Attention à ne pas déformer l’Histoire (par le Colonel [Er] Abdoulaye Aziz Ndao)

Mercredi 25 Décembre 2024

Le colonel Abdoulaye Aziz Ndao

Il faut distinguer les tirailleurs des spahis. Leurs histoires sont très différentes et nullement liées. Les spahis répondent à certaines traditions de l’Armée française dont l'origine se trouve d’une part à la conquête de l’Égypte pendant la révolution où Napoléon épouse certaines méthodes des mameluks et ensuite entame la conquête de l’Algérie.

 

La tenue des spahis et leur histoire marquent précisément la garde rouge et le livre  de Pierre Rosière : ‘’Des spahis sénégalais à la garde rouge’’ Éditions du Centre,Dakar 2005 évoque et retrace bien la séquence.

 

Les tirailleurs sont un autre corps de l’armée française et la polémique Cheikh Oumar Diagne donne l’occasion de cerner le phénomène avec lucidité et réalisme.

 

C’est le général Faidherbe qui a deux types de troupes pour conquérir le Sénégal (infanterie coloniale dont il est membre avec Pinet Laprade et Canard Valère) et spahis qui viennent d’Algérie qui crée le corps des tirailleurs sénégalais. 

 

Ce corps est créé et recruté à partir de 1857 parmi des volontaires, des esclaves, des prisonniers et autres pour constituer une force supplétive à la disposition des autorités coloniales et permettre ainsi à la France de mener ses ambitions et conquérir des territoires.

 

Cette force encadrée par des officiers français et des spahis va conquérir le Sénégal en domptant la plupart des rebellions et en consolidant les conquêtes territoriales.

 

Telle est sa première vocation et sous ce chapitre Cheikh Oumar Diagne n'a pas totalement tort. Les RTS sont des régiments d’appui du pouvoir colonial. Cette phase va durer jusqu’à la veille de la première guerre mondiale.

 

Ensuite vient une deuxième phase de l’évolution des tirailleurs où cette force noire est impliquée dans les deux guerres mondiales.

 

Avec l’aide de Blaise Diagne, la France recrute plus de 300.000 hommes dans les colonies pour les faire participer à la guerre. Autant il y a des tirailleurs sénégalais (nom générique) pour tous les Noirs autant il y a des tirailleurs algériens, marocains tunisiens et autres. C’est une armée indigène qui, sous forme de volontariat et parfois de force, participe à la guerre.

 

Les tirailleurs vont s’illustrer aussi bien sur le front qu’en Grèce et en  Lybie lors des deux guerres. La France libre de Brazzaville s’appuiera sur cette force.

 

Cette force noire, principale composante de la première armée française de De Lattre de Tassigny, débarquera à Provence et libéra le sud et le centre de la France.

 

Convaincue de la victoire et du succès des débarquements, De Gaulle ‘’reblanchira’’ l’armée française et va rapatrier la force supplétive avec un calcul froid et méchant qui aboutira à Thiaroye 44.

 

La troisième phase est la période après la guerre où la France reprendra ses méthodes coloniales avec l’emploi des tirailleurs à Madagascar par une répression sanglante contre toute contestation des populations, puis en Indochine et en Algérie.

 

Voilà la vérité historique avec les trois phases de l’emploi des tirailleurs.

Il reste à signaler que la deuxième phase donc l’emploi du Régiment des Tirailleurs Sénégalais (RTS) en Europe a beaucoup contribué dans l’émancipation des peuples colonisés.

 

Les tirailleurs qui se sont illustrés sur les champs de bataille ont démythifié les Blancs et vont réclamer des droits à la dimension de leur courage, de leur engagement et de leur sacrifice.

 

Colonel Abdoulaye Aziz Ndao 

Officier de gendarmerie à la retraite

 
Nombre de lectures : 383 fois