Budget italien: la zone euro soutient Bruxelles, Rome inflexible

Lundi 5 Novembre 2018

Les ministres des Finances de la zone euro ont pressé lundi la coalition populiste au pouvoir en Italie de revenir sur son projet de budget, largement en dehors des clous européens, deux semaines après son rejet par Bruxelles.

"Nous partageons l'évaluation de la Commission européenne" et "espérons que l'Italie (...) coopérera étroitement avec (elle) à l'élaboration d'un plan budgétaire révisé", écrivent les ministres dans un communiqué.

Le budget "ne change pas", a répondu, à l'issue de la réunion, le ministre italien des Finances, Giovanni Tria, promettant cependant "un dialogue constructif avec la Commission".

"Il n'y a ni compromis, ni conflit" avec Bruxelles, a-t-il souligné.

Les ministres des Finances des 19 pays ayant adopté la monnaie unique (l'Eurogroupe) étaient réunis dans la capitale belge pour la première fois depuis le rejet, le 23 octobre, du projet de budget italien par la Commission.

Fustigeant "une déviation claire, nette, assumée" par rapport aux règles européennes, Bruxelles a laissé à l'Italie jusqu'au 13 novembre pour lui soumettre un budget révisé.

"Notre état d'esprit est celui du dialogue", a insisté lundi le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici. Mais "nous ne sommes pas dans une négociation. Les règles sont les règles", a-t-il ajouté.

"Le gouvernement italien doit saisir la main tendue", a lancé le Français Bruno Le Maire.
 
Le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, au Parlement européen à Strasbourg, le 23 octobre 2018 / © AFP/Archives / FREDERICK FLORIN
Une source italienne a assuré que Rome répondrait avant la date limite. "Nous voulons essayer de trouver une solution", a affirmé cette source. Mais "pour le moment, nous n'en avons pas".

L'exécutif européen reproche à la coalition italienne, formée de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème), un déficit de 2,4% du produit intérieur brut (PIB) pour 2019, très au-dessus de ce que prévoyait le précédent gouvernement de centre gauche (0,8%).

L'Italie s'expose à une "procédure pour déficit excessif", susceptible d'aboutir à des sanctions financières si elle refuse de modifier son budget.

L'inflexibilité italienne fait craindre, outre ce bras de fer avec la Commission, des turbulences du marché, voire un retour d'une crise de la dette.

- "Recette" italienne -

Si un pays "dit que les règles ne l'intéressent pas, il doit y avoir des conséquences. C'est simple", a tweeté le ministres slovaque des Finances, Peter Kazimir.

"Je ne pense pas que nous irons jusqu'aux sanctions financières", a tempéré lundi dans le Financial Times, Luigi Di Maio, chef de file du M5S.
 
Le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte, à Bruxelles, le 19 octobre 2018 / © AFP/Archives / JOHN THYS
Le vice-Premier ministre se dit convaincu qu'il est possible de réduire "la dette publique avec un budget important" et même que la "recette" italienne fera des émules.

Son homologue, Matteo Salvini, patron de la Ligue, a, lui, appelé ses partisans à manifester le 8 décembre à Rome pour dire "pacifiquement" aux "messieurs de Bruxelles : laissez-nous travailler, vivre et respirer". 

La situation économique italienne est préoccupante, avec un taux de chômage à 10,1%, très au-dessus de la moyenne de la zone euro (8,1%), et une stagnation de l'activité au troisième trimestre, une première depuis trois ans, qui ne sera pas sans conséquences dans les échanges avec Bruxelles.

La coalition a en effet bâti son budget 2019 sur une prévision de croissance très optimiste de 1,5%, contre 1,1% pour la Commission, qui doit présenter jeudi ses nouvelles prévisions.

Or si la croissance est plus faible que prévu, le déficit risque d'être encore plus important, ce qui alourdira un peu plus l'énorme dette italienne (131% de son PIB).

"L'électorat de la Ligue va être tenté de dire +basta !+ parce que l'Italie s'isole", surtout "si le spread (l'écart très surveillé entre les taux d'emprunt allemand et italien à dix ans, ndlr) devient inquiétant", analyse Sébastien Maillard, directeur de l'institut Jacques Delors.

Le "spread" oscille désormais autour de 300 points de base, contre une moyenne de 130 enregistrée sur les quatre premiers mois de l'année, mais le scénario d'une crise comme celle vécue en Grèce semble encore loin.
 
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