« Appel autour d’une esquisse de programme alternatif commun, pour faire face aux manœuvres du président-politicien » (WalfQuotidien du 28 septembre 2017, suite et fin).

Lundi 2 Décembre 2024

Mody Niang

Les réformes ne se limiteront pas aux administrations centrale, territoriale et décentralisée. Une autre, très attendue et qui a fait reculer le président-politicien, sera prise à bras le corps, avec un courage et une détermination sans faille. Il s’agit de rétablir l’équité dans l’octroi des salaires et diverses indemnités aux différents agents de l’État. Le système qui l’organisait et qui s’appuyait sur la Loi portant statut général des agents de l’État, octroyait salaires et indemnités en fonction de critères précis, notamment le nombre d’années d’études, la spécificité du corps. Le vieux président-politicien est arrivé et a tout détraqué, en attribuant des indemnités par-ci, en augmentant des salaires par-là, de façon qui dépasse parfois tout bon sens. Pour donner quelques exemples, il a fait passer, en cachette, l’indemnité des autorités administratives de 75.000 francs à 500.000 pour les gouverneurs, de 35.000 à 300.000 pour les préfets et de 25.000 à 200.000 francs pour les sous-préfets. Il créait, en même temps, un premier motif de frustration, en écartant leurs adjoints respectifs de sa « générosité » subite et, naturellement, intéressée. Un autre exemple : l’indemnité de judicature des magistrats. Jusqu’au 19 mars 2000, son montant était 150.000 francs. Devant la générosité sélective du vieux président-politicien, l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS) se fait recevoir et réclame l’augmentation  de ladite indemnité. Le « généreux »  et insouciant vieux président-politicien la porte à 300.000 francs. Les magistrats savent qu’ils ont trouvé un filon et ne se font pas prier. Ils reviennent à la charge et, au détour d’une audience, l’indemnité bondit de 300.000 à 800.000 francs, à la surprise même des heureux bénéficiaires. Ils justifiaient leur exigence par le fait que les deux autres pouvoirs (exécutif et législatif) bénéficiaient de bien plus d’avantages qu’eux. 

 

Il convient de faire remarquer aussi que, au moment où la seule indemnité de judicature des magistrats était de 800.000 francs, les plus gradés des administrateurs civils se contentaient d’un salaire qui atteignait difficilement 300.000 francs. Pourtant, ils ont fait la même école et le même nombre d’années d’études que les magistrats : baccalauréat + 6 ans. Les docteurs en médecine (baccalauréat + 7 ans) n’étaient pas mieux lotis. Sans se soucier le moins du monde de la situation dangereuse qu’il était en train de créer, le vieux –politicien prédateur attribuait des indemnités de logement de 300.000 à 500.000 aux uns, et rien aux autres. Les professeurs d’enseignement secondaire (bac+6 ans) sortirent alors du bois pour réclamer au moins 100.000 francs. Refus catégorique : ils étaient trop nombreux ! Cette iniquité manifeste sera à la base des nombreuses perturbations qui ont secoué, et secouent encore aujourd’hui l’enseignement, la justice et de bien d’autres secteurs. Et, ce n’est pas pour demain la veille que le gouvernement trouvera une solution (globale) satisfaisante à cette situation. Il n’arrivera jamais à combler les grands écarts que l’insouciant vieux président-politicien a créés. Le budget national y laisserait bien des plumes.

 

Le président-politicien Jr mesurera quand même la gravité de la situation que son vieux prédécesseur lui a léguée. Á la fin du Forum national de l’Administration qui s’est tenu à Diamniadio le 9 avril 2016, il a eu une conversation avec des fonctionnaires. Il y révèle l’intention de l’État « d’harmoniser le système de rémunération de ses employés dans le souci de corriger les inégalités entre plusieurs secteurs d’activités, en matière de traitement salarial ». Pour se faire plus précis, il ajoute : « Une décision sera prise pour tout remettre à plat. Á un moment donné, il faudra tout harmoniser pour avoir une administration qui marche à la même vitesseUne administration ne peut pas avoir des corps super-privilégiés et d’autres complètement sacrifiés. » Le président-politicien continue son ndëpp – car, c’en était un – en ces termes : « L’inégalité de traitement des salaires dans l’administration est une situation malheureuse dont nous avons hérité. Certaines catégories ont des avantages que d’autres n’ont pas, tout en ayant les mêmes profils et les mêmes ressources. »

 

