à sa cause. On peut aussi compter parmi ses atouts une Commission électorale nationale autonome (CÉNA) à bout de souffle. S‘y ajoute sa capacité de manipulation amplifiée par une télévision aux ordres exclusifs de son parti, de sa famille et, à un moindre degré, de ses alliés dociles qui se contentent des miettes qu’il veut bien leur donner.

Parmi ses chevaux de bataille, on peut citer aussi la détestable transhumance, l’analphabétisme et la pauvreté des populations sénégalaises. On n’oubliera pas de signaler l’attachement morbide d’une certaine classe politique, d’une certaine société civile et de nombreux chefs dits religieux, à l’argent et aux honneurs. De l‘argent, le président-politicien et son clan en ont à foison. Avec son fameux décret qu’il a toujours en bandoulière, il ouvre la porte des ‘’honneurs’’ aux hommes et aux femmes qui n’ont plus cure du sens de l’honneur et de la dignité.

Le président-politicien dispose donc d’atouts substantiels pour s’ouvrir grandement les portes à un second mandat et il ne s’en privera pas. Il mettra pleinement à profit les seize (16) à dix-sept (17) mois qui nous séparent de l’élection présidentielle de 2019. Il va ainsi manipuler, manipuler. Il va, en particulier, frapper les imaginations des populations les moins averties avec son TER et l’Autoroute ‘’Ila Touba’’, qu’il va probablement inaugurer en janvier ou février 2019.
 
On imagine parfaitement l’ampleur que prendront ces deux cérémonies et l’impact qu’ils pourront avoir sur des populations analphabètes et même sur d’autres, qui ne s’attarderont pas sur les coûts exorbitants, les probables fortes surfacturations de ces deux infrastructures. Celles-ci ne nous coûteront pas moins de 1500 milliards de francs CFA, qui auraient pu servir bien plus utilement à relier Dakar et Ziguinchor par voie de train et réhabiliter les chemins de fer Dakar-Thiès, Thiès-Saint-Louis, Thiès-Kaolack, Kaolack-Guinguinéo, Louga-Linguère. Une gare pourrait être construite à Diamniadio d’où partirait un embranchement d’une trentaine de kilomètres, qui rejoindrait l’Aéroport international Blaise Diagne. On se passerait ainsi de ce coûteux et impertinent TER, au profit de la renaissance d’activités économiques tout au long des voies nouvelles ou réhabilités.
 
TER et « Ila Touba »

Comme le TER, ‘’Ila Touba’’ est un investissement bien plus de prestige que de développement. La route existante aurait pu être élargie (deux fois deux ou deux fois trois voies). Elle contournerait Thiénaba, Khombole, Bambey, Diourbel l’étant déjà. Les populations de Touba auraient sûrement préféré, si elles avaient le choix, l’assainissement de la ville sainte, l’accès à l’eau potable, l’amélioration notable des infrastructures sanitaires, l’extension du réseau électrique et la construction de routes au bénéfice des quartiers périphériques très déshérités, etc. ‘’Ila Touba’ ne profitera, comme l’Autoroute à péage Dakar-Diamniadio-Sindia, qu’aux étrangers. Sûrement aux Français. Peut-être aux Marocains.

Le président-politicien va donc manipuler, manipuler, frapper fortement les imaginations en usant d’autres subterfuges comme la ‘’modernisation des cités religieuses’’, la ‘’couverture maladie universelle’’, les ‘’bourses de sécurité familiale’’, ‘’La délégation générale à la solidarité nationale’’, ‘’Le Fonds de Solidarité nationale’’, etc. Pour ne s’arrêter que sur la ‘’modernisation des cités religieuses’’, des dizaines, voire des centaines de milliards du contribuable y sont engloutis sans contrôle, gérés exclusivement par un couple, à partir du ‘’cabinet d’architecture’’ de la Présidence de la République. Imagine-t-on une telle structure, installée à l’Elysée, pour construire ou moderniser des Eglises et des chapelles ?
 
Les « divisions artificielles » de l’opposition

Le président-politicien et son clan ne reculeront donc devant aucun obstacle, fût-il la loi, pour s’assurer une victoire confortable en 2019, et dès le premier tour. Ils vont rivaliser d’ardeur à acheter des consciences à coût de milliards de francs CFA. Ils nous ont déjà administré la preuve de ce dont ils sont capables dans ce domaine-là. Ils vont enfourcher d’autres chevaux de bataille qu’il serait long de passer en revue ici et qui renforceront la machine infernale qui va les conduire directement à la victoire. Ces gens-là ne sont surtout pas des enfants de chœur, et il faudra plus que la croix et la bannière pour leur barrer la route vers la réalisation de la mission qu’ils se sont fixée. Gagner ou périr, tel est leur devise.
 
Malgré les nombreux dysfonctionnements qui les ont entachées, les élections législatives du 30 juillet dernier ont été révélatrices à plusieurs égards. Elles nous ont laissé l’impression que l’opposition, par ses divisions parfois artificielles et, partant, stériles, n’est pas encore à la hauteur des enjeux. Pour nombre de nos compatriotes, ses membres sont davantage attachés à des intérêts particuliers qu’à l’intérêt général. Pour d’autres, les élections législatives du 30 juillet n’ont pas permis de faire émerger des rangs de l’opposition, un homme ou une femme susceptible de pouvoir faire face au président-politicien et à sa redoutable machine électorale.
 
En attendant d’y voir plus clair, je pense humblement qu’il faudrait d’abord s’orienter vers l’élaboration d’un programme alternatif à celui que le président-politicien est en train de mettre en œuvre, et qui s’appellerait ‘’Programme alternatif commun (PAC)’’. L’objectif de cette contribution est d’appeler, peut-être sans illusion, autour de ce ‘’PAC’’. Comment l’élaborer ? Avec qui l’élaborer ? Comment rassurer nos compatriotes, qui ne croient plus à la parole des politiciens ? Comment gagner leur confiance et les convaincre que nous ne serons pas comme les autres, que notre programme et nos différents engagements ne finiront pas dans la poubelle, comme le sont ceux du président-politicien et de son prédécesseur ? Quelle femme ou quel homme portera-t-il (elle) le ‘’PAC’’, une fois qu’il sera élaboré ? Comment sera-t-il (elle) désigné (e), etc. ?C’est à toutes ces questions, et à d’autres, que nous allons tenter de répondre, tout au long des lignes qui suivent. Avec nos idées à nous, nos maigres idées de profane.
 
Réduire l’hypertrophie du pouvoir présidentiel

La priorité des priorités quand il est question de programme dans notre pays, c’est sans conteste la réforme, la réforme profonde de nos institutions. Le mal le plus profond de notre démocratie, des gouvernances que nous avons connues – surtout à partir du 2 avril 2000 – c’est le net déséquilibre des pouvoirs se manifestant par l’hypertrophie de la fonction présidentielle. Chez nous, le Président de la République concentre tous les pouvoirs et écrase tous les autres. Il règne en maître incontesté sur l’Assemblée nationale comme sur le Pouvoir judiciaire. C’est un buur et bummi qui a pratiquement droit de vie et de mort sur les députés comme sur les magistrats. Il pèse de tout son poids sur toute notre pauvre administration, qu’elle soit centrale ou territoriale.
 
