Awa ‘’coudou’’ Ndiaye ne va pas en prison : elle mobilise à Saint-Louis

Jeudi 9 Mars 2017

Par Mody Niang
 
La presse a fait état de la ‘’forte mobilisation’’ réussie par Awa ‘’coudou’’ Ndiaye lors de la visite du président-politicien à Saint-Louis, le dimanche 5 mars 2017. « C’est un déferlement de centaines de jeunes et de femmes qui a jalonné l’entrée du Pont Faidherbe et arraché un large sourire au Président Macky Sall visiblement satisfait », précise le quotidien ‘’L’AS’’, dans son édition du lendemain. Mais, qui est cette Awa Ndiaye qui a le vent en poupe ?
 
Elle a été tour à tour Ministre de la famille, de l’Entreprenariat féminin et de la Micro-finance, Ministre d’État auprès du Président de la République, Ministre d’État, Ministre du Genre, de l’Équité et des Relations avec les Associations féminines africaines et étrangères jusqu’au départ du président Wade du pouvoir. Elle a occupé ainsi, pendant plusieurs années, de hautes fonctions à une période où, dans de nombreuses autres structures de l’Etat, c’était la bamboula. Comme c’est exactement le cas depuis le 2 avril 2012.
 
Dans son rapport 2008, l’Autorité de Régulation des Marchés publics (Armp) a mis en évidence des cas de mauvaise gestion d’une extrême gravité. L’un des exemples les plus frappants, c’était incontestablement celui d’Awa Ndiaye, alors Ministre de la Famille et de la Solidarité nationale. Awa Ndiaye, appelée à l’époque Awa ‘’coudou’’ Ndiaye, recyclée aujourd’hui par le président-politicien et nommée Présidente de la Commission des Données personnelles (CDP). Domaine pour lequel elle n’aurait aucune compétence particulière. Cette délinquante de la République – elle en était bien une, avec de nombreux autres –, s’était particulièrement signalée dans les fameuses dépenses extra budgétaires.
 
Son ministère avait osé commander des couteaux de table et des cuillères pour respectivement 42000 et 37500 francs l’unité hors TVA. Sans compter des clés Usb (un giga) pour un coût unitaire de 97500 (une clé Usb un giga ne coûte pas plus de 10000 francs), une cuisinière grand modèle à 2 115 000 francs, un ordinateur à 1 695 000 francs, une imprimante à 845000 francs, etc.
 
Il faut signaler aussi, parmi les « prouesses » de la Ministre  délinquante de la République d’alors :
– une créance de 1,6 milliard de francs Cfa due à six sociétés appartenant à une même personne,
– des bons de commande, des factures proforma et bons de livraison datés tous du même jour,
– du matériel « livré » samedi et dimanche à l’administration, etc.
 
Des actes de brigandage – il ne s’agit pas seulement de fautes de gestion –  de cette gravité, il y en avait aussi en grand nombre dans le rapport d’audit du Cabinet Mamina Camara, résumé par Le Quotidien du vendredi 31 juillet 2009, (page « Une » et page 4).
 
La Ministre délinquante avait été aussi lourdement épinglée un an auparavant par un autre rapport : celui de  la Cour des Comptes de 2007. Le rapport avait, en particulier, fustigé la gestion du « Fonds de Solidarité nationale », considéré par ‘’L’AS’’ du vendredi 31 juillet 2009 (page 4), comme « la vache à lait de Awa Ndiaye et de Farba Senghor, alors Ministre délégué chargé de la Solidarité nationale ».
 
Dans ce rapport de la Cour des Comptes, on a l’embarras du choix sur les « bizarreries » de la gestion de ce « Fonds de Solidarité nationale ». Nous en citerons quelques-unes et renverrons le lecteur audit rapport et à ‘’L’AS’’ cité :
– « Le Fonds », ce fonds dit de solidarité nationale, prenait en charge les dépenses afférentes au fonctionnement des services du Ministère, notamment les dépenses d’hébergement et de restauration de la ministre en tournée pour    1 652 700  francs pour la seule année 2004 ;
– la même année, un montant de 3 481 000 francs est consacré à l’appui institutionnel, sous forme de carburant et de fournitures de bureau en faveur de la ministre délinquante et de son cabinet ;
– achat, en 2003, de fournitures de bureau à un certain nombre d’entreprises (toujours les mêmes) pour des montants respectifs de 700 000 Fcfa, 1 000 000 de F Cfa et 9 890 002 francs ;
– frais d’organisation de l’opération « Ndogou Solidarité » pour 55 414 234 francs, etc.
 
