Le Premier ministre britannique Boris Johnson a demandé samedi soir un report du Brexit à Bruxelles dans une lettre, mais sans y apposer sa signature, signifiant ainsi son opposition à tout délai de la sortie de l'Union européenne, normalement prévue le 31 octobre.
"La demande de délai vient juste d'arriver. Je vais commencer maintenant à consulter les leaders européens sur la manière de réagir", a confirmé sur Twitter le président du Conseil européen Donald Tusk.
Selon une source au sein des services de Downing Street, trois lettres ont été envoyées.
La première, qui demande un report du Brexit, n'a pas été signée par Boris Johnson. En revanche, le Premier ministre a bien signé une deuxième lettre, dans laquelle il rappelle ne surtout pas vouloir de ce délai.
- Contraint par la loi -
"Une nouvelle extension porterait préjudice aux intérêts du Royaume-Uni et de nos partenaires de l'UE, ainsi qu'aux relations entre nous", a-t-il écrit selon des copies circulant parmi des journalistes à Bruxelles. "Nous devons mener ce processus (de Brexit) à terme afin de pouvoir passer à la phase suivante et construire notre nouvelle relation", a-t-il ajouté.
Une troisième lettre a aussi été rédigée par l'ambassadeur britannique auprès de l'UE, Tim Barrow, pour souligner que la demande avait été uniquement envoyée afin de se conformer à la loi.
La loi britannique qui a forcé Boris Johnson à réclamer cette extension stipulait que si aucun accord de sortie n'est approuvé par les députés d'ici au 19 octobre, le Premier ministre doit réclamer un report du Brexit au 31 janvier 2020.
Boris Johnson espérait y échapper en faisant approuver samedi son nouvel accord de retrait de l'UE, qu'il avait arraché contre toute attente cette semaine à Bruxelles. Mais les députés, convoqués pour une séance historique samedi, ont préféré repousser leur vote -- ils ont approuvé à une courte majorité un amendement suspendant tout feu vert du Parlement à l'adoption d'une loi d'application de l'accord.
Décision accueillie avec des cris de joie et des applaudissements par les centaines de milliers d'europhiles qui manifestaient devant le Parlement en faveur d'un nouveau référendum: "C'est formidable, ça éloigne le Brexit !", s'est exclamé Philip Dobson, 40 ans.
- "Pas une solution" -
Mais le Premier ministre, arrivé au pouvoir fin juillet sur la promesse de réaliser le Brexit à tout prix le 31 octobre, est vent debout contre tout report du départ de l'UE, initialement prévu le 29 mars et déjà repoussé deux fois.
"J'ai été clair sur le fait que je ne voulais pas d'autre report. Les Européens ont été clairs qu'ils ne veulent pas d'autre report", a-t-il écrit dans une lettre aux députés.
"Je dirai à l'UE ce que j'ai déjà dit au peuple britannique au cours de mes 88 jours en tant que Premier ministre: un nouveau délai n'est pas une solution", a-t-il prévenu.
"Il est tout à fait possible que nos amis dans l'Union européenne rejettent la requête du Parlement pour plus de délai (ou ne prennent pas une décision rapidement)", a-t-il aussi souligné. "Dans ces circonstances, j'espère que les collègues (députés) de tous les bords soutiendront l'accord, confrontés au choix de notre nouvel accord ou pas d'accord" pour une sortie de l'UE.
Selon une source européenne, les consultations entre M. Tusk et les dirigeants des 27 "pourraient prendre quelques jours".
Dimanche matin ce sont les ambassadeurs des 27 qui doivent se retrouver à Bruxelles pour discuter du Brexit, une réunion qui était déjà prévue avant le rebondissement de samedi à la Chambre des Communes.
- "Souhaiter du succès" -
Boris Johnson a appelé les 27, dont l'aval unanime est requis, à ne pas se laisser "attirer" par un report. C'est à Londres de nous donner la marche à suivre "dès que possible", a réagi la Commission européenne. "Un délai supplémentaire n'est dans l'intérêt de personne", selon la présidence française.
Selon Downing Street, Boris Johnson a discuté avec le président français, la chancellière allemande et Donald Tusk.
Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a "souhaité du succès (à Boris Johnson) dans les prochaines étapes à la Chambre des communes britannique" dans un tweet publié après s'être entretenu avec Boris Johnson.
Inflexible, ce dernier a assuré qu'il présenterait "la semaine prochaine" au Parlement la législation nécessaire à la mise en oeuvre de son accord de Brexit. Cet accord règle les conditions du divorce après 46 ans de vie commune, permettant une sortie en douceur assortie d'une période de transition courant au moins jusqu'à fin 2020.
Le texte est censé résoudre le casse-tête de la frontière irlandaise, sur laquelle avait buté le processus jusqu'à présent. L'objectif est d'éviter le retour d'une frontière physique entre l'Irlande du Nord britannique et la république d'Irlande, membre de l'UE, pour préserver la paix sur l'île.