Le budget, c’est son budget. ‘’Macky Sall maye na forage fi, maye na aw yoon fee’’, entend-on souvent de la bouche de ses courtisans, même de ses ministres et de ses députés. En d’autres termes, ‘’Macky Sall a donné un forage par-ci, a donné une route par-là’’, comme si le budget lui appartenait. En réalité, il n’est pas loin de lui appartenir, puisqu’il en dispose comme il veut. Ses proches, qui sont à la tête d’institutions importantes, s’inspirent de son exemple sans crainte d’être sanctionnés, d’être seulement contrôlés. Suivez mon regard !
 
Restaurer et retailler la fonction de Président de la République

Un autre mal de notre démocratie, de la gouvernance du pays, c’est le cumul, de plus en plus insupportable, par le Président de la République, de sa fonction avec celle de chef de son parti. On a souvent bien du mal à faire la distinction entre le Président de la République et le président du parti. Depuis plus de cinq ans, ce parti bouscule tout sur son passage, y compris la Patrie reléguée au second plan. Il est devenu un parti-Etat qui n’a rien à envier à ceux des anciens pays communistes. Ministres, ministres conseillers, conseillers spéciaux, directeurs et directeurs généraux, ambassadeurs, ambassadeurs itinérants, consuls généraux, présidents de conseil d’administration ou de conseil de surveillance sont, pour l’essentiel, membres du parti-Etat. Gare à ceux ou à celles qui osent seulement lever le plus petit doigt sur certaines de ses nominations ! Ses thuriféraires leur jettent alors violemment à la figure son pouvoir constitutionnel de ‘’nommer à tous les emplois civils et militaires’’.
 
S’adossant à ce pouvoir, son prédécesseur rappelait à tout va qu’il pouvait même nommer son chauffeur ambassadeur. L’esprit de ce pouvoir constitutionnel est terriblement dévoyé chez nous. Le Président-politicien en use et en abuse. Il nomme à tout bout de champ des hommes et des femmes venu (e)s de nulle part. Il a nommé nombre de conseillers spéciaux et d’ambassadeurs ‘’itinérants’’ qu’il na jamais rencontrés, et qui sont payés à ne rien faire.

On constate les mêmes dérives autour de l’utilisation de ses ‘’Fonds spéciaux’’. Dans ce cadre, dix milliards, avance-t-on, lui sont votés annuellement. Dix milliards dont ses vuvuzela nous rappellent à l’envi qu’« ils sont laissés à sa seule discrétion et qu’il en fait ce qu’il veut, qu’il peut même les brûler ». L’un d’entre eux, un ancien colonel de l’Armée nationale, qui parlait des ‘’Fonds spéciaux’’ en toute connaissance de cause, a clos un débat auquel il participait, en les traitant d’ ‘’alali baytimaar’’, c’est-à-dire de l’argent qu’on jette simplement par la fenêtre.

Un pays aussi pauvre et aussi endetté que le nôtre, ne devrait pas se permettre, chaque année, de voter huit à dix milliards au président-politicien qui les utilise, pour l’essentiel, à entretenir sa famille, son parti et son clan. Ces deniers publics – oui, c’est ce qu’ils sont –, ne devraient surtout pas servir à acheter des consciences. Toute réforme, au Sénégal, devrait se pencher sur l’esprit, le montant et l’utilisation de ces ‘’Fonds’’. Ils ne devraient pas dépasser quatre milliards et leur utilisation devrait être soumise aux structures de contrôle, à la Cour des Comptes notamment.

Le Président de la République devrait aussi se limiter strictement à l’exercice de sa fonction. Il n’a pas à gérer des projets, à abriter un cabinet d’architecture qui utilise les deniers publics pour construire des infrastructures, sous le nez et la barbe du pauvre contribuable, qui n’y voit que du feu, qui ne voit rien d’ailleurs. Il devrait se situer bien au-dessus de la mêlée et veiller à ce que sa vision, sa politique soit correctement mise en œuvre. La Présidence de la République devrait retrouver son lustre et sa solennité d’antan. Elle doit cesser d’être le siège de l’APR et de Bennoo Bokk Yaakaar. Du temps de Senghor et de Diouf, il ne venait à personne l’idée de l’appeler ‘’poulailler de la république’’.
 
Revenir à 100 ou 120 députés

Il conviendrait donc d’abord de restaurer la fonction présidentielle et de la retailler, elle et tout ce qui gravite autour. Ses pouvoirs devraient être notablement revus à la baisse, au contraire de ceux de l’Assemblée nationale et des institutions judiciaires qui devraient être, eux, substantiellement renforcés. Pas seulement en théorie, mais dans la pratique quotidienne. Des spécialistes réfléchiront sur ce nécessaire équilibre des pouvoirs, sur leur nécessaire séparation. Le profane que je suis peut penser à un régime stable, à-mi chemin entre un pouvoir présidentiel fort et un pouvoir parlementaire pur et dur, qui dépouille le Président de la République de l’essentiel de ses pouvoirs et en fait un ‘’roi fainéant’’. Le nouveau régime – si nouveau régime il y a –, dotera le Premier Ministre de pouvoirs importants et garantira l’indépendance du Parlement et celle de la Justice, sans aller jusqu’à l’installation d’une ‘’république des députés’’, pas plus que d’une ‘’république des juges’’.

Les pouvoirs de l’Assemblée nationale ne seront pas significativement renforcés, sans une réforme constitutionnelle qui modifie en profondeur le mode de scrutin en vigueur depuis 57 ans, pour l’élection des députés. Ces derniers doivent cesser d’être les députés d’un président buur et bummi et devenir ceux du peuple. A cet effet, ils devraient être élus par circonscription au scrutin uninominal à deux tours, en lieu et place du ‘’raw gaddu’’ et de la liste proportionnelle. Ainsi élus dans leurs localités respectives, ils auront plus de légitimité, autant de légitimité que le Président de la République.

Des spécialistes réfléchiront aussi sur le fonctionnement de l’Assemblée nationale, sur le nombre des députés et sur leurs divers avantages, jusqu’ici exorbitants. La treizième législature vient d’être installée avec pour seule nouveauté – si on peut l’appeler ainsi –, qu’elle compte quinze députés de plus que la précédente. Au cours de cette cérémonie, les ‘’honorables’’ députés de la majorité ont montré sans état d’âme de quel bois ils vont continuer de se chauffer.
 
L’Assemblée nationale devra donc être retaillée : le nombre des députés ne devrait pas dépasser cent-vingt (120), peut-être même cent (100). Nous n’avons que faire d’une Assemblée de 165 députés fainéants pour l’essentiel, avec un bureau pléthorique composé d’un président, de huit vice-présidents, de six secrétaires et de deux questeurs. Sans compter les présidents de groupes parlementaires (deux) et les présidents de commissions dites techniques (11).

Les seize membres du bureau de l’Assemblée nationale et les deux présidents de groupes parlementaires ont les mêmes avantages que les ministres : pour chacun, chacune, deux véhicules de fonction, 1000 litres de carburant/mois, trois millions (3000000) de francs CFA de salaire mensuel, appelé indemnités pour payer le moins d’impôts possible, cinq cent mille (500000) francs pour les appels téléphoniques. Sans compter de nombreux avantages internes invisibles.

Les présidents de commissions, le Rapporteur général du budget et les vice-présidents de groupes parlementaires touchent chacun, chacune, une indemnité mensuelle de 1,6 million de francs CFA. Sans compter un montant forfaitaire substantiel, pour le fonctionnement de chaque commission. S’y ajoutent, naturellement, un véhicule neuf et une bonne dotation de carburant. L’utilisation du montant forfaitaire donne parfois lieu à des heurts violents et à de chaudes empoignades, entre les présidents et les membres de commissions.

