Le Sénégal, une vitrine démocratique ? L’image est fortement partagée dans le pays et dans le reste du monde. Cette perception est imaginaire. Elle est même flatteuse. Elle ne correspond pas à la réalité de l’exercice de la souveraineté d’un peuple. Les révisions permanentes de la Constitution, les contestations des suffrages réellement exprimés par les citoyens électeurs, les décisions de justice rendues au nom du peuple suivant la raison d’État ou les intérêts du parti au pouvoir, le report des élections et le manque de respect notoire du calendrier électoral républicain, obéissant au bon vouloir des majorités parlementaires, ne relèvent point d’un simple jeu politicien entre les acteurs de la classe politique. Le peuple est quasi dépouillé de toutes ses prérogatives souveraines.
Le principe du gouvernement du peuple par et pour le peuple, c’est l’expression concentrée de la démocratie pluraliste et de l’exercice du pouvoir étatique. Elle est universelle. L’État post-colonial sénégalais a inscrit la gouvernance, le système démocratique et l’action politique dans cette perspective accordant au peuple, la souveraineté entière en matière de gouvernance des affaires publiques et du destin de la Nation. Il revient effectivement aux électeurs de choisir librement dans la transparence, le chef de l’État, ses représentants au Parlement, dans les Collectivités locales ou territoriales. La justice est rendue par l’État de droit au nom du peuple.
La trajectoire politique de la République du Sénégal obéit à cet esprit fondateur de la gouvernance de la République, une et indivisible. Le Sénégal jouit, depuis son indépendance, de ce préjugé démocratique fantasmé bien favorable à la "vitrine" démocratique dans le continent africain. Cette image partagée par les Sénégalais-s, par les partenaires traditionnels et par de nombreux partenaires techniques et financiers au chevet d’un pays malade, résulte de la stabilité des institutions républicaines post-coloniales, de la paix sociale entretenue entre les composantes sociologiques de la Nation et de l'esprit de la culture de dialogues politique, social, culturel, syndical entre le pouvoir étatique et les organisations représentatives des corps socio-professionnels, d’un côté, et avec le pouvoir spirituel et traditionnel, de l’autre.
La controverse actuelle réintroduisant un troisième mandat présidentiel au cœur du débat politique témoigne, si besoin en est, de ce malaise constitutionnel persistant. Les contestations régulières des résultats des élections nationales et locales se conjuguent à ces révisions épisodiques de la charte fondamentale du pays. La dernière présidentielle de février 2019 constitue un autre exemple d’entorses démocratiques.
Au-delà de l’épreuve de force de la majorité imposant une loi électorale à quelques mois d’une élection aussi importante qu’une présidentielle, il y a évidemment les conditions chaotiques de l’organisation du scrutin présidentiel, son déroulement et les mécanismes de publication des résultats. Le Sénégal est pratiquement retourné à l’époque des grandes controverses électorales des années 1980-1990. Jamais la justice sénégalaise n’aura été si fortement remise en cause dans son indépendance du pouvoir exécutif et des influences politiques partisanes. Le report des élections nationales ou locales s’est transformé, lui, en un exercice favori des détenteurs du pouvoir de décision.
Ces différents mécanismes ont fini par dépouiller le peuple sénégalais des attributs de sa souveraineté. Les électeurs ont pris conscience de cette réalité imposée par les acteurs politiques. Ils se confinent à aller voter démocratiquement les révisions constitutionnelles. Ils désignent à l’occasion des représentants au Parlement et au niveau des Collectivités locales. Le reste de la gouvernance, est le cadet des soucis des populations. Elles n’ont jamais choisi leurs représentants. Le parti-État a arraché cette prérogative de désignation et de gouvernance du peuple par le peuple. Le comportement du peuple souverain, laissant les politiques décider à sa place depuis des décennies, est le produit naturel de l’exercice du pouvoir étatique par des intérêts de groupes interchangeables. La transhumance politique illustre ce jeu de dupes des acteurs politiques. On transhume pour se protéger.
Dès l’avènement d’un changement de régime, des pans entiers de l’ancien pouvoir rejoignent le camp présidentiel de la majorité. Cette logique de reproduction du pouvoir étatique par l’élargissement des bases électorales clientélistes du parti majoritaire et de préservation des intérêts de groupes, a désorienté plus d’un électeur, singulièrement les plus jeunes. Les électeurs ne croient plus aux hommes politiques, aux promesses électorales et à la souveraineté fictive du peuple. Le pouvoir n’émane guère du peuple. Il ne sert, non plus, les intérêts de la majorité des citoyens. La "vitrine" démocratique perd ainsi, sa raison d’être, son cachet citoyen et populaire. Elle sert désormais à mobiliser de l’argent de la finance internationale, celui des partenaires techniques et financiers, et à s’enrichir sur le dos du peuple somnolant d’une élection à l’autre.