Que tout cela est bien dit ! Que tout cela reflète la dure réalité ! Malheureusement, il s’est gardé de dire qu’il a ajouté à la confusion de la situation, en accordant, lui aussi, des avantages exorbitants aux uns et rien, ou presque rien aux autres. Il suffit de lire son décret portant octroi d’indemnités de logement à certains corps de l’État, et l’autre attribuant des salaires aux directeurs d’agences et autres structures. Bref, il a reconnu une injustice flagrante et a fait état d’un « audit commandité par le gouvernement dans le but d’équilibrer le système de rémunération des employés du secteur public ». Décision courageuse, serait-on tenté de dire. Cependant, comme ses engagements sont rarement suivis d’effets, on ne sait pas s’il ira jusqu’au bout. D’ores et déjà en tout cas, le rapport d’audit est entre ses mains depuis plusieurs mois. Mais, jusqu’ici, silence radio autour dudit rapport.

 

Je doute sérieusement que les recommandations de ce rapport soient appliquées. Elles remettent en cause beaucoup d’avantages, qu’on appelle pudiquement « avantages acquis ». Le président-politicien sera mal à l’aise pour les appliquer. Quand on brasse des fonds spécifiques de huit à dix milliards, quand on accorde une indemnité de logement d’un million à chaque ministre et à d’autres privilégiés, quand des directeurs d’agences touchent des salaires mensuels de 5 millions et plus, on aura bien du mal à appliquer des recommandations qui entraîneront immanquablement une baisse notable de nombreux avantages dits acquis. Des avantages acquis souvent sans aucune base légale.

 

Cette réforme du système de rémunération des agents de l’État a donc peu de chance d’aller jusqu’au bout, en tout cas tant que le président-politicien est au pouvoir. Un nouveau régime, par contre, serait à l’aise pour l’appliquer. Tout au moins, celui pour lequel j’appelle à l’élaboration d’un PAC, qui mettra en œuvre une gouvernance vraiment sobre cette fois-ci. Une gouvernance où l’exemple de transparence, de vertu et de sobriété viendra d’en haut.

 

Ce PAC comportera, naturellement, un important volet audit de la gestion des dix-neuf (19) longues années des deux présidents-politiciens. Il sera précédé, pour être efficace, de la réforme de nos différents organes de contrôle. L’Inspection générale d’État (IGE) en particulier sera délocalisée de la présidence de la République. Elle sera autonome par rapport à son programme d’activités. Elle présentera certainement ses rapports au Président de la République,  mais aura le pouvoir de les rendre publics et de saisir, s’il y a lieu, directement la justice. Les pouvoirs de la Cour des Comptes seront aussi notablement renforcés. Les spécialistes apprécieront du maintien, de la suppression ou de la réforme de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (CREI). En tous les cas, nous aurons besoin d’être éclairés sur les accusations graves portées sur les 25 compatriotes dont deux ou trois seulement ont été jusqu’ici inquiétés. Sont-ils blancs ou noirs ? Nous avons besoin d’en avoir le cœur net.

 

L’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) et la Cellule nationale de Traitement de l’Information financière (CENTIF) seront aussi passées à la loupe. Quant à l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), il sortira de l’hibernation dans laquelle le président-politicien l’a plongé, et fera l’objet d’une remarquable remontée en surface, notamment par une réforme profonde. Un président ou une présidente y sera nommé-e, à côté d’autres membres, tous à la hauteur de la mission qu’une nouvelle loi assignera à cette importante institution.

 

Toutes ces corps de contrôle pourraient être logés dans ce qu’on pourrait appeler « La Maison du contrôle ». Aucune institution n’échappera plus à leur contrôle : ni la présidence de la République, ni l’Assemblée nationale, ni la Cour suprême, ni la Cour constitutionnelle. L’argent public sera contrôlé partout où il sera utilisé.

 

Les corps de contrôle ainsi renforcés, iront à l’ « assaut » de la gestion du président-politicien, ainsi qu’à celle de son prédécesseur, s’il y a lieu. Les deux gestions s’entremêlent très souvent. Rappelons quand même que le second a été pendant huit longues années au cœur de la gouvernance du premier. Les  milliards qui ont été engloutis (ou qui sont en train de l’être) dans de nombreux projets doivent être passés au peigne-fin. La réhabilitation du Building administratif, la construction du Centre de Conférences internationales Abdou Diouf, le prolongement de l’autoroute à péage, le désenclavement de l’Ile à Morphil, la construction de ce fameux Train Express régional (TER) et de l’autoroute à péage « Ila Touba », les autoponts, etc., pour ne donner que ces exemples parmi de nombreux autres, feront l’objet d’un audit serré. En particulier, les projets immobiliers, et principalement ceux de Diamniadio, pourraient révéler de gros scandales, certainement les plus gros de la ténébreuse gouvernance du président-politicien. Il en est de même d’ailleurs des projets de construction des universités Amadou Matar Mbow (Diamniadio) et de Cheikh Ibrahima Niasse du Sine Saloum, sans compter l’extension ou la réhabilitation d’universités existantes. La construction de pavillons ici et là pourrait aussi cacher beaucoup de lièvres.