Tous les autres députés, appelés députés simples, bénéficient d’une indemnité mensuelle de 1,3 million de francs CFA, d’un véhicule neuf – et pas n’importe lequel –, et d’une dotation mensuelle de carburant de 300 litres.
Le salaire mensuel du Président de l’auguste Assemblée est de 5 millions de francs. Il gère aussi, dans le cadre de ses fonds politiques, 49 à 50 millions de francs / mois, semble-t-il.
 
Redorer le blason de la fonction ministérielle

Si on considère tous ces avantages cumulés, et d’autres qui ne sont connus que de l’intérieur, combien nous coûtent annuellement nos ‘’honorables’’ députés ? Trente, quarante, cinquante milliards ou plus ? Qui sait ? En retour, que nous apportent-ils, à nous peuple sénégalais ? Presque rien. En tout cas, aucun résultat significatif palpable. S’ils sont vraiment utiles, ils ne le sont que pour le président-politicien, pour eux-mêmes et leurs proches.

Il convient de signaler cette autre pratique, cette tradition choquante qui consiste à acheter, au début de chaque législature, un véhicule neuf rutilant à tous les députés nouvellement élus. Les députés reconduits se retrouvent avec deux véhicules et les autres, ceux et celles dont le mandat n’a pas été renouvelé, partent avec leurs véhicules comme ‘’dampaay’’. De quel droit ces véhicules, achetés avec l’argent du contribuable et normalement patrimoine de l’Assemblée nationale, leur sont-ils cédés si facilement ? Cette tradition doit être abandonnée. A la limite, des véhicules pourraient être achetés pour le parc de l’Institution. Des spécialistes réfléchiront donc sur une solution alternative, une solution plus respectueuse des lois et règlements du pays, et, partant, de l’intérêt général.

L’administration centrale, malmenée, sens dessus dessous, devrait être remise à l’endroit par de profondes réformes. Des spécialistes commis à cette tâche gigantesque devraient commencer par le sommet : le gouvernement. La fonction de ministre est dévoyée depuis le 2 avril 2000. N’importe qui peut devenir ministre de la République aujourd’hui. ‘’On ne s’invente pas ministre’’, disait le président Nicolas Sarkozy qui ajoutait : ‘’C’est un long processus’’. Il tenait ces propos en réponse à une question de Laurent Delahousse sur la nomination (récente) d’Emmanuel Macron comme Ministre de l’Economie de François Hollande (Journal parlé de 20 heures de France 2 du 21 septembre 2014). Pourtant ce dernier, aujourd’hui Président de la République, était agrégé de l’Ecole normale supérieure et énarque. Malgré tout, pour le président Sarkozy, il avait encore du chemin à faire : il n’avait pas suffisamment d’expérience pour l’exercice de l’importante fonction.

Des ministres, on en rencontre chez nous de toutes les couleurs et à tous les coins de rue. Or, n’importe qui ne devrait accéder à cette prestigieuse fonction. Les directeurs de cabinet et les secrétaires généraux respectivement de l’Elysée et de l’Hôtel de Matignon ne sont-ils pas de très hauts fonctionnaires ? Ne l’était-il pas, lui aussi, Jacques Attali, qui a été conseiller spécial du président Mitterrand pratiquement pendant toute sa longue gouvernance de quatorze (14) ans ? Aucun d’eux ne porte le titre de ministre, au contraire de leurs homologues sénégalais. Même le chef de cabinet du président-politicien est ministre, comme l’était celui de son prédécesseur, dont la nomination en avait surpris et indigné plus d’un.
 
L’urgence est donc, chez nous, de restaurer la fonction ministérielle gravement ternie, en lui redonnant son lustre d’antan, en redorant notablement son blason. Dans cette perspective, il conviendrait de commencer par en finir avec les gouvernements pléthoriques et encombrants auxquels le président Wade et son digne successeur nous ont habitués. Il faudrait en restreindre de façon drastique le nombre. Un gouvernement de 15 à 20 ministres, c’est largement suffisant pour le Sénégal : 16 à 18 ministres, 2 à 4 secrétaires d’Etat.

On ne se contentera pas de proposer un nombre. Une commission pluridisciplinaire travaillera à habiller chaque ministère, à lui donner un contenu. Elle pourra s’inspirer des premiers gouvernements du Sénégal et d’autres comme ceux des pays vertueux comme les Pays scandinaves. Pourquoi pas de M. Moubarack Lo qui, dans son livre ‘’Le Sénégal émergent : agenda pour le futur’’, (Walfadjri, 2003), propose un gouvernement de 18 ministres et deux ministres délégués, avec leur contenu ? Même si, aujourd’hui, il conseille un Premier Ministre qui est à la tête d’un gouvernement de 39 ministres auxquels s’ajoutent, en Conseil des Ministres, trois Ministres d’Etat.

Il ne suffira pas d’ailleurs d’habiller les ministères. Des spécialistes devraient aller plus loin, en déclinant, pour chaque ministère, les directions générales, les directions et les divisions. Il conviendrait aussi, peut-être, de revenir sur la notion de chef de service régional, départemental, plutôt que de directeur régional, départemental. Nous comptons trop de directeurs au Sénégal. La direction devrait se situer au niveau national. L’organigramme aussi devrait être ressuscité. Dans beaucoup de ministères et nombres autres institutions, on ne sait plus ce que c’est. Pourtant, c’est un instrument d’efficacité dans le fonctionnement de l’administration.

Un ministère donc, ce sont des directions, des services, des divisions, un organigramme. Quand il s’agit de son fonctionnement, on ne peut surtout pas s’empêcher d’évoquer le poste stratégique de secrétaire général. Ce haut fonctionnaire qui est la ‘’mémoire’’ du département, en assure la permanence, la continuité. M. Moubarack Lo fait remarquer, que pour les inconvénients qu’il comporte, ce poste a été supprimé en France (page 182). Devra-t-on en faire autant au Sénégal ? Les spécialistes apprécieront. Ils retiendront sûrement le poste dans le dispositif du ministère et répondront à la question de savoir quel ministère devrait en être doté. Tous ou quelques-uns d’entre eux ?
 
Rationaliser le maquis des agences

Avec la gouvernance du président-politicien, le poste de secrétaire général, galvaudé, est pratiquement généralisé. Les secrétaires généraux devraient donc être plus de trente aujourd’hui, dont sûrement les trois quarts seraient loin d’avoir le profil de l’emploi. Le secrétaire général d’un ministère, c’est un profil, un très haut fonctionnaire qui a blanchi sous le harnais de l’administration. On ne devrait donc pas en nommer à tout bout de champ. Tous les ministères ne devraient pas en être forcément dotés. A moins qu’ils soient des ministères limités en nombre, comprenant plusieurs directions importantes, comme c’est suggéré un peu plus haut. Et même dans ce cas, le fonctionnaire qui sera choisi pour occuper ce poste stratégique de l’administration, doit l’être avec un soin particulier, qui exclut toute considération partisane.

Une attention particulière devrait être accordée aux très nombreuses agences nationales, dont la plupart sont des doublons des directions, souvent des coquilles vides seulement créées pour offrir des sinécures. Depuis plusieurs années, ces agences nous coûtent des milliards de francs, pour des résultats loin d’être prouvés. Au lendemain de la défaite des Socialistes, le Sénégal n’en comptait pas plus trois. Leur nombre est monté en flèche avec l’arrivée de Me Wade au pouvoir, jusqu’à atteindre les quatre-vingts. Son successeur, qui s’engageait à en diminuer de façon drastique le nombre, en assure plutôt la continuité. Dans la perspective d’une administration notablement allégée, leur nombre ne devrait pas dépasser dix. Et encore !

