Avant le sommet Etats-Unis/Afrique, le département d’Etat s’assure que Wagner ne débarquera pas dans un autre pays du Sahel

Lundi 31 Octobre 2022

En prélude au sommet de Washington en décembre, les Américains ont procédé à une visite musclée dans les pays du G5-Sahel (hors Tchad) pour mettre en garde contre toute coopération avec les Russes de Wagner. A côté de leurs « relations solides » avec la Mauritanie et le Niger, et des « échanges positifs » avec Ouagadougou, Washington déplore la démarche « bande à part » du Mali et les « mauvais choix sécuritaires de la junte ».


La sous-secrétaire d'Etat Victoria Nuland reçue à Niamey par le président Mohamed Bazoum en octobre
 
« En force dans la région du Sahel. » C’est ainsi que l’ambassadrice américaine Victoria Nuland a qualifié son voyage dans cette région entre le 16 et le 20 octobre dernier. La sous-secrétaire d’Etat en charge des Affaires politiques au Département d’Etat était en Mauritanie, au Mali, au Niger et au Burkina Faso entre le 16 et le 20 octobre 2022 pour évaluer « les modalités de fonctionnement de la stratégie américaine au Sahel (…) mise en place il y a environ un an pour essayer d’accroître la cohérence de nos actions en faveur de la sécurité, d’une gouvernance forte, dans les pays qui ont connu des coups d’Etat, pour un retour à la gouvernance démocratique… », a indiqué Mme Nuland lors d’un point de presse tenu le 26 octobre dernier dans les locaux du centre médiatique régional pour l’Afrique.
 
Cette descente américaine dans le Sahel intervient alors que le Sommet Etats-Unis – Afrique du 13 au 15 décembre à Washington se profile à l’horizon. Avant, indiquent des sources diplomatiques, l’Administration américaine voudrait faire le point sur les tendances actuelles de certains Etats à s’engager dans des accords de coopération avec la Russie. Sur ce plan, Washington ne digère pas la voie choisie par Bamako.
 
« Wagner travaille pour son propre compte, au Mali ou ailleurs »
 
« Nous étions au Mali pour exprimer notre inquiétude face au rétrécissement de l’espace de la Minusma et aux contraintes que le gouvernement et les forces de Wagner ont imposées à la capacité des forces de l’Onu à opérer et s’acquitter de leur mandat. Nous y étions aussi pour faire part de notre inquiétude face au renforcement du terrorisme (car) nous sommes convaincus que Wagner travaille pour son propre compte, pas pour les populations dans lequel l’organisation s’implante », a souligné Victoria Nuland.
 
Selon la diplomate américaine, les voisins du Mali aujourd’hui « veulent travailler ensemble, en particulier aux frontières de leurs pays avec le Mali, pour faire en sorte que Wagner et le terrorisme demeurent tous deux du côté malien de la frontière. » Une décision qu’elle impute « aux mauvais chois sécuritaires de la junte » au pouvoir à Bamako.
 
Si le Mali semble échappe au giron d’influence franco-américain, les Etats-Unis sont néanmoins décidés à poursuivre un autre type de coopération avec Bamako.
 
« Nous conservons une aide importante au développement, à la santé, en matière électorale. Nous essayons d’atteindre autant de personnes que possible au Mali. Nous avons eu une conversation avec les autorités maliennes pour faire en sorte que l’aide américaine puisse parvenir aux populations qui en ont le plus besoin (…) dans une région où les gens sont de plus en plus victimes de la terreur », a précisé Mme Nuland.
 
La Mauritanie et le Niger rassurent le département d’Etat
 
Le Mali tombé « dans les bras de Moscou », les Etats-Unis s’attachent désormais à « sécuriser » leur influence politique, économique et sécuritaire auprès des autres pays du G5-Sahel. C’est le cas avec la Mauritanie, seul pays du G5-Sahel à être épargné – pour le moment – du fléau terroriste qui ensanglante l’espace saharo-sahélien.
 
«  Nous fournissons à Nouakchott un soutien important en matière de sécurité et un soutien humanitaire (…) à Grâce à cette aide solide et à d’autres soutiens internationaux, (la Mauritanie) a réussi à gérer ses frontières et ses problèmes terroristes. (…) Il s’agit d’un îlot de stabilité de dix ans dans une zone très, très difficile. Mais les autorités sont évidemment préoccupées par l’entrée en force de Wagner au Mali et certains des incidents frontaliers qu’elles ont constatés et leur impact sur les droits humains », a reconnu Victoria Nuland.
 
Les Etats-Unis ont néanmoins d’autres raisons d’être vigilants face à l’évolution de la situation dans cet environnement dont le Mali constitue un épicentre. Ils y financent un programme de repas scolaires au profit de « 600 000 Mauritaniens dans des régions clés » en dehors de Nouakchott. Mais les intérêts américains vont au-delà.
 
« Nous étudions les possibilités d’une collaboration accrue en matière de sécurité énergétique », souligne Victoria Nuland, en référence au gisement de gaz offshore dénommé Grand Tortue Ahmeyim » que la Mauritanie et le Sénégal co-exploitent après un accord signé en février 2018, le partenaire technique étant British Petroleum (BP).
 
« Une entreprise américaine fait partie du consortium qui l’exploite. Nus pensons qu’il existe d’énormes opportunités pour l’éolien et le solaire en Mauritanie. (C’est pourquoi) nous également parlé de l’importance d’attirer des investissements supplémentaires…», note la sous-secrétaire d’Etat chargée des questions politiques au Département d’Etat.
 
L’engagement du capitaine Traoré pour le Burkina Faso
 
Avec le Burkina Faso, les Etats-Unis semblent rassurés par les orientations affirmées par le capitaine Ibrahim Traoré, le nouveau président qui a pris le pouvoir le 30 septembre dernier.
 
« Nous avons eu l’opportunité de nous entretenir avec le capitaine Ibrahim Traoré, président par intérim, et son équipe de direction, en particulier son ministre de la Défense. Il a dit sans équivoque que ce sont les Burkinabès qui défendront la sécurité de leur nation et qu’ils n’ont aucune intention d’y inviter Wagner », se réjouit Mme Nuland.
 
Fidèle allié de la France dans la région, le Niger ne donne aucun souci à la Maison Blanche et au Pentagone, au contraire. Les Américains sont d’autant plus tranquilles que les forces de Barkhane ont été en partie transférées en territoire nigérien après leur retrait du Mali.
 
Pour Victoria Nuland, qui confirme l’appui des Usa au basculement d’une partie des forces de Barkhane du Mali en territoire nigérien, « les autorités nigériennes ont été positives sur le rôle que les forces françaises jouent maintenant dans le cadre du soutien à leurs opérations, en particulier le long de leurs frontières avec le Mali (…) pour essayer de contenir les terroristes et Wagner du côté malien de la frontière. »
 
De très haut niveau, la délégation américaine qui a séjourné dans les 4 pays comprenait, outre Victoria Nuland, Celeste Wallander (secrétaire adjointe à la Défense), le général de division Kenneth Ekman (stratège au Commandement militaire pour l’Afrique, AFRICOM), Mike Heath (sous-secrétaire d’Etat adjoint pour la région du Sahel), Greg LoGerfo (sous secrétaire adjoint pour la lutte contre le terrorisme), Matt Petit (responsable de la région Sahel à la Maison Blanc)…
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