Chronique d’Albert : La fin des chefs tout puissants du Benno

Jeudi 16 Mai 2019

La seconde alternance politique survenue en mars 2012 a initié un mode de cooptation des responsables de la Coalition soutenant l’action du Président de la République, Macky Sall. Ce dernier a intelligemment noué un mécanisme quasi secret de désignation des Ministres, des Directeurs généraux et Pca et les députés avec les chefs des alliés. Les responsables soumis à cette logique prennent désormais conscience que la vassalisation des responsables a atteint ses limites au début du second mandat présidentiel. La révolte couve dans les rangs de tous les partis composant depuis près de 7 ans  le Benno Bokk Yaakaar.
 
 L’avènement du Président de la République, Macky Sall au pouvoir avait laissé croire à tort ou à raison, que la seconde alternance allait inscrire son action politique dans la dynamique de la rupture avec  les carences politiques de la première alternance. La rupture semblait  être ainsi une volonté partagée par tous les acteurs politiques et de la société civile ayant participé à la chute du pouvoir libéral. C’est probablement cet espoir  légitime et cette confiance à la parole donnée et nourrie par le  discours du changement du Président de la Coalition Macky 2000 et de l’Alliance Pour la République qui expliquent l’esprit fondateur du gouverner ensemble. Sept ans d’exercice du pouvoir républicain se sont passés.
 
Après avoir participé à la victoire du candidat du Benno Bokk Yaakaar en février 2019, de nombreux responsables du parti présidentiel et des partis alliés prennent conscience d’un jeu de dupes au sommet en ce qui concerne le partage du pouvoir et des privilèges. Certains sont coopés. D’autres attendent encore le fruit de l’effet de guerre. Les frustrations remontent progressivement en surplace. Les dirigeants et responsables socialistes ont le mérite de susciter ouvertement dans les espaces publics la colère noire de certains responsables socialistes contre le Secrétaire général du Parti Socialiste.
 
Ils  sont  mécontents de la conduite du chef des socialistes dans la désignation des Ministres représentant le quota socialiste dans la nouvelle équipe gouvernementale. Le refus d’accepter la reconduction des représentants des socialistes au gouvernement tout au long du premier mandant de sept ans est au cœur de cette révolte militante. Quels ont été les critères de choix des Ministres socialistes ? Pourquoi reconduire les mêmes personnalités politiques ? D’autres Ministres potentiels socialistes ne devraient–ils pas aller siéger au gouvernement ?
 
Ces question et bien d’autres aussi pertinentes n’ont pas de réponses. L’absence de débat interne au sujet de gouverner ensemble, de concertation et de transparence dans les règles, critères de désignation des membres constituent en réalité la source de cette fronde ouverte. Le Parti présidentiel et la Coalition Macky 2000 vivent un climat de révolte contenue quasi identique. C’est le chef de parti et de la coalition qui désigne d’autorité sans consulter ceux-là mêmes qui l’ont porté au pouvoir en mars 2012.
 
L’Alliance des Forces de Progrès, la Ligue Démocratique et le Parti de l’Indépendance et du Travail traversent cette situation de contestation explosive  latente. Evidemment, les chefs des partis alliés mesurent le danger planant sur les épaules de tous les alliés au cours de ce mandat à peine amorcé. La reconduction du Candidat-Président du Benno ouvre en vérité une nouvelle page politique des alliances entre les alliés et le Président de la République en exercice. Elle suscite des angoisses existentielles dans les rangs de la majorité.
 
Le Président réélu a affiché à travers la révision du régime politique toute sa volonté de reprendre totalement en main son pouvoir décisionnel. La cooptation sous le mode du premier mandat est presque terminée. Elle sera moins opératoire. Les Ministres ne seront pas d’ailleurs aussi importants politiquement et électoralement, au regard du schéma de la gouvernance fast-track.
 
Dans ce sillage de recentrage du pouvoir et du partage des responsabilités, les partis alliés poursuivent le gouverner ensemble et acceptent la suprématie présidentielle dans les choix à des fonctions civiles et militaires. Ce consensus du Benno dépendra de l’ampleur de la colère contre la subordination et la vassalisation des responsables des partis alliés. Les postes ne vont guère infiniment contenir les révoltés et les frustrés.
 
Les prochaines élections locales représentent un véritable test des capacités des chefs de partis du Benno à maintenir l’unité de la coalition exerçant le pouvoir et à contenir les effets des frondes se dessinant à l’horizon des locales et des législatives. La radicalisation de certains responsables influents dans les régions, dans les départements, dans les communes et à l’étranger portera une menace sérieuse pour la majorité présidentielle. Le Benno peut éclater à tout moment à la base et /ou au sommet des hiérarchies politiques.
Mamadou Sy Albert
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