Lors de la 6ème revue de l’Instrument de soutien à la politique économique (ISPE) conclu le 20 décembre 2013, la question des agences nationales a été largement abordée, et sans complaisance (se reporter au quotidien ‘’Enquête’’ du 9 janvier 2014, page 9). A cette occasion, des réformes ont été proposées, notamment celle visant à « rationnaliser le recours aux agences de l’Etat, qui se sont multipliées dans les années 2000 et ont nui à la transparence des dépenses publiques (…), à la gestion budgétaire et à l’efficacité de la dépense publique ». Une étude faite à cet effet et portant sur plus de 50 agences révèle qu’elles comptent 3000 salariés, dont la rémunération moyenne est environ deux fois plus élevée que dans la Fonction publique (et davantage encore pour les cadres supérieurs). ‘’Elles gèrent environ 820 milliards de francs CFA (soit environ la taille du budget d’investissement)’’.

Pendant tout le temps qu’il a été Représentant Résident du FMI au Sénégal, M. Boileau Loko a insisté, chaque fois qu’il en avait l’opportunité, sur l’urgence et la nécessité d’accélérer le plan de restructuration des agences, pour minimiser les dépenses superflues. Il lui est arrivé d’aller plus loin, en préconisant purement et simplement, pour une rationalisation des dépenses publiques, la suppression de la plupart de ces structures, ‘’qui constituent des doublons par rapport à certains départements ministériels’’. Plus catégorique encore, il a déclaré : « Il y a de nombreuses agences qui n’apportent rien à l’Etat du Sénégal. Aucune valeur ajoutée, rien du tout. » Nous le savions déjà et l’avons toujours clamé haut et fort. Malheureusement, notre voix ne porte pas loin. Toute réforme, au Sénégal, devrait donc restructurer profondément ces agences budgétivores pour rien, pour en diminuer de façon drastique le nombre. Le président-politicien s’y était fortement engagé, mais nous nous sommes désormais fait une religion sur ces engagements, qui ne valent plus un copeck. On ne le rappellera jamais assez.
 
«Dépolluer » et « dépolitiser » l’administration centrale

L’administration centrale sera donc non seulement allégée, mais dépolitisée et dépolluée. Elle devra être une administration nationale neutre, au service exclusif du peuple, plutôt que du parti-Etat. Les hauts fonctionnaires des régies financières en particulier, devraient être éloignés de la politique, de la politique politicienne surtout. Il n’est guère rassurant, ce n’est même pas décent qu’un haut fonctionnaire du Trésor ou des Impôts et Domaines milite activement dans le Part-Etat. Nous nous rappelons encore la rentrée politique tonitruante de ce haut fonctionnaire des Impôts et Domaines, dans une ville du Nord.
 
La cérémonie, qui a mobilisé tout le Département pendant toute une semaine, a été présidée par le Premier Ministre. Elle aurait coûté 150 millions, selon certains observateurs. Ce n’est point exagéré, cette somme : je suis ressortissant du département en question et détiens des informations dignes de foi, relativement à cette folle rentrée politique. Le même haut fonctionnaire a remué ciel et terre pour ‘’décrocher’’ un maire PDS qu’il est allé présenter au président-politicien, en forte délégation. Ce dernier l’aurait chaleureusement félicité, pour avoir réussi ‘’à décrocher enfin ce maire, dont on disait qu’il était indéboulonnable’’. Avec de tels fonctionnaires à la tête de services importants des impôts ou du Trésor, nos finances publiques courent un gros risque.

Il y a ensuite que les grandes directions et agences sont attribuées de façon manifestement partisane. Il faut être membre du parti-Etat, de la famille présidentielle ou, à un moindre degré, allié dans la coalition Bennoo Bokk Yaakaar, pour prétendre à des responsabilités importantes. Cette pratique est contraire à la Démocratie et ne garantit pas l’efficacité du service public. Elle met aussi en péril nos maigres deniers publics. Les grandes directions et agences doivent faire l’objet d’appels à candidatures par une commission nationale qui examine les différends profils à l’aune de ceux qu’elle aura auparavant définis, à côté d’un cahier de charges, avec des objectifs précis. Pour chaque structure, une liste de trois candidats retenus sera proposée au Président de la République et au Premier Ministre pour nomination, pour cinq ans au plus. Une évaluation se fera au fur et à mesure, qui pourrait déboucher sur la révocation, avant les cinq ans, si le haut fonctionnaire n’a pas répondu aux attentes, n’a pas satisfait aux termes de référence.

L’administration territoriale est aussi lourde que l’administration centrale. Il fut un temps où les régions étaient sept. Aujourd’hui, elles sont quatorze (deux fois plus), Les départements ont, eux aussi, plus que doublé : ils sont quarante cinq (45), supervisant une pléthore d’arrondissements. Combien sont-ils aujourd’hui les gouverneurs, les préfets, les sous-préfets et leurs adjoints ? Si on considère que leurs indemnités ont été sensiblement bonifiées pendant la gouvernance Wade et qu’ils sont tous logés et bénéficient de la gratuité de l’eau, de l’électricité et du téléphone, combien coûtent-ils annuellement au contribuable sénégalais ? Il appartiendrait à une commission technique de comparer ce coût à leur apport dans le développement de leurs localités respectives et dans le Sénégal émergent en général.

Cette commission appréciera froidement le nombre de ces structures, leur pertinence et leur viabilité. On se souvient que, pendant longtemps, des départements érigés en régions sont restés pratiquement en l’état pendant plusieurs années, du point de vue des infrastructures tout au moins. Il en est de même de certains départements créés, qui ne comptent pratiquement pas de routes (pas une seule route goudronnée, parfois pas une piste), d’infrastructures administratives, sanitaires, scolaires ou, s’ils en comptent, elles sont dans un piteux état. Nombre d’arrondissements sont encore plus déshérités. Il faudrait donc envisager un audit profond de l’administration territoriale, en vue d’une profonde réforme qui aboutira, s’il y a lieu, à de fortes recommandations pour une meilleure prise en charge de nos collectivités territoriales. Le moment venu, il ne faudrait pas craindre de remettre carrément en cause l’existant.
 
Repenser l’Acte 3 de la décentralisation
 
Une réforme administrative vise davantage l’efficacité que la volonté politique, peut-être politicienne, de quelque groupe de pression que ce soit. Elle ne devrait surtout pas servir de cheval de bataille aux gouvernants pour atteindre des objectifs politiciens, en créant facilement des collectivités territoriales, dont la viabilité est loin d’être prouvée.
La même préoccupation d’efficacité devrait être le soubassement de toutes autres réformes, y compris celle, nécessaire, de l’Acte III de la Décentralisation. Une réforme qui s’est faite avec une précipitation qui en disait long sur ses objectifs politiciens. Elle n’a pratiquement pas fait l’objet d’un dialogue sérieux. Elle n’a pas été précédée, non plus, d’’une évaluation de l’Acte précédent. C’est par procédure d’urgence que le projet de loi qui l’a porté a été transmis à l’Assemblée nationale qui l’a voté, naturellement, en un tournemain.
 