Des exemples de ce type foisonnent dans le rapport de la Cour des Comptes  (2007). Ainsi, l’opération « Tamxarite, un village à la fête » de 2005, a été plus scandaleuse encore. Des villages ont été sélectionnés par le soin des autorités administratives, pour l’organisation de la « Nuit sainte ». Pour l’occasion, 13 600 000 de francs ont été « dépensés ». Le hic, c’est que, à la fin des « festivités », seuls, deux maigres millions ont été justifiés. La ‘’Nuit sainte’’ avait vraiment bon dos. Quel sacrilège !
 
Il convient de signaler aussi que, pour « l’assistance » aux sinistrés du lointain Niger, la coquette somme de 32 millions avait été gracieusement remise à l’Association « Éducation Santé » de notre Première dame bien aimée de l’époque. Samba Allar ne ferait vraiment pas mieux. Aller jusqu’au lointain Niger pour assister des ‘’sinistrés’’ sans visage, alors que nous en avons en très grand nombre chez nous !
 
A l’intention de ceux et de celles qui pourraient douter de tous ces actes de brigandage, je rappelle que, dans un entretien accordé à ‘’L’AS’’ du mardi 9 février 2010 (page 6), la délinquante tente maladroitement de se justifier et jure par tous les dieux qu’elle n’a pas reçu le pré-rapport des auditeurs. Interrogée sur ses couteaux et cuillères respectivement à 37 000 francs et à 42 000 francs l’unité, elle répond ceci : « Comme je vous l’ai dit, cela dépend ! Si vous achetez des couverts pour en faire cadeau, par exemple au Khalife général des Mourides ou au Khalife général des Tidianes, parce qu’il va vers une manifestation importante religieuse, c’est compréhensible qu’ils puissent coûter un tel prix. Vous savez, dans nos ministères, nous sommes avec les autorités religieuses. Par exemple, pour ces personnes-là, vous n’allez pas leur acheter des cuillères à 2 000 francs (…) ». La cause est entendue, est vraiment entendue.
 
Un proverbe arabe, je crois, nous recommande de n’ouvrir la bouche que lorsque nous sommes sûrs que ce que nous allons dire vaut mieux que le silence. La prédatrice de la République n’a manifestement pas été inspirée par cet adage. Sinon, elle se serait tue plutôt que de d’essayer de nous convaincre avec des arguments vraiment tirés par les cheveux. Elle mettait surtout très mal à l’aise les personnalités religieuses en question.
 
Que devait faire Serigne Saliou Mbacké, l’ermite de Khelcom, avec des couteaux et des cuillères qui coûtent 37 à  40 200 francs l’unité hors Tva ? Serigne Mansour Sy, non plus, ne devrait pas avoir besoin d’une cuisinière qui coûte 2 115 000 francs, et quelle qu’en soit la qualité. Ses abondants et généreux repas étaient préparés au feu de bois dans des Mbana (grosses marmites), plutôt que placés sur des cuisinières qui coûtent les yeux de la tête. La voracité de cette délinquante dépassait donc toutes les limites et l’épisode qui suit l’illustre parfaitement.
 
Le ‘’billetteur’’ de l’époque du ministère à la tête duquel elle venait d’être nommée, avait reçu du Trésor public la somme de 76 millions de francs Cfa « destinés aux nécessiteux et aux indigents ». Mise au courant, la nouvelle ministre convoqua dare-dare la Directrice adjointe de l’Action sociale, pour lui « intimer l’ordre de lui remettre main à main l’intégralité de la somme ». Celle-ci refusa catégoriquement, « prétextant le non-respect de la bonne gouvernance ».
 
Piquée au vif, la Ministre la « limogea », en arguant du motif fallacieux ‘’d’acte de défiance’’ à l’endroit de son supérieur. Le ‘’billetteur’’ est appelé à son tour et menacé « de licenciement s’il n’obtempère pas ». Ce dernier « regrette de ne pas pouvoir lui remettre l’argent exclusivement destiné aux ayants droit ». Il est viré à son tour, sans autre forme de procès. La prédatrice le rappellera pour lui proposer le marché suivant : « Je suis prête à te réintégrer dans tes fonctions, si tu remets tout de suite les 76 millions de francs Cfa. » Et comme donnant des gages de sa bonne foi, « elle aurait fait une simulation, en déchirant sous les yeux de ce dernier la note qui mettait fin à ses fonctions. » Courageux, le ‘’billetteur’’ campa sur sa position et répliqua : « Je suis désolé madame la ministre, mais seuls les ayants droit de ce fonds pourront encaisser les 76 millions, après que chacun a apposé sa signature en guise de décharge ».
 