Mamadou SY Albert
Le principe du gouvernement du peuple par et pour le peuple, c’est l’expression concentrée de la démocratie pluraliste et de l’exercice du pouvoir étatique. Elle est universelle. L’État post-colonial sénégalais a inscrit la gouvernance, le système démocratique et l’action politique dans cette perspective accordant au peuple, la souveraineté entière en matière de gouvernance des affaires publiques et du destin de la Nation. Il revient effectivement aux électeurs de choisir librement dans la transparence, le chef de l’État, ses représentants au Parlement, dans les Collectivités locales ou territoriales. La justice est rendue par l’État de droit au nom du peuple.
La trajectoire politique de la République du Sénégal obéit à cet esprit fondateur de la gouvernance de la République, une et indivisible. Le Sénégal jouit, depuis son indépendance, de ce préjugé démocratique fantasmé bien favorable à la "vitrine" démocratique dans le continent africain. Cette image partagée par les Sénégalais-s, par les partenaires traditionnels et par de nombreux partenaires techniques et financiers au chevet d’un pays malade, résulte de la stabilité des institutions républicaines post-coloniales, de la paix sociale entretenue entre les composantes sociologiques de la Nation et de l'esprit de la culture de dialogues politique, social, culturel, syndical entre le pouvoir étatique et les organisations représentatives des corps socio-professionnels, d’un côté, et avec le pouvoir spirituel et traditionnel, de l’autre.
La controverse actuelle réintroduisant un troisième mandat présidentiel au cœur du débat politique témoigne, si besoin en est, de ce malaise constitutionnel persistant. Les contestations régulières des résultats des élections nationales et locales se conjuguent à ces révisions épisodiques de la charte fondamentale du pays. La dernière présidentielle de février 2019 constitue un autre exemple d’entorses démocratiques.
Au-delà de l’épreuve de force de la majorité imposant une loi électorale à quelques mois d’une élection aussi importante qu’une présidentielle, il y a évidemment les conditions chaotiques de l’organisation du scrutin présidentiel, son déroulement et les mécanismes de publication des résultats. Le Sénégal est pratiquement retourné à l’époque des grandes controverses électorales des années 1980-1990. Jamais la justice sénégalaise n’aura été si fortement remise en cause dans son indépendance du pouvoir exécutif et des influences politiques partisanes. Le report des élections nationales ou locales s’est transformé, lui, en un exercice favori des détenteurs du pouvoir de décision.
Ces différents mécanismes ont fini par dépouiller le peuple sénégalais des attributs de sa souveraineté. Les électeurs ont pris conscience de cette réalité imposée par les acteurs politiques. Ils se confinent à aller voter démocratiquement les révisions constitutionnelles. Ils désignent à l’occasion des représentants au Parlement et au niveau des Collectivités locales. Le reste de la gouvernance, est le cadet des soucis des populations. Elles n’ont jamais choisi leurs représentants. Le parti-État a arraché cette prérogative de désignation et de gouvernance du peuple par le peuple. Le comportement du peuple souverain, laissant les politiques décider à sa place depuis des décennies, est le produit naturel de l’exercice du pouvoir étatique par des intérêts de groupes interchangeables. La transhumance politique illustre ce jeu de dupes des acteurs politiques. On transhume pour se protéger.
Dès l’avènement d’un changement de régime, des pans entiers de l’ancien pouvoir rejoignent le camp présidentiel de la majorité. Cette logique de reproduction du pouvoir étatique par l’élargissement des bases électorales clientélistes du parti majoritaire et de préservation des intérêts de groupes, a désorienté plus d’un électeur, singulièrement les plus jeunes. Les électeurs ne croient plus aux hommes politiques, aux promesses électorales et à la souveraineté fictive du peuple. Le pouvoir n’émane guère du peuple. Il ne sert, non plus, les intérêts de la majorité des citoyens. La "vitrine" démocratique perd ainsi, sa raison d’être, son cachet citoyen et populaire. Elle sert désormais à mobiliser de l’argent de la finance internationale, celui des partenaires techniques et financiers, et à s’enrichir sur le dos du peuple somnolant d’une élection à l’autre.
Mamadou SY Albert