Cette réforme a suscité des réserves et fait l’objet de vives contestations, notamment de M. Mamadou Abdoulaye Sow, ancien Ministre du Budget qui, dans une longue contribution publiée par plusieurs quotidiens (par ‘’L’AS’’ du mercredi 22 octobre 2014 notamment), ‘’démonte l’acte III de la Décentralisation’’. Il préconisait notamment « le besoin de réétudier minutieusement la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des collectivités locales avant son réexamen éventuel par l’Assemblée nationale ». En particulier, il remet en cause la légalité de trois décrets que le pouvoir exécutif a tour à tour pris. Il s’agit des décrets : n° 2014-830 du 30 juin 2014, n°2014-926 du 23 juillet 2014, n°2014-1140 du 15 septembre 2014.
 
Le profane que je suis ne pouvant pas se risquer à aller plus loin, renvoie à cette longue contribution et à d’autres que l’auteur, inspecteur des Impôts de son état, a consacrées à ce fameux Acte III. Cependant, le profane s’arrêtera un peu sur la ‘’communalisation intégrale’’. On aurait compris et peut-être encouragé cette initiative, si elle était un signe de progrès pour les populations rurales, si les communes créées étaient viables. Malheureusement, elles ne le sont guère.
 
Une commune a besoin de moyens pour vivre or, nombre des communes rurales manquent de tout. La pauvreté de l’environnement n’est pas propice à la collecte de recettes fiscales pour constituer un budget. D’ailleurs, le personnel en place, pour l’essentiel en tout cas, ne sait même pas ce que c’est. Une commune digne de ce nom doit compter, outre le maire et ses adjoints, des agents comme : le secrétaire municipal, le comptable matière, le chargé de l’état civil, l’agent voyer (un luxe pour ces communes), etc. Malheureusement, dans bien des communes rurales, tout le personnel est presque analphabète, excepté peut-être celui que l’on appelle le secrétaire municipal, qui dépasse rarement le niveau du BFEM et est totalement ignorant des questions d’état civil, de budget, de recettes fiscales, etc.

Ces maires et leurs adjoints, ainsi que les présidents de conseils départementaux sont gâtés par le président-politicien. Dans son édition du jeudi 22 janvier 2015, ‘’L’Observateur’’ titre en page 6 : « Le traitement princier des ‘’Elus du Macky’’ ». Le quotidien rend compte de la rencontre du président-politicien avec ses 423 maires, le lundi 22 janvier 2015 à King Fahd Palace. A l’occasion, il a fait la déclaration suivante : « Un maire sans véhicule n’est pas un maire. L’Etat va doter les maires de véhicules. La procédure d’appel d’offres est bouclée et tout sera fait pour que, dans les meilleurs délais, vous disposiez de vos véhicules. »
 
Cette déclaration a, naturellement, soulevé un tonnerre d’applaudissements. Si on y ajoute les maires qui ne sont pas siens, l’Etat va acheter plus de 500 véhicules. A combien de milliards ? Et pour quels résultats ?
S’y ajoutent les indemnités qui ont bondi avec le précédent président-politicien. Je renvoie le lecteur à ‘’L’Observateur’’ cité. Il en aura le cœur net. En attendant, à quelques encablures de l’élection présidentielle de 2007, le président-politicien Wade a fait passer, pour ne prendre que cet exemple, l’indemnité du maire de Matam de moins 50000 francs à 900 000 francs. Ses homologues de toutes les capitales régionales avaient désormais la même indemnité mensuelle. Elles étaient de 500000 francs pour les maires de capitales départementales et de 300000 pour ceux des mairies d’arrondissement, ainsi que des présidents de conseils ruraux (qui présidaient aux communautés rurales).
 
Les présidents de conseils régionaux n’étaient pas en reste : ils bénéficiaient et bénéficient aujourd’hui encore, comme présidents de conseils départementaux, des mêmes avantages (substantiels) que les ministres.
Il convient de rappeler quand même que la fonction de maire était pratiquement bénévole de Senghor jusqu’à Wade. Ils comptaient sur leurs propres budgets et achetaient eux-mêmes leurs véhicules. Les élus locaux des présidents-politiciens Abdoulaye Wade et Macky Sall travaillent-ils mieux que ceux de Senghor et de Diouf, pour mériter autant de générosité ?
 
Le programme autour duquel j’appelle devrait remettre en cause l’acte III et tous les autres pris du 2 avril 2000 à nos jours. Les collectivités locales telles qu’elles existent et fonctionnent depuis cette période de 17 ans, devront être profondément réformées, pour plus d’efficacité et moins de gaspillage de nos maigres ressources.
Les réformes ne se limiteront pas aux administrations centrale, territoriale et décentralisée.
 
Equité dans le traitement des agents de l’Etat
 
Une autre, très attendue et qui a fait reculer le président-politicien, sera prise à bras le corps, avec un courage et une détermination sans faille. Il s’agit de rétablir l’équité dans les salaires et diverses indemnités des agents de l’Etat. Le système qui l’organisait et qui s’appuyait sur la Loi portant statut général des agents de l’Etat, octroyait salaires et indemnités en fonction de critères précis, notamment le nombre d’années d’études. Le premier président-politicien est arrivé et a tout détraqué, en attribuant des indemnités par-ci, en augmentant des salaires par-là, de façon qui dépasse parfois tout bon sens. Pour donner quelques exemples, il a fait passer, en cachette, l’indemnité des autorités administratives de 75000 francs à 500000 pour les gouverneurs, de 50000 à 300000 pour les préfets et de 25000 à 100000 francs pour les sous-préfets. Il créait, en même temps, un premier motif de frustration, en écartant leurs adjoints respectifs de sa ‘’générosité’’ subite et, naturellement, intéressée.
 
Un autre exemple : l’indemnité de judicature des magistrats. Jusqu’au 19 mars 2000, le montant en était 150000 francs. Devant la générosité sélective du vieux président-politicien, leur syndicat se fait recevoir et réclame l’augmentation de ladite indemnité. Le ‘’généreux’’ président-politicien la porte à 300000 francs. Ils reviendront à la charge et, au détour d’une audience, l’indemnité bondit de 300000 à 800000 francs, à la surprise même des heureux bénéficiaires. Ils justifiaient leur exigence par le fait que les deux autres pouvoirs bénéficiaient de bien plus d’avantages qu’eux.

Il convient de faire remarquer aussi que, au moment où la seule indemnité de judicature était de 800000 francs, les plus gradés des administrateurs civils se contentaient d’un salaire qui ne dépassait pas 200000 francs (net à payer). Pourtant, ils ont fait le même nombre d’études que les magistrats : baccalauréat + 6 ans. Les docteurs en médecine (baccalauréat + 7 ans) n’étaient pas mieux lotis. Sans se soucier le moins du monde de la situation dangereuse qu’il était en train de créer, le président-politiciens attribuait des indemnités de logement de 300000 à 500000 aux uns, et rien aux autres. Les professeurs d’enseignement secondaire (bac+6 ans) sortirent alors du bois pour réclamer au moins 100000 francs. Refus catégorique : ils étaient trop nombreux !
 
Cette iniquité manifeste sera à la base des nombreuses perturbations qui ont secoué, et secouent encore aujourd’hui l’enseignement, la justice et de bien d’autres secteurs. Et, ce n’est pas pour demain la veille que le gouvernement trouvera une solution (globale) satisfaisante à cette situation. Il n’arrivera jamais à combler les grands écarts que son insouciant prédécesseur a créés. Le budget national y laisserait beaucoup de plumes.

