Bourgi accuse Fillon de lui avoir intimé le silence sur les costumes

Samedi 15 Avril 2017

PARIS (Reuters) - François Fillon et son entourage auraient fait pression sur Robert Bourgi pour qu'il ne révèle pas être l'auteur du cadeau vestimentaire, deux costumes d'une valeur de 13.000 euros, qui ont compromis la campagne du candidat de la droite après la révélation des emplois présumés de son épouse et ses enfants.
 
Dans un entretien publié vendredi sur le site d'informations Mediapart, l'avocat franco-libanais, retiré à Beyrouth en raison de la "charge médiatique très forte", affirme qu'il votera malgré tout pour François Fillon, "un ami de très longue date", au premier tour de la présidentielle mais que les électeurs de Nicolas Sarkozy pourraient lui faire payer ses attaques contre l'ancien chef de l'Etat durant la campagne de la primaire.
 
L'avocat de François Fillon n'a pas répondu dans l'immédiat aux demandes de réaction formulées par Reuters.
 
La révélation, le 12 mars par Le Journal du Dimanche, des cadeaux vestimentaires consentis à François Fillon, par Robert Bourgi notamment, figure controversée de la "Françafrique", a contribué à abîmer un peu plus l'image du candidat, qui sera mis en examen le 14 mars pour détournements de fonds publics.
 
L'identité du mécène a été révélée par Le Monde le 17 mars, poussant Robert Bourgi à confirmer. Face à la controverse, François Fillon a annoncé le 23 mars sur France 2 avoir rendu les costumes à son ami, concédant "une erreur de jugement".
 
"Je l'ai eu personnellement à plusieurs reprises. Et à plusieurs reprises, il a fait appel à ma solidarité de gaulliste. Gaulliste ou pas, je sais ce que j’ai fait et je n’ai pas à m’en cacher", raconte Robert Bourgi dans Mediapart.
 
"Pendant six jours, du samedi ayant précédé les révélations du Journal du dimanche au vendredi suivant, François Fillon et sa très grande papesse de la communication, Anne Méaux, ont souhaité que je ne dise rien concernant l’identité de la personne qui a offert les costumes : moi", explique-t-il.
 
Il explique qu'il avait choisi de marquer la victoire "inespérée" de l'ancien Premier ministre à la primaire, le 27 novembre dernier, par ce cadeau chez un tailleur de luxe parisien, sans que l'intéressé le sache.
 
LE SCÉNARIO DE 1981
L'avocat affirme que François Fillon et Anne Méaux l'ont appelé la veille de la parution du JDD "pour que je ne dise pas que c’était moi". "Je leur ai demandé pourquoi. Ils m’ont dit : 'Tu sais, c’est la Françafrique, on va penser que...'"
 
"J’ai été contraint pendant une semaine de mentir. Finalement, lorsque Le Monde a sorti mon nom, j’ai confirmé."
 
François Fillon a téléphoné à Robert Bourgi la veille de l'émission du 23 mars sur France 2 pour lui annoncer qu'il avait décidé de rendre les deux costumes, qu'il a portés, et un blazer et un pantalon offerts pour Noël 2014. Un collaborateur du candidat les lui a apportés le 24 mars. "Ils sont entre les mains de la police à Nanterre", précise l'avocat.
 
Soulignant que, dans un pays anglo-saxon, un candidat mis en examen ne pourrait se maintenir, Robert Bourgi dit craindre le "scénario de 1981 lorsque M. Chirac ou ses partisans ont fait payer lourdement à Valéry Giscard d'Estaing (l'affaire des diamants offerts par le dirigeant centrafricain Jean-Bedel Bokassa-NDLR) le sort qu'il avait réservé à Jacques Chirac".
 
Il explique que les électeurs sarkozystes n'ont pas pardonné à François Fillon sa phrase assassine d'août 2016 contre l'ancien chef de l'Etat : "Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen?"
 
"Aujourd’hui, l’électorat de Nicolas Sarkozy, qui est puissant et solide, pourrait avoir de la mémoire pour ces paroles", estime-t-il.
 
Il précise qu'il votera néanmoins pour François Fillon le 23 avril, parce que c'est sa "tribu".
 
 
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