 

On ne pourrait quand même pas passer sous silence les grosses structures à la tête desquelles le président politicien a placé ses camarades de parti, ses amis ou parents. Parmi elles, on peut citer le Centre des Œuvres universitaires de Dakar (COUD), le Port autonome de Dakar (PAD), la Société nationale de la Poste, l’Autorité de régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP), l’AGEROUTE, l’AGETIP, quelques gros ministères et nombre d’agences. On n’oubliera pas les milliards investis dans la « modernisation » des cités dites religieuses qui échappent à tout contrôle, ainsi que de nombreux autres, gérés dans le cadre de fonds dispersés çà et là. Ce sont, en particulier : le Fonds souverain d’investissements stratégiques (FONSIS), le Fonds de garantie des investissements prioritaires (FONGIP), la Délégation générale à la solidarité nationale, le Fonds de solidarité nationale, la Microfinance, etc. Les audits recommanderont sûrement de les réduire au strict minimum, voire de les dissoudre s’il y a lieu, et de créer à la place des entités qui ne seront plus que des sinécures pour membres du clan présidentiel. L’attention des auditeurs sera retenue par de nombreux autres milliards encore, notamment ceux facilement engloutis dans les fameuses machines agricoles venues d’Inde, du Brésil, de Chine et d’on ne sait où encore, ainsi que dans les semences dites certifiées, les engrais et autres intrants qui sont la chasse gardée d’une ou de deux personnes. Peut-être même d’une seule, depuis dix-sept (17) ans.

 

Ces différents audits qui n’auront vraiment rien de commun avec les précédents, révéleront sûrement de gros scandales et nous permettront de nous faire une idée exacte de la manière cavalière dont notre pauvre pays est géré depuis dix-sept (17) ans. Les délinquants confondus seront sévèrement sanctionnés et rendront gorge, à la suite d’une reddition des comptes sans complaisance.

 

La mise en œuvre des réformes que nous venons de passer en revue et qui sont loin d’être exhaustives, se traduira à moyen terme par des économies substantielles. Trop de milliards sont gaspillés dans ce pays, presque pour rien. Le nouveau régime, si nouveau régime il y a, les récupérera pour les injecter dans l’économie nationale qui fera l’objet, elle aussi, de profondes réformes. Je ne m’étendrai pas sur ce sujet, n’étant point économiste. Je crois, cependant, que notre économie doit nous revenir, et rapidement. Nos petites et moyennes entreprises, nos petites et moyennes industries devront être soutenues. Á condition, bien sûr, qu’elles acceptent de se remettre en cause et de s’inscrire dans la voie des réformes que le PAC indiquera.

 

De gros investissements iront, naturellement, à l’agriculture, qui balbutie encore malgré les atouts importants dont nous disposons dans ce domaine. Depuis cinquante-sept 57) ans, nous dépendons de l’extérieur pour nous nourrir. Les seules importations de riz et de produits laitiers nous coûtent annuellement autour de deux cents (200) milliards. Ce paradoxe n’a pas échappé à un ambassadeur nouvellement accrédité, il y a quelques années, au Sénégal. Il a fait le tour du pays et, faisant le point de son périple à un journaliste, il exprime son étonnement, voire sa surprise. Sa grande surprise que ce pays dont il vient de faire le tour, dépende de l’extérieur pour son alimentation, alors qu’il peut non seulement se nourrir, mais nourrir un pays comme les USA. C’était sans doute exagéré, mais il voulait peut-être attirer notre attention sur nos immenses potentialités agricoles restées inexploitées : terres arables s’étendant sur des centaines de milliers d’hectares, eau douce de surface et souterraine en grande quantité, etc. On comprend parfaitement l’étonnement et la surprise de l’ambassadeur si on considère que dans son pays, on est à l’affût de la moindre goutte d’eau. On va y chercher de l’eau salée à 3.000 mètres de profondeur, dans un des déserts les plus chauds du monde. Avec l’eau dessalée, l’environnement est transformé quelques années plus tard. On prête aussi au président Félix-Houphouët Boigny ces propos : « Donnez-moi la Casamance et je nourris l’Afrique de l’Ouest. » Il s’adressait alors à son homologue sénégalais (L. S. Senghor), à l’occasion d’une de ses visites officielles qu’il faisait au Sénégal.