Le président-politicien mesurera la gravité de la situation que son prédécesseur lui a laissée. A la fin du Forum national de l’administration qui s’est tenu à Diamniadio, il a eu une conversation avec des fonctionnaires. Il y révèle l’intention de l’Etat « d’harmoniser le système de rémunération de ses employés dans le souci de corriger les inégalités entre plusieurs secteurs d’activités, en matière de traitement salarial ». Pour se faire plus précis, il ajoute : « Une décision sera prise pour tout remettre à plat. A un moment donné, il faudra tout harmoniser pour avoir une administration qui marche à la même vitesse. Une administration ne peut pas avoir des corps super-privilégiés et d’autres complètement sacrifiés. »
 
Le président-politicien continue son ndëpp – car, c’en était un – en ces termes : « L’inégalité de traitement des salaires dans l’administration est une situation malheureuse dont nous avons hérité. Certaines catégories ont des avantages que d’autres n’ont pas, tout en ayant les mêmes profils et les mêmes ressources. »
Que tout cela est bien dit ! Que tout cela reflète la dure réalité ! Malheureusement, il s’est gardé de dire qu’il a ajouté à la confusion de la situation, en accordant, lui aussi, des avantages exorbitants aux uns et rien, ou presque rien aux autres. Il suffit de lire son décret portant octroi d’indemnités de logement à certains corps de l’Etat, et l’autre attribuant des salaires aux directeurs d’agences et autres structures. Bref, il a reconnu une injustice flagrante et a fait état d’un « audit commandité par le gouvernement dans le but d’équilibrer le système de rémunération des employés du secteur public ».
 
Décision courageuse ! Cependant, comme ses engagements sont rarement suivis d’effet, on ne sait pas s’il ira jusqu’au bout. D’ores et déjà en tout cas, le rapport d’audit est entre les mains du gouvernement depuis plusieurs mois. Mais, jusqu’ici, silence radio autour dudit rapport.

Je doute sérieusement que les recommandations de ce rapport soient appliquées. Elles remettent en cause beaucoup d’avantages, qu’on appelle pudiquement ‘’avantages acquis’’. Le président-politicien sera mal à l’aise pour les appliquer. Quand on brasse des ‘’fonds spécifiques’’ de huit à dix milliards, quand on accorde une indemnité de logement d’un million à chaque ministre et à d’autres privilégiés, quand des directeurs d’agences touchent des salaires mensuels de 5 millions et plus, on aura bien du mal à appliquer des recommandations qui entraîneront immanquablement une baisse notable de nombreux ‘’avantages acquis’’.

Cette réforme du système de rémunération des agents de l’Etat a donc peu de chance d’aller jusqu’au bout, en tout cas tant que le président-politicien est au pouvoir. Un nouveau régime, par contre, serait à l’aise pour l’appliquer. Tout au moins, celui pour lequel j’appelle à l’élaboration d’un PAC, qui mettra en œuvre une gouvernance vraiment sobre cette fois-ci. Une gouvernance où l’exemple de transparence, de vertu et de sobriété viendra d’en haut.
 
Réforme des structures de contrôle

Ce PAC comportera, naturellement, un important volet ‘’audit de la gestion de 19 longues années des deux présidents-politiciens’’. Il sera précédé, pour être efficace, de la réforme de nos différentes structures de contrôle. L’Inspection générale d’Etat (IGE) en particulier sera délocalisée de la Présidence de la République. Elle sera autonome par rapport à son programme d’activités. Elle rendra publics ses rapports et saisira, s’il y a lieu, directement la justice. Les pouvoirs de la Cour des Comptes seront aussi notablement renforcés. Les spécialistes apprécieront du maintien, de la suppression ou de la réforme de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (CREI). En tous les cas, nous aurons besoin d’être éclairés sur les accusations graves portées sur les 25 compatriotes dont deux seulement ont été jusqu’ici inquiétés. Sont-ils blancs ou noirs ? Nous avons besoin d’en avoir le cœur net.

L’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) et la Cellule nationale de Traitement de l’Information financière (CENTIF) seront aussi passés à la loupe. Quant à l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), il sortira de l’hibernation dans laquelle le président-politicien l’a plongé, et fera l’objet d’une remarquable remontée en surface. Un Président ou une Présidente y sera nommé(e), à côté d’autres membres, tous à la hauteur de la mission que la loi assigne à cette importante institution.

Toutes ces structures pourraient être logées dans ce qu’on pourrait appeler ‘’La Maison du contrôle’’. Aucune institution n’échappera plus à leur contrôle : ni la Présidence de la République, ni l’Assemblée nationale, ni la Cour suprême, ni la Cour constitutionnelle. L’argent public sera contrôlé partout où il sera utilisé.
Les structures de contrôle ainsi renforcées, iront à ‘’l’assaut’’ de la gestion du président-politicien, ainsi qu’à celle de son prédécesseur, s’il y a lieu. Les deux gestions s’entremêlent très souvent. Rappelons quand même que le second a été pendant huit longues années au cœur de la gouvernance du premier.
 
Les milliards qui ont été engloutis (ou qui sont en train de l’être) dans de nombreux projets doivent être passés au peigne-fin. La réhabilitation du Building administratif, la construction du Centre de Conférences internationales Abdou Diouf, le prolongement de l’autoroute à péage, le désenclavement de l’Ile à Morphyl, la construction du TER et de l’autoroute à péage ‘’Ila Touba’’, etc., pour ne donner que ces exemples parmi de nombreux autres, feront l’objet d’un audit serré. En particulier, les projets immobiliers, et principalement ceux de Diamniadio, pourraient révéler de gros scandales, certainement les plus gros de la ténébreuse gouvernance du président-politicien. Il en est de même d’ailleurs des projets de construction des universités Amadou Matar Mbow (Diamniadio) et de Serigne Ibrahima Niasse du Sine Saloum, sans compter l’extension ou la réhabilitation d’universités existantes.
 
Audit général des grands projets de l’Etat

On ne pourrait quand même pas passer sous silence les grosses structures à la tête desquelles il a placé ses camarades de parti, ses amis ou parents. Parmi elles, on peut citer le Centre des Œuvres universitaires de Dakar (COUD), le Port autonome de Dakar (PAD), la Société nationale de la Poste, l’Autorité de régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP), quelques gros ministères et nombre d’agences. On n’oubliera pas les milliards investis dans la ‘’modernisation’’ des cités dites religieuses qui échappent à tout contrôle, ainsi que de nombreux autres, gérés dans le cadre de fonds dispersés ça et là. Ce sont, en particulier : le FONGIP, FONGIS, la Délégation générale à la solidarité nationale, le Fonds de solidarité nationale, la Micro-finance, etc. Les audits recommanderont sûrement de les réduire au strict minimum, voire de les dissoudre et de créer à la place des entités (peut-être deux au maximum) qui ne seront plus que des sinécures pour membres du clan présidentiel.
 
L’attention des auditeurs sera retenue par de nombreux autres milliards encore, notamment ceux facilement engloutis dans les fameuses machines agricoles venues d’Inde, du Brésil et d’on ne sait où encore, ainsi que dans les semences dites certifiées, les engrais et autres intrants qui sont la chasse gardée d’une ou de deux personnes. Peut-être même d’une seule, depuis 17 ans. Ces différents audits qui n’auront vraiment rien de commun avec les précédents, révéleront sûrement de gros scandales et nous permettront de nous faire une idée exacte de la manière cavalière dont notre pauvre pays est géré depuis 17 ans. Les délinquants confondus seront sévèrement sanctionnés et rendront gorge.

