Bassirou Diomaye Faye, 100 premiers jours à batailler avec les mille et un cafards de Macky Sall

Dimanche 14 Juillet 2024

Volonté de redevabilité plutôt que bilan de trois mois de présidence. Le Président de la République a dressé les contours et orientations d’une reprise en main d’un pays divisé et fracassé par la gouvernance d’un régime qui lui a laissé un cadeau empoisonné.

Pétrole et gaz, fonds politiques, redevabilité, rapports d’enquête, impôts, coût de la vie, etc. Le Président sénégalais Bassirou Diomaye Faye s’est voulu sobre et cash dans sa prise en main des questions d’intérêt national après son arrivée au pouvoir en avril 2024. Et sur l’une d’entre elles, la gestion des hydrocarbures, il a réaffirmé la determination de l’Etat à parvenir à plus d’équilibre dans les profits à tirer de leur exploitation. 

 

Contrats gaz et pétrole renégociés 

 

« Beaucoup de gens pensent qu’il est impossible de renégocier les accords sur le pétrole et le gaz, mais moi je vous affirme qu’il y aura renégociation et ce sera bénéfique pour le Sénégal », a assuré le chef de l’Etat. Non sans regretter que l’ancien régime n’ait pas « pu mieux négocier ces contrats ». 

 

Aujourd’hui le défi est d’identifier des « pistes de renégociation (…), renégocier les contrats et essayer de voir comment investir sur d’autres secteurs pour leur développement et éviter la malédiction du pétrole », a souligné Bassirou Diomaye Faye.

 

Après le premier baril de pétrole sénégalais sorti de la plateforme de Sangomar le 10 juin 2024, le Sénégal et la compagnie australienne Woodside entament en juillet la commercialisation du produit brut, en particulier en Europe. 

 

D’ici la fin de l’année en cours, les premières productions de gaz devraient également sortir de la plateforme Grand Tortue Ahmeyim (GTA), un partenariat entre le Sénégal et la Mauritanie situé à la frontière maritime entre les deux pays et auquel est associé le géant anglo-néerlandais British Petroleum (BP).

 

Le Président Faye faisait face à des journalistes sénégalais pour sa première conférence de presse. Une rencontre tenue le 13 juillet 2024 à Dakar et qu’il a lui-même placée sous le signe de sa démarche de « redevabilité » à l’endroit du peuple sénégalais. 

 

Très attendu sur le sujet du pouvoir d’achat, le Président sénégalais a mis en évidence la situation difficile qu’il a trouvée. Il a souligné que les principaux indicateurs économiques étaient au rouge ou à la limite orange à sa prise de fonctions d’avril 2024. Dans ce contexte, a-t-il indiqué, les arbitrages budgétaires se sont imposés comme une nécessité incontournable avant toute possibilité d’agir sur le coût de la vie. 

 

Besoins prioritaires et ressources financières

 

« Nous sommes passés par un exercice de réallocation des ressources financières » entre besoins prioritaires et besoins non prioritaires « pour pouvoir réduire les denrées de consommation courante », a expliqué le Président de la République. 

 

Après un bref bras de fer avec certaines branches du patronat, le gouvernement fait appliquer depuis juin dernier une réduction des prix concernant plusieurs denrées alimentaires comme le riz (dans ses différentes variétes), la farine de blé, le pain, le sucre, l’huile, sans oublier le ciment pour le secteur de la construction. 

 

Dans ce périmètre social, Bassirou Diomaye Faye a rappelé son attachement à ouvrir des perspectives réelles aux jeunes en termes d’emploi. Le gouvernement y travaille à travers des stratégies reposant sur la formation et l’adaptation aux besoins du marché et des entreprises. Si le secteur privé reste un allié de taille pour l’Etat, le renforcement de l’attractivité du secteur primaire à travers l’agriculture va demeurer un pilier de la volonté politique pour créer des emplois massifs en faveur de la jeunesse. 

 

Dans le casse-tête constitué par la rareté des ressources financières, le chef de l’Etat a intransigeant sur l’option de de l’Etat de faire payer l’impôt à tous les assujettis de toutes branches et catégories professionnelles.  

 

« Tant que je serai à la tête de ce pays, a-t-il averti, deux choses resteront des priorités, à savoir contribuer à l’effort collectif en payant ses impôts tout et s’assurer que ces impôts aillent aux populations, tel que la loi le prévoit ».

 

Réfutant toute sorte de pression fiscale, le chef de l’Etat a préconisé une répartition plus harmonieuse de la charge fiscale mais excluant dorénavant toutes remises gracieuses d’impôts préjudiciables aux finances de l’Etat. 

 

Plusieurs entreprises de presse ont été récemment contraintes de régulariser des situations fiscales que l’ancien régime leur avait octroyées sur des bases jugées clientélistes.

 

Contrats de l’ancien régime bloqués 

 

Par ailleurs, le Président Diomaye Faye a révélé avoir ordonné à certains ministres de s’abstenir de boucler certains dossiers. Ces ordres ont été notifiés après le 24 mars et avant même sa prestation de serment du 2 avril 2024. 

 

« Bien avant même ma prise de fonction, il fallait engager des actions urgentes pour stabiliser la fourniture en hydrocarbures, bloquer la signature de certains contrats qui impacteraient nos finances publiques ».

 

Un des exemples cités par le chef de l’Etat est relatif au secteur de la santé. « J’ai appelé dire toment le ministre de l’époque pour lui dire que ces contrats sont illégaux est qu’ils ne doivent pas être signés. Elle a respecté les directives que je lui ai données. Ces contrats étaient surfacturés de façon inimaginable et inacceptable. Nous avons donc bien fait de les bloquer ».

 

La dernière ministre de la Santé de l’ancien régime est le Dr Marie Khémesse Ngom Ndiaye. Elle était en poste depuis mai 2022 suite au limogeage d’Abdoulaye Diouf Sarr lors du décès de 11 bébés à l’hôpital de Tivaouane. Son successeur est le Dr Ibrahima Sy.

 

Pour le chef de l’Etat, le défi des premiers instants de pouvoir concernait également un domaine vital et stratégique, l’hydraulique avec une bombe qu’il ne fallait pas laisser exploser : la hausse du prix de l’eau alors décidée par Macky Sall.

 

« (…) Nous avons trouvé des chose pas nettes. A titre d’exemple, mon prédécesseur et son équipe ont pris un arrêté le 29 mars 2024 pour augmenter le coût de l’eau consommé par les ménages. A peine installé, je risquais de faire face aux mécontentements des populations dus à des factures élevées, ce qui est anormal », a rapporté le Président Faye.

 

Cette affaire concerne l’entreprise saoudienne Acwa Power qui devait exécuter un contrat de 700 millions d’euros (environ 460 milliards de francs CFA) pour la fourniture d’eau et la construction d’une usine de dessalement. Le contrat a été annulé et déclaré non compatible avec les « options stratégiques » du Sénégal post Macky Sall. Quelques jours avant de quitter ses fonctions, l’ex Président avait d’ailleurs reçu en audience les principaux dirigeants de la compagnie saoudienne…

 

Elu en bonne partie sur la promesse d’une nouvelle séquence de transparence des affaires publiques, Bassirou Diomaye Faye a affirmé qu’il y reste attaché en dépit de certaines lenteurs et qu’il ne sera question ni protection ni vengeance. 

 

Les corps de contrôle que sont la Cour des comptes, l’Inspection générale d’Etat (IGE), l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) « font leur travail ». Mais « Je n’ai pas un coude à mettre sur les rapports car les conclusions qui y seront tirées seront appliquées », a réaffirmé le chef de l’Etat. 

 
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