 

C’est un autre paradoxe que nous dépendions de la Mauritanie et du Mali pour notre approvisionnement en moutons de tabaski. Ces pays disposent-ils de plus de terre, de plus d’eau et de plus d’herbe que nous ? Je ne le crois pas du tout. Parmi les contraintes à l’élevage qu’on brandit toujours facilement, c’est la cherté des aliments de bétail fabriqué pour l’essentiel de maïs importé. Si on y met le prix, on peut produire, à très moyen terme, suffisamment de maïs dans les régions de Kaolack, de Kaffrine, de Tambacounda, de Kédougou, ainsi que tout au long de la vallée du Fleuve Sénégal. J’allais oublier les trois régions de la Casamance naturelle. On pourrait en produire suffisamment pour nos industries et même pour l’exportation. L’aliment baisserait alors notablement pour le bétail comme pour la volaille. La maïs nourrirait également une bonne partie de la population.

 

Avec les milliards économisés grâce à la mise en œuvre des réformes du PAC, renforcés plus tard par ceux tirés de l’exploitation du pétrole et du gaz, on peut construire bien plus de forages encore et envisager la sédentarisation progressive du bétail, qui peut trouver un complément de nourriture dans la culture de plantes fourragères. Une autre culture qui ne semble pas beaucoup retenir l’attention, c’est celle du haricot. Une partie du pays pourrait être spécialisée dans cette culture, notamment la Région de Louga, une partie de celle de Saint-Louis et d’autres localités du Nord. Il suffit de bonnes semences et d’engrais en quantité suffisante et distribués à temps, sans compter des produits phytosanitaires en cas d’attaques des bestiaux. Certaines variétés de haricot (notamment la variété hâtive appelée « melax ») n’ont pas besoin de plus de quarante-cinq  jours de pluie pour mûrir. Le haricot pourrait être ainsi produit en quantité importante et contribuer largement à l’alimentation des populations et du bétail, notamment par  sa paille ainsi que ce qu’on appelle chez nous Njaambur-njaambur le mbëru, très apprécié du bétail. Il est obtenu après le mbojj, c’est-à-dire la séparation des graines de l’enveloppe qui les recouvre, à coups de pilon dans le mortier. C’est cette enveloppe réduite en poudre qu’on appelle le mbëru, qui est très nourrissant pour le bétail.

 

Il y a certes, çà et là, des projets qui ont pour mission d’encadrer la culture du haricot. Nous connaissons malheureusement les limites des projets au Sénégal. Cette année, les récoltes de haricot seront abondantes. Les paysans n’en profiteront malheureusement pas, à la hauteur des efforts fournis sous un soleil de plomb. La conservation de cette légumineuse n’est pas facile, même si des efforts sont faits dans ce sens. Pour éviter la dégradation des graines, les paysans sont obligés de les vendre au prix fixé par le seul opérateur économique présent dans la localité. Il les revendra plus tard deux à trois fois plus cher, à 600 ou 700 francs le kilogramme, voire plus. L’État doit donc mettre davantage la main à la pâte, en construisant des magasins de stockage et en organisant la commercialisation. La culture du haricot est un filon insoupçonné, qui peut améliorer notablement l’alimentation des populations, du bétail, de la volaille, ainsi que la balance commerciale du pays.

 

Le profane que je suis n’ose pas aller au-delà des maigres idées (sur l’économie) qui viennent d’être passées en revue. Il en a peut-être d’autres, mais les spécialistes se chargeront d’imprimer à notre économie les réformes fortes nécessaires à sa relance, à son émergence. Il a peut-être d’autres maigres idées sur d’autres secteurs de la vie nationale. Il est temps cependant, qu’il tente de répondre aux questions posées, relativement au PAC. Les voici, pour rappel : « Comment l’élaborer ? Avec qui l’élaborer ? Comment rassurer nos compatriotes, qui ne croient plus à la parole des politiciens ? Comment gagner leur confiance et les convaincre que nous ne serons pas comme les autres, que notre programme et nos différents engagements ne finiront pas dans la poubelle, comme le sont ceux du président-politicien et de son prédécesseur ? Quelle femme ou quel homme portera-t-il-elle le PAC, une fois qu’il sera élaboré ? Comment sera-t-il-elle désigné-e, etc. ? »

 
Avec qui l’élaborer ?  