La mise en œuvre des réformes que nous venons de passer en revue et qui sont loin d’être exhaustives, se traduira à moyen terme par des économies substantielles. Trop de milliards sont gaspillés dans ce pays, presque pour rien. Le nouveau régime, si nouveau régime il y a, les récupérera pour les injecter dans l’économie nationale qui fera l’objet, elle aussi, de profondes réformes. Je ne m’étendrai pas sur ce sujet, n’étant point économiste. Je crois, cependant, que notre économie doit nous revenir, et rapidement. Nos petites et moyennes entreprises, nos petites et moyennes industries devront être soutenues. A condition, bien sûr, qu’elles acceptent de se remettre en cause et de s’inscrire dans la voie des réformes que le PAC indiquera.
 
L’agriculture, priorité des priorités

De gros investissements iront, naturellement, à l’agriculture, qui balbutie encore malgré les atouts importants dont nous disposons. Depuis 57 ans, nous dépendons de l’extérieur pour nous nourrir. Les seules importations de riz et de produits laitiers nous coûtent annuellement autour de 200 milliards. Ce paradoxe n’a pas échappé à un ambassadeur nouvellement accrédité, il y a quelques années, au Sénégal. Il a fait le tour du pays et, faisant le point de son périple à un journaliste, il exprime son étonnement, voire sa surprise. Sa grande surprise que ce pays dont il vient de faire le tour, dépende de l’extérieur pour son alimentation, alors qu’il peut non seulement se nourrir, mais nourrir un pays comme les USA. C’était sans doute exagéré, mais il voulait peut-être attirer notre attention sur nos immenses potentialités agricoles restées inexploitées : terres arables s’étendant sur des centaines de milliers d’hectares, eau de surface et souterraine en grande quantité, etc.).
 
On comprend parfaitement son étonnement et sa surprise si on considère que dans son pays, on est à l’affût de la moindre goutte d’eau. On va y chercher de l’eau salée à 3000 mètres de profondeur, dans un des déserts les plus chauds. Avec l’eau dessalée, l’environnement est transformé en quelques années. On prête aussi au Président Houphouët Boigny ces propos : « Donnez-moi la Casamance et je nourris l’Afrique de l’Ouest. » Il s’adressait ainsi à Senghor, après une visite qu’ils ont faite ensemble en Casamance, dans le cadre d’une de ses visites officielles au Sénégal.
C’est un autre paradoxe que nous dépendions de la Mauritanie et du Mali pour notre approvisionnement en moutons de tabaski. Ces pays disposent-ils de plus de terre, de plus d’eau et de plus d’herbe que nous ? Je ne le crois pas du tout.
 
Parmi les contraintes à l’élevage qu’on brandit toujours facilement, c’est la cherté des aliments de bétail fabriqué pour l’essentiel de maïs importé. Si on y met le prix, on peut produire, à très moyen terme, suffisamment de maïs dans les régions de Kaolack, de Kaffrine, de Tambacounda, de Kédougou, ainsi que dans la vallée du Fleuve Sénégal. J’allais oublier les trois régions de la Casamance naturelle. On pourrait en produire suffisamment pour nos industries et même pour l’exportation. L’aliment de bétail baisserait alors notablement.

Avec les milliards économisés grâce à la mise en œuvre des réformes du PAC, renforcés plus tard par ceux tirés de l’exploitation du pétrole et du gaz, on peut construire bien plus de forages encore et envisager la sédentarisation progressive du bétail, qui peut trouver un complément de nourriture dans la culture de plantes fourragères. Une autre culture qui ne semble beaucoup retenir l’attention, c’est celle du haricot.
 
Une partie du pays pourrait être spécialisée dans cette culture, notamment la Région de Louga, une partie de celle de Saint-Louis et d’autres localités du Nord. Il suffit de bonnes semences et d’engrais en quantité suffisante et distribués à temps, sans compter des produits phytosanitaires en cas d’attaques des bestiaux. Certaines variétés de haricot (notamment la variété hâtive appelée ‘’melax’’) n’ont pas besoin de plus de quarante cinq jours de pluie pour mûrir. Le haricot pourrait être ainsi produit en quantité importante et contribuer largement à l’alimentation des populations et du bétail, notamment par sa paille ainsi que ce qu’on appelle chez nous Njaambur-njaambur le mbëru, très apprécié du bétail. Il est obtenu après le mbojj, c’est-à-dire la séparation des graines de l’enveloppe qui les recouvre, à coups de pilon dans le mortier. C’est cette enveloppe réduite en poude qu’on appelle le mbëru. Il y a certes, ça et là, des projets qui ont pour mission d’encadrer la culture du haricot.
 
Nous connaissons malheureusement les limites des projets au Sénégal. Cette année, les récoltes de haricot seront abondantes. Les paysans n’en profiteront malheureusement pas, à la hauteur des efforts fournis sous un soleil de plomb. La conservation de cette légumineuse n’est pas facile, même si des efforts sont faits dans ce sens. Pour éviter la dégradation des graines, les paysans sont obligés de les vendre au prix fixé par le seul opérateur économique présent dans la localité. Il les revendra plus tard à 600 ou 700 francs le kilogramme. L’Etat doit donc mettre davantage la main à la pâte, en construisant des magasins de stockage et en organisant la commercialisation. La culture du haricot est un filon insoupçonné, qui peut améliorer notablement l’alimentation des populations et du bétail, ainsi que la balance commerciale du pays.
 
Quelle méthodologie pour le PAC ?

Le profane que je suis n’ose pas aller au-delà des maigres idées (sur l’économie) qui viennent d’être passées en revue. Il en a peut-être d’autres, mais les spécialistes se chargeront d’imprimer à notre économie les réformes fortes nécessaires à sa relance, à son émergence. Il a peut-être d’autres maigres idées sur d’autres secteurs de la vie nationale. Il est temps cependant, qu’il tente de répondre aux questions posées, relativement au PAC. Les voici, pour rappel : ‘’ Comment l’élaborer ? Avec qui l’élaborer ? Comment rassurer nos compatriotes, qui ne croient plus à la parole des politiciens ? Comment gagner leur confiance et les convaincre que nous ne serons pas comme les autres, que notre programme et nos différents engagements ne finiront pas dans la poubelle, comme le sont ceux du président-politicien et de son prédécesseur ? Quelle femme ou quel homme portera-t-il (elle) le PAC, une fois qu’il sera élaboré ? Comment sera-t-il (elle) désigné (e), etc.’’
– Avec qui l’élaborer ?

Au Sénégal, nous avons la fâcheuse habitude de ranger au placard les fruits de nos différentes rencontres (séminaires, assises, concertations, etc.). Cette fois, nous n’avons vraiment pas besoin de réinventer la roue, même si nous aurons à l’adapter à un nouveau véhicule. Le PAC sera élaboré par toutes les Bonnes Volontés, Sénégalaises et Sénégalais de tous les bords et de tous les âges, de l’intérieur du pays comme de la diaspora, appartenant ou non à des partis politiques, et seulement convaincus de la pertinence du Projet. Nous pourrons les appeler, comme lors des Assises nationales au Sénégal, Parties prenantes, qu’elles soient des personnes physiques ou des personnes morales. Leur dénominateur commun sera la forte conviction que le pays va mal, très mal et qu’il faut trouver une alternative crédible à la mauvaise gouvernance du président-politicien. Elles s’engageront à tout mettre en œuvre, dans le respect de règles établies le moment venu, pour empêcher sa réélection.
– Comment l’élaborer ?
 
