L'économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé
Le syndicat de « chefs » d’Etat de la CEDEAO s’est illustré encore de la manière la plus honteuse qui soit contre le peuple nigérien. Les décisions illégales prises à la hâte par le syndicat montrent qu’il n’est préoccupé que par la protection d’un de ses membres et non par le sort des populations des pays membres.
Imposition de sanctions illégales, inhumaines et honteuses
Lors de leur Sommet extraordinaire tenu le 30 juillet à Abuja (Nigeria) ils ont pris un paquet de mesures contre le peuple nigérien. Prenant prétexte du coup d’état militaire du 26 juillet contre Bazoum, qui est devenu un jouet entre les mains des occidentaux, notamment du président français Emmanuel Macron, le syndicat veut punir le peuple nigérien et aller restaurer la « démocratie » au Niger par la force, s’il le faut. Contre la volonté du peuple nigérien dont le soutien au CNSP s’est exprimé de façon massive lors de plusieurs rassemblements organisés à Niamey et dans de nombreuses autres villes du pays.
Comme cela avait été fait contre le Mali, la CEDEAO a décidé encore de violer ses propres textes en instaurant un embargo contre le Niger. Mais le plus grave c’est que la CEDEAO donne un ultimatum d’une semaine au CNSP pour restaurer l’ordre constitutionnel ou risquer une intervention militaire. Une menace inédite.
Intervention militaire au service des intérêts de la France et des Etats-Unis !
Une telle intervention serait un soutien indirect aux groupes terroristes qui sévissent au Niger. En effet, une agression extérieure affaiblirait la lutte anti-terroriste en obligerait le Niger à déployer des forces pour faire face à celles de la CEDEAO. En outre, celle-ci serait surtout destinée à exécuter l’agenda de la France et des Etats-Unis qui ne veulent pas « perdre » le Niger pour des raisons économiques et surtout géopolitiques. D’ailleurs la précipitation avec laquelle le Sommet d’Abuja a pris ses décisions honteuses et scélérates montre que celles-ci ont été dictées par Paris et Washington.
Donc, en intervenant militairement, le syndicat des « chefs » d’Etat de la CEDEAO, de plus en plus impopulaire, apporterait un soutien indirect aux groupes terroristes. En outre, cette intervention serait perçue comme un moyen de sauver un des leurs et de protéger les intérêts de l’Occident, notamment de la France et des Etats-Unis. Elle n’a rien à voir avec le rétablissement de la « démocratie », d’autant plus que la plupart des membres du syndicat sont de vrais despotes qui violent allégrement les Constitutions de leurs pays!
Mais le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) dit qu’il est prêt à faire face à toute agression. Outre le soutien massif de son peuple, il a reçu des soutiens de taille de la part du Burkina Faso et du Mali. Dans un communiqué conjoint publié le lundi 31 juillet, les deux gouvernements disent considérer toute attaque contre le Niger comme une « déclaration de guerre » contre leurs pays et si cela devait avoir lieu ils sortiraient de la CEDEAO. Un avertissement clair, net et solennel contre un syndicat utilisé comme un instrument contre les peuples de la région par la France et les Etats-Unis.
Les enjeux pour la France et les Etats-Unis
Pour Emmanuel Macron, le coup d’état du Niger sonne le glas de sa stratégie de déstabilisation et de « reconquête » du Mali. L’autre enjeu pour la France serait la remise en cause du monopole de l’exploitation de l’uranium du Niger.
Pour la France et les autres pays de l’Union européenne, ainsi que pour les Etats-Unis, l’enjeu serait un rapprochement éventuel du CNSP avec la Russie, comme l’appellent de leurs vœux de nombreux manifestants qui brandissent des drapeaux russes. Le retournement d’alliance serait une défaite majeure pour l’Occident, notamment les Etats-Unis, obsédé par les avancées de la Russie en Afrique.
Les Etats-Unis possèdent une grande base de drones au Niger. Quant à la France, elle y déploie quelque 1500 soldats, dont ses mercenaires qui ont été chassés du Mali et du Burkina Faso. Cette présence militaire occidentale n’est pas destinée à aider dans la lutte contre le terrorisme mais plutôt pour contrer les activités de la Russie dans le Sahel.
L’avenir de la CEDEAO
La CEDEAO a perdu son projet originel d’intégration de la région pour en faire une entité capable d’impulser le développement économique et social dans l’intérêt des peuples. De nos jours, des ressortissants de pays membres sont expulsés par d’autres pays membres au mépris des Protocoles sur la libre circulation et le droit d’établissement des citoyens.
Certains pays membres, comme le Niger, sont devenus des auxiliaires de la politique migratoire anti-africaine de l’Union européenne. Un autre symbole éclatant de l’échec de la CEDEAO est son incapacité à adopter la monnaie commune, un projet en gestation depuis des décennies. La CEDEAO a fini de se transformer en un vulgaire syndicat de « chefs » d’Etat dont l’unique souci est de veiller sur la sécurité de ses membres. Le syndicat n’a même pas osé élever la voix contre les atrocités du gouvernement tunisien contre des migrants envoyés à la mort dans le désert.
Mais avec les développements en cours dans plusieurs pays, il y a de l’espoir que le projet originel puisse être ressuscité pour l’avènement d’une vraie CEDEAO des peuples, qui serait une des locomotives vers une vraie Afrique des peuples dont rêvaient le président Nkrumah et les autres pères-fondateurs de l’OUA ancêtre de l’Union africaine.
Demba Moussa Dembélé