Au Sénégal, nous avons la fâcheuse habitude de ranger au placard les fruits de nos différentes rencontres (séminaires, assises, concertations, etc.). Cette fois, nous n’avons vraiment pas besoin de réinventer la roue, même si nous aurons à l’adapter à un nouveau véhicule. Le PAC sera élaboré par toutes les Bonnes Volontés, Sénégalaises et Sénégalais de tous les bords et de tous les âges, de l’intérieur du pays comme de la diaspora, appartenant ou non à des partis politiques, et seulement convaincus de la pertinence du Projet. Nous pourrons les appeler, comme lors des Assises nationales au Sénégal, Parties prenantes, qu’elles soient des personnes physiques ou des personnes morales. Leur dénominateur commun sera la forte conviction que le pays va mal, très mal et qu’il faut trouver une alternative crédible à la mauvaise gouvernance du président-politicien. Elles s’engageront à tout mettre en œuvre, dans le respect de règles établies le moment venu, pour empêcher sa réélection.

 
Comment l’élaborer ?  

Après l’établissement consensuel de règles du jeu, les Parties prenantes répondront à cette question. Leur tâche sera notablement facilitée par l’exemple des Assises nationales au Sénégal. Elles s’inspireront de son Rapport général, de la Charte de gouvernance démocratique, de son projet de Constitution, ainsi que des propositions de la Commission nationale de Réforme des Institutions (CNRI) présidée par le Pr Amadou Matar Mbow, jetées à la poubelle par le président-politicien. Elles ne craindront pas les critiques faciles, notamment celle que « ce seront des Assises nationales de plus ». Je ne me rappelle pas, depuis l’indépendance, que des compatriotes aient fait un travail aussi sérieux que celui abattu par les Assises nationales. Il ne s’agira pas, cependant, de les copier purement et simplement, mais de s’en inspirer largement, très largement.

 

Peut-on proposer au Sénégal un projet de constitution et ignorer celui des Assises nationales et les propositions de la Commission Amadou Matar Mbow ? Peut-on proposer des réformes économiques et sociales, sans seulement un regard jeté sur celles de ces importantes et inédites rencontres citoyennes ? Oui, on nous jettera violemment sur la figure que « les Assises nationales ne sont ni le Coran, ni la Bible », comme pour créer un complexe qui nous paralyserait. Peine perdue ! Nous nous en inspirerons sans état d’âme, mais nous ne la copierons pas. Pas du tout. Nous nous en inspirerons intelligemment, en tenant compte de l’évolution du contexte et des circonstances. La grande différence qui existera cependant entre le programme des Assises nationales et le PAC, c’est que le second sera appliqué, en cas d’alternance, en s’adossant à une planification rigoureuse et réaliste. Avec le PAC, il n’y aura pas d’alternance sans alternative, avec seulement un changement d’hommes et de femmes, parmi d’ailleurs ceux et celles qui sont dans le landerneau politique depuis 1960. Avec le PAC, le système en place depuis 1960 cédera la place à un autre, qui s’enracinera profondément dans les nouvelles réformes proposées.

 

Oui, je vois venir : « Des promesses, encore des promesses ! D’autres en avaient  fait de plus alléchantes encore, mais pour rien », nous objectera-t-on. Nous ferons en sorte de n’être point être les autres. Nous essayerons de rassurer et de convaincre. Nous essayerons de donner la preuve de notre différence. Nous allons essayer d’innover, de nous engager et d’engager le pays dans une voie inédite.

 
Comment rassurer nos compatriotes ?  

Pour y arriver, il faut innover. Á cet égard, je me contenterai de rappeler les propositions que j’avais faites en direction de Bennoo Siggil Senegaal. C’était dans la conclusion de mon livre Le clan des Wade : accaparement, mépris et vanité, L’Harmattan, octobre 2011, (page 246). J’y écrivais notamment :

 

« Bennoo a déjà un projet de programme et un projet de réformes institutionnelles, tous les deux largement inspirés des conclusions des Assises nationales, et principalement de la Charte de gouvernance démocratique. L’idéal serait qu’ils fussent portés par une équipe homogène, composée des meilleurs hommes et des meilleures femmes d’entre nous. Une équipe où cohabiteraient harmonieusement des politiques comme des gens de la Société civile, des jeunes comme des moins jeunes.