Les Assises nationales, un acquis fondamental

Après l’établissement consensuel de règles du jeu, les Parties prenantes répondront à cette question. Leur tâche sera notablement facilitée par l’exemple des Assises nationales au Sénégal. Elles s’inspireront de son Rapport général, de la Charte de gouvernance démocratique, du son projet de constitution, ainsi que des propositions de la Commission Amadou Matar Mbow, jetées à la poubelle par le président-politicien. Elles ne craindront pas les critiques faciles, notamment celle que ‘’ce seront des Assises nationales de plus’’. Je ne me rappelle pas, depuis l’indépendance, que des compatriotes aient fait un travail aussi sérieux que celui abattu par les Assises nationales. Il ne s’agira pas, cependant, de les copier, mais de s’en inspirer largement.

Peut-on proposer au Sénégal un projet de constitution et ignorer celui des Assises nationales et les propositions de la Commission Amadou Matar Mbow ? Peut-on proposer des réformes économiques et sociales, sans seulement un regard jeté sur celles de ces importantes et inédites rencontres citoyennes ? Oui, on nous jettera violement sur la figure que ‘’les Assises nationales ne sont ni le Coran, ni la Bible’’, comme pour créer un complexe qui nous paralyserait. Peine perdue ! Nous nous en inspirerons sans état d’âme, mais nous ne la copierons pas. Pas du tout. Nous nous en inspirerons intelligemment, en tenant compte de l’évolution du contexte et des circonstances.
 
La grande différence qui existera cependant entre le programme des Assises nationales et le PAC, c’est que le second sera appliqué, en cas d’alternance, en s’adossant à une planification rigoureuse et réaliste. Avec le PAC, il n’y aura pas d’alternance sans alternative, avec seulement un changement d’hommes et de femmes, parmi d’ailleurs ceux et celles qui sont dans le landerneau politique depuis 1960. Avec le PAC, le système en place depuis 1960 cédera la place à un autre, qui s’enracinera profondément dans les nouvelles réformes proposées.

Oui, je vois venir : ‘’Des promesses, encore des promesses ! D’autres en avaient fait de plus alléchantes encore, mais pour rien’’, nous objectera-t-on. Nous ferons en sorte de n’être point être les autres. Nous essayerons de rassurer et de convaincre. Nous essayerons de donner la preuve de notre différence. Nous allons essayer d’innover, de nous engager et d’engager le pays dans une voie inédite.
– Comment rassurer nos compatriotes ?

Pour y arriver, il faut innover. A cet égard, je me contenterai de rappeler les propositions que j’avais faites en direction de Bennoo Siggil Senegaal. C’était dans la conclusion de mon livre ‘’Le clan des Wade : accaparement, mépris et vanité’’, L’Harmattan, octobre 2011, (page 246). J’y écrivais notamment :
« Bennoo a déjà un projet de programme et un projet de réformes institutionnelles, tous les deux largement inspirés des conclusions des Assises nationales, et principalement de la Charte de gouvernance démocratique. L’idéal serait qu’ils fussent portés par une équipe homogène, composée des meilleurs hommes et des meilleures femmes d’entre nous. Une équipe où cohabiteraient harmonieusement des politiques comme des gens de la Société civile, des jeunes comme des moins jeunes.

Si cet idéal était par extraordinaire réalisé, un autre souhait serait que l’équipe désignée présentât officiellement son programme et son projet de réformes institutionnelles, au cours d’une séance aussi solennelle que celle du 1er juin 2008. Les populations y seraient invitées dans toutes leurs diversités, ainsi que les partenaires au développement et tout le corps diplomatique. Les membres de l’équipe expliqueraient comment ils compteraient reconstruire le pays, si on leur en confiait les destinées en 2012. Devant leurs familles et, au besoin, devant une sorte de Jury d’honneur citoyen ou d’Observatoire national de la Bonne Gouvernance, ils jureraient sur l’honneur, s’il le faut sur le Coran ou sur la Bible, de respecter strictement leurs engagements.»

Je n’avais pas été entendu et on connaît la suite. Peut-être ne le serai-je pas, non plus, cette fois-ci. Peut-être, me rira-t-on au nez et me traitera-t-on de naïf ou d’idéaliste. Tant pis ! L’essentiel pour moi était et est encore d’exprimer une conviction, une forte conviction. Revenons au PAC, pour répondre à la dernière question !
– Quelle femme, quel homme pour porter le PAC ?

Le Sénégal est un petit village où nous nous connaissons presque tous. Les hommes et les femmes qui élaboreront le PAC se seront frottés tout le temps que devra durer le processus. Ils se sont frottés dans d’autres théâtres d’opérations politiques, économiques, sociales, etc., pendant plusieurs années, plusieurs décennies pour nombre d’entre eux. Ils se connaissent donc bien et savent qui est qui. Il se pourrait que, tout au long de l’élaboration du CAP, une femme ou un homme susceptible de porter avec succès le PAC émerge du lot. Ce sera alors tant mieux. Si ce n’est pas le cas, et ce ne le sera certainement pas, on organisera une primaire dont les électeurs seront prioritairement les Parties prenantes.
 
Les candidats et les candidates signeront un engagement préalable, celui que, si leurs candidatures n’étaient pas retenues, ils (elles) se rangeraient derrière le candidat ou la candidate élu (e) et mèneraient une campagne active derrière lui (elle). Ce candidat ou cette candidate prêtera serment dans les mêmes conditions que j’ai proposées en octobre 2011 (dans la conclusion de mon livre cité). Il (elle) jurera sur l’honneur, de préférence sur le Coran et la Bible, qu’il (elle) appliquera, une fois élu (e), le PAC dans tout ce qu’il contient de propositions de réformes et d’engagements. Nous sommes, malgré nos défauts, un peuple de croyants pour qui on ne jure pas à la légère sur ces deux Livres saints. Depuis 1960, et principalement depuis le 2 avril 2000, la parole des politiciens ne vaut plus rien, même pas un copeck. Il ne faut donc pas hésiter, un seul instant, à aller aussi loin pour rassurer, non pas seulement les électeurs potentiels, mais tous nos compatriotes. Y arrivera-t-on avec cette précaution extrême ? Je n’en sais rien, mais il faut essayer.
 
«Ni naïf ni présomptueux»

Il est temps de conclure ce long appel, que des compatriotes seront prompts à qualifier de présomptueux. Ils me riront certainement (encore) au nez et me traiteront de naïf, d’idéaliste, de présomptueux. Je suis loin de tous ces gentils qualificatifs. Je suis lucide et ai bien les pieds sur terre. Je ne me fais surtout pas d’illusions sur l’accueil qui pourrait être réservé à mon appel. J’en ai lancé d’autres qui n’ont pas été entendus. Encore une fois, je ne suis ni naïf, ni présomptueux.
 
Je suis ce que je suis : un citoyen, une bonne volonté qui a toujours essayé de cultiver sa part du jardin national. Un citoyen qui vit avec un rêve depuis une quarantaine d’années : celui de voir enfin l’avènement dans notre pays d’une alternance porteuse d’une gouvernance réellement ‘’transparente, sobre, vertueuse et efficace’’ celle-là, animée par des hommes et des femmes choisi(e)s parmi les meilleur(e)s d’entre nous. Des hommes et des femmes dont la seule préoccupation sera de sortir notre pauvre pays du gouffre où la mal gouvernance le maintient depuis bientôt soixante ans et, en particulier, depuis le 2 avril 2000.

Dakar le 25 septembre 2017
Du citoyen Mody Niang, membre du Parti le Sénégal
Mail : modyniang@arc.sn
 
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