BONUS DE SIGNATURE: Faut-il mettre un terme à l’exception sénégalaise ?

Mercredi 29 Juin 2016

Au niveau mondial, le versement des bonus de signature, ticket d’entrée payable sans préjuger des résultats d’explorations pétrolières ou gazières, est entrée dans les mœurs depuis bien longtemps. Officiellement, cette pratique n’existe pas officiellement et n’est pas prévue dans le code pétrolier.



La question a quelque peu soulevé les passions entre les participants au Salon international de l’énergie et du pétrole en Afrique (Siepa), tenu à Dakar les 19 et 20 mai derniers. Un des intervenants, le journaliste Adama Gaye, en l’occurrence, s’était directement adressé aux représentants des compagnies pétrolières et aux représentants des pouvoirs publics présents à la rencontre. «Comme cela se passe partout dans le monde en matière, est-ce que vous avez payé des bonus de signature avant de commencer vos recherches pétrolières et gazières ? Combien ? A qui avez-vous versé l’argent ? Quand ?»

Après quelques petites secondes de flottement, Mme Gogne Sèye, de la compagnie Far Ltd, s’empresse de renvoyer la balle au bras armé de l’Etat, c’est-à-dire à Petrosen. Mais c’est plutôt le président de l’association sénégalaise pour le développement de l’énergie (Asdea) qui prend la parole. Modérateur de la rencontre, Kamara Touré a répondu en substance : «Dans le code pétrolier sénégalais, le versement de bonus de signature n’existe pas.» Pour cet ancien directeur général de la Société africaine de raffinage (Sar), il n’est pas certain du reste que le fait d’imposer le bonus à la signature soit une bonne idée eu égard à la lourdeur des investissements requis par un projet d’exploration offshore. Cheikh Ndiaye, représentant de la société américaine Fortesa attributaire de trois licences d’exploration de gaz, a soutenu que le Sénégal n’est pas encore un pays pétrolier en mesure de revendiquer des bonus de signature face aux compagnies.

Pour lui, cette pratique n’est pas attractive. «A notre arrivée, on nous avait demandé de payer (…) Nous avons préféré réaliser des prestations sociales» au profit des communautés», a-t-il indiqué. Non sans rappeler que pour les deux découvertes d’hydrocarbures en 2014 ont coûté un investissement de 300 millions de dollars (150 milliards de Cfa) sur lesquels l’Etat n’a payé un seul franc.

Revenant à la charge, Adama Gaye, qui intervient également dans le secteur pétrolier, précise que le bonus de signature est une règle universellement reconnue et acceptée. Pour exemple, il a cité l’exemple du major italien ENI qui, pour «entrer» en Angola, a dû débourser la bagatelle de 900 millions de dollars (environ 450 milliards de francs Cfa).

Dans une étude intitulée «Le pétrole tchadien : miracle ou mirage. Suivre l’argent au dernier-né des pétro-Etats d’Afrique», réalisée par Catholic Relief Service (CRS) et Bank on Information Center (BIC), la question est abordée sans tabou. «Les bonus de signature, une pratique courante dans l’industrie pétrolière mondiale, sont typiquement payés comptant aux gouvernements hôtes lors de la signature de contrats pour une nouvelle concession, et sont versés sans égard à la découverte éventuelle de pétrole.» En avril 2000 par exemple, poursuit le document, «le Tchad a reçu un bonus de signature de 25 millions de dollars (…) alors que deux nouvelles compagnies du secteur privé, Chevron et Petronas se sont jointes au projet.»  Plus tard, «en décembre 2003 et en mars 2004, le Tchad a reçu deux paiements de bonus de signature de 15 millions de dollars en lien avec un nouvel accord d’exploration alors en cours de négociation avec le consortium ExxonMobil.»

Au Sénégal, en lieu et place du bonus de signature, les compagnies s’orientent vers ce que le milieu appelle «local content», un chapelet d’actions humanitaires et sociales visant à faire de sorte que les revenus espérés de l’exploration pétrolière et gazières profitent d’ores et déjà aux populations des zones concernées et/ou impactées par les travaux d’exploration. A cet égard, Gogne Sèye a fait état de la lettre du ministère de l’Energie invitant chaque compagnie à lui adresser un rapport relatif à leurs interventions sociales…
 
 
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