Si cet idéal était par extraordinaire réalisé, un autre souhait serait que l’équipe désignée présentât officiellement son programme et son projet de réformes institutionnelles, au cours d’une séance aussi solennelle que celle du 1er juin 2008. Les populations y seraient invitées dans toutes leurs diversités, ainsi que les partenaires au développement et tout le corps diplomatique. Les membres de l’équipe expliqueraient comment ils compteraient reconstruire le pays, si on leur en confiait les destinées en 2012. Devant leurs familles et, au besoin, devant une sorte de Jury d’honneur citoyen ou d’Observatoire national de la Bonne Gouvernance , ils jureraient sur l’honneur, s’il le faut sur le Coran ou sur la Bible, de respecter strictement leurs engagements.»

 

Je n’avais pas été entendu et on connaît la suite. Peut-être ne le serai-je pas, non plus, cette fois-ci. Peut-être, me rira-t-on au nez et me traitera-t-on de naïf ou d’idéaliste. Tant pis ! L’essentiel pour moi était et est encore d’exprimer une conviction, une forte conviction. Revenons au PAC, pour répondre à la dernière question !

 
Quelle femme, quel homme pour porter le PAC ?  

Le Sénégal est un petit village où nous nous connaissons presque tous. Les hommes et les femmes qui élaboreront le PAC se seront frottés tout le temps que devra durer le processus.  Ils se sont frottés dans d’autres théâtres d’opérations politiques, économiques, sociales, etc., pendant plusieurs années, plusieurs décennies pour nombre d’entre eux. Ils se connaissent donc bien et savent qui est qui. Il se pourrait que, tout au long de l’élaboration du CAP, une femme ou un homme susceptible de le porter avec succès émerge du lot. Ce sera alors tant mieux. Si ce n’est pas le cas, et ce ne le sera certainement pas, on organisera une primaire dont les électeurs seront prioritairement les Parties prenantes. Les candidats et les candidates signeront un engagement préalable, celui que, si leurs candidatures n’étaient pas retenues, ils-elles se rangeraient derrière le candidat ou la candidate élu-e et mèneraient une campagne active derrière lui-elle. Ce candidat ou cette candidate prêtera serment dans les mêmes conditions que j’ai proposées en octobre 2011 (dans la conclusion de mon livre cité). Il-elle jurera sur l’honneur, de préférence sur le Coran et la Bible, qu’il-elle appliquera, une fois élu-e, le PAC dans tout ce qu’il contient de propositions de réformes et d’engagements. Nous sommes, malgré nos défauts, un peuple de croyants pour qui on ne jure pas à la légère sur ces deux Livres saints. Depuis 1960, et principalement depuis le 1er  avril 2000, la parole des politiciens ne vaut plus rien, même pas un copeck. Il ne faut donc pas hésiter, un seul instant, à aller aussi loin pour rassurer, non pas seulement les électeurs potentiels, mais tous nos compatriotes. Y arrivera-t-on avec cette précaution extrême ? Je n’en sais rien, mais il faut essayer, le jeu en vaut largement la chandelle.

 

Il est temps de conclure ce long appel, que  des compatriotes seront prompts à qualifier de présomptueux. Ils me riront certainement (encore) au nez et me traiteront de naïf, d’idéaliste, de présomptueux. Je suis loin de tous ces gentils qualificatifs. Je suis lucide et ai bien les pieds sur terre. Je ne me fais surtout pas d’illusions sur l’accueil qui pourrait être réservé à mon appel. J’en ai lancé d’autres qui n’ont pas été entendus. Encore une fois, je ne suis ni naïf, ni présomptueux. Je suis ce que je suis : un citoyen, une bonne volonté qui a toujours essayé de cultiver sa part du jardin national. Un citoyen qui vit avec un rêve depuis une quarantaine d’années : celui de voir enfin l’avènement dans notre pays d’une alternance porteuse d’une gouvernance réellement « transparente, sobre, vertueuse et efficace », celle-là, animée par des hommes et des femmes choisi-es parmi les meilleur-es d’entre nous. Des hommes et des femmes dont la seule préoccupation sera de sortir notre pauvre pays du gouffre où la mal gouvernance le maintient depuis bientôt soixante ans et, en particulier, depuis le 1er  avril 2000.

 

Dakar, le 29 septembre 2017

Mody Niang

 
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