Après l'avertissement à CNews sur le pluralisme, possibles sanctions pour radios et télés

Jeudi 18 Juillet 2024

Un "déséquilibre manifeste et durable" dans l'expression des opinions pourra être sanctionné: le régulateur de l'audiovisuel, l'Arcom, a annoncé jeudi renforcer son contrôle du pluralisme sur les antennes des radios et télés, après un coup de semonce en février pour CNews.

 

Jusqu'alors, l'Arcom évaluait essentiellement le pluralisme politique sur chaque antenne, avec un décompte des temps de parole. Désormais, "le contrôle doit aller au-delà", a déclaré devant la presse le président de l'autorité indépendante, Roch-Olivier Maistre.

 

Ainsi, pour juger du respect général du pluralisme, l'Arcom s'appuiera sur un faisceau d'indices dans l'ensemble des programmes: variété des sujets abordés à l'antenne, diversité des intervenants et pluralité de points de vue, selon une délibération prise mercredi, tirant les conséquences d'une décision du 13 février du Conseil d'Etat.

 

Cette décision avait fait l'effet d'un coup de tonnerre: la plus haute juridiction administrative avait sommé l'instance de renforcer son contrôle sur la chaîne d'info CNews, dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré.

 

L'ONG Reporters sans frontières (RSF) était à l'origine de cette procédure, considérant que CNews "est devenue un média d'opinion", ce que l'intéressée récuse. Elle s'est classée numéro un des chaînes d'information en continu (en parts de marché) en mai et juin devant BFMTV, performance inédite.

 

Dans sa délibération, qui s'applique à tous les médias audiovisuels, l'Arcom rappelle tout d'abord "la primauté de la liberté de communication". 

 

"Les médias sont libres de choisir les sujets qu'ils veulent traiter" et "il n'est pas question pour le régulateur ni de cataloguer, ni de ficher, ni d'étiqueter les intervenants - animateurs, journalistes, invités", a souligné M. Maistre, alors que des inquiétudes avaient émergé.

 

Radios et télés n'auront pas à faire de décompte régulier auprès de l'Arcom des sujets traités et des intervenants, comme elles le font actuellement pour les temps de parole politique. Ce n'est qu'en cas d'alerte ou de litige qu'elles auront à prouver ce respect du pluralisme.

 

- Application rétroactive -

 

Radios et télés, qui ont été reçues au préalable par l'Arcom, redoutaient de nouvelles règles difficilement praticables, voire, comme CNews, des atteintes à la "liberté d'expression".

 

In fine, l'appréciation du gendarme de l'audiovisuel se fera sur un mois pour les antennes d'info continue, sur trois mois pour les autres.

 

Et le déséquilibre devra être "manifeste et durable" pour donner lieu à une mise en demeure ou, en cas de répétition, à une éventuelle sanction - ce qui risque donc d'être rare.

 

Le directeur général de RSF, Thibaut Bruttin, s'est félicité dans un communiqué de ces mesures qui doivent "permettre de sanctionner les éditeurs qui contournent leurs obligations de pluralisme" et "réduisent leurs programmes à une succession de commentaires à l'unisson sur des thèmes ressassés", ciblant par là CNews.

 

L'Arcom doit d'ailleurs à nouveau répondre à RSF sur le cas spécifique de la chaîne, comme demandé par le Conseil d'Etat.

 

La juridiction avait aussi demandé à l'instance de veiller davantage à "l'indépendance de l'information" vis-à-vis des actionnaires. "Nous en prenons acte", a indiqué M. Maistre.

 

En pleine procédure de renouvellement de 15 fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT), les responsables de CNews, auditionnés lundi par l'Arcom, ont tenté de donner des gages, avec notamment une prochaine "direction du pluralisme".

 

La chaîne et ses figures, comme Pascal Praud et Laurence Ferrari, sont souvent accusés de traiter préférentiellement d'immigration et d'identité et de véhiculer des opinions d'extrême droite, ce que CNews conteste.

 

Comme C8, qui appartient également à Canal+, la chaîne est régulièrement rappelée à l'ordre par l'Arcom en raison de propos tenus sur son antenne.

 

RSF a regretté que les directives de l'autorité indépendante arrivent "tardivement", "dans un contexte post-électoral qui a montré le besoin de pluralisme".

 

Le régulateur a adressé fin juin une mise en demeure à un autre média dans le giron de M. Bolloré, la radio Europe 1, en pointant un traitement "largement univoque" des législatives dans une émission de Cyril Hanouna, avec une surreprésentation de l'extrême droite.

 

Téléspectateurs et auditeurs peuvent encore saisir l'Arcom de toute séquence depuis mi-février qui contreviendrait à leurs yeux au respect général du pluralisme. [AFP]

 
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