Le très honnête et très courageux ‘’billetteur’’, qui méritait d’être décoré de l’Ordre national du Lion, fit même une proposition à Madame la Ministre : remettre les chèques aux bénéficiaires, après qu’ils auront tous déchargé les montants qui leur sont alloués. Devant cet entêtement qui ne faiblissait pas, la Ministre se débarrassa du subordonné récalcitrant en le mettant à la disposition du Ministère de la Fonction publique.
 
On apprendra plus tard que la délinquante de la République, aidée du Directeur de l’Action sociale (qui venait de transhumer du Parti socialiste) aurait enlevé le coffre-fort qui contenait l’argent et se serait débrouillée pour l’ouvrir et s’emparer des précieux 76 millions. Le pauvre contribuable n’a jamais su ce qu’il est advenu réellement de ces millions, destinés pourtant à des nécessiteux et à des indigents. Pour ce qui me concerne, je douterai, jusqu’à preuve du contraire, qu’ils aient atterri entre les mains des ayants droit. En tout cas, pour de plus amples informations sur cette affaire rocambolesque, je renvoie le lecteur intéressé à ‘’L’AS’’  du samedi 10 et dimanche 11 janvier 2009, page 4.
 
Malgré ces actes de brigandage, notre ministre resta, droit dans ses bottes, dans le Gouvernement de Wade. Elle terminera même Ministre d’État, Ministre du Genre, de l’Équité et des Relations avec les Associations féminines africaines et étrangères. Elle était toujours bien visible à côté du Président Wade et faisait pratiquement partie de tous ses voyages, qu’elle mettait à profit pour distribuer de l’argent à tout va.
 
Le quotidien ‘’L’AS’’ du jeudi 6 mars 2008, page 5, titrait, la concernant : « Awa Ndiaye jette des millions par la fenêtre aux USA ». Et le journal de préciser qu’elle avait offert gracieusement 15 millions de francs Cfa aux femmes libérales de New York, 5 millions à trois ‘’dahiras’’ (tidiane, mouride et layène), 2,5 millions à la Section Amérique du Nord de la « Génération du Concret », un million aux griots qui chantaient à tue-tête ses louanges, etc.
 
Voilà Awa Ndiaye, Awa ‘’coudou’’ Ndiaye ! Son mentor battu le 25 mars 2012, elle est recyclée par le président-politicien, qui a érigé la détestable transhumance en méthode de gouvernement. Cette délinquante de la République hume tranquillement l’air marin de Saint-Louis et mobilise pour son nouveau mentor. Pendant ce temps, le Maire de Dakar et cinq de ses collaborateurs sont envoyés à Reubeuss. Les fautes de gestion qui leur sont reprochées – avérées ou non –, sont-elles plus graves que celles accumulées, pendant plusieurs années, par la nouvelle ‘’chouchoute’’ du président-politicien ?
 
Que personne ne nous brandisse un non-lieu, dont aurait bénéficié cette délinquante ! Combien sont-ils, d’hommes et de femmes, à bénéficier de non-lieux douteux ? C’est le lieu d’affirmer avec force ici, que nous n’accepterons jamais de nous laisser muselés par quelque menace que ce soit, et de qui que ce soit. Nous avons le droit inaliénable, en notre qualité de citoyens et de justiciables, de nous poser, chaque fois que de besoin, des questions sur le fonctionnement de notre justice. Celle-ci doit être la même pour tous, pour les plus forts comme pour les plus faibles. Elle ne doit être au service exclusif de personne, fût-il le Président de la République.
 
Avec cette ‘’affaire Khalifa Sall’’ et tant d’autres, nous n’avons vraiment pas le sentiment que notre justice est celle-là, dont nous souhaitons vivement l’avènement. Combien sont-ils (elles), de délinquants et de délinquantes de la République qui hument tranquillement l’air de la liberté, pendant que le Maire de Dakar et ses collaborateurs dorment à Reubeuss depuis le mardi 6 mars 2017 ? Le Président de la République et le Parquet peuvent-ils s’arrêter en si bon chemin ? Ce serait trop facile, surtout fortement dommageable à la crédibilité de notre justice et, partant, à notre démocratie encore balbutiante.
Dakar, le 9 mars 2017
 
 
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