Chronique d’Albert : Le Sénégal des fantasmes volatiles

Mercredi 26 Juin 2019

Le Sénégal aspire naturellement  à l’émergence. Il rêve aussi, de son unité politique, multiculturelle et multiethnique. Il rêve de conquérir  pour la première fois de son histoire, le trophée de la coupe d’Afrique en juin-juillet 2019.
Ce rêve du développement, de l’épanouissement des citoyens sénégalais  et du renforcement de l’unité nationale et de la conquête de la coupe du continent noir, ne devrait point faire du Sénégal, un pays fantasmé, totalement coupé du niveau réel de son développement et de son sport.
 
L’émergence si chère au Président de la République, Macky Sall et sa majorité, est subitement absente du discours politique des gouvernants depuis la reconduction du candidat- Président à sa propre succession. C’est le temps des réalités. Le pouvoir est rattrapé par le Sénégal réel et sa gouvernance.
 
La prochaine loi des finances publiques  dessine entre ses lignes  les contours d’une période difficile pour le gouvernement avec la baisse du budget secrétant la hausse des prix de l’électricité et du carburant.
 
Les contrats pétroliers et gaziers au centre de l’affaire de Pétro-Tim et la sortie de la responsable de l’Ofnac mettant en exergue de nombreux dossiers en souffrance devant la justice, témoignent de l’ampleur des difficultés des pouvoirs publics à sortir le pays des difficultésdes pouvoirs publics et du marasme structurel ambiant.
 
La corruption rend quasi impossible l’avènement de la gouvernance sobre et vertueuse. Elle est massive par son ampleur. Elle est aussi structurelle puisque affectant à la fois la machine administrative et le pouvoir politique.
 
Le visage d’un Sénégal pacifique, de dialogue entre les acteurs politiques, entre les ethnies et  entre les religions,  est en train de céder de l’espace  à un autre  visage plus violent et plus conflictuel.
 
Les violences faites aux femmes, le meurtre au quotidien, la montée en puissance du grand banditisme à Dakar et à l’intérieur du pays, se conjuguent  à une fragilisation du pouvoir religieux et de l’unité nationale.
 
Jamais le Sénégal n’a été aussi menacé par des conflits internes à sa société. La menace terroriste n’est plus du domaine de l’imaginaire. Elle est au cœur d’une société profondément en crise en  rupture avec ses valeurs morales et éthiques.
 
La gouvernance de l’austérité tant redoutée dans le continent noir bien fragile économiquement et socialement est, désormais une des alternatives potentielles à la politique mise en œuvre durant le premier mandat.  Les gros investissements, l’endettement massif, les grands travaux et le soutien des sources de la finance mondiale, seront soumis à des conditionnalités davantage draconiennes.
 
La corruption se transformant en un cancer  dans  l’administration publique et  l’exercice du pouvoir étatique, est désormais un enjeu majeur  pour les bailleurs de fonds. Ils seront  plus exigeants. Le remboursement de la dette publique, les équilibres macro-économiques et les prix de grande consommation de masse et les subventions publiques, vont dépendre sans nul, des capacités réelles de lutte  contre la corruption et le remboursement hypothétique  du service de la dette.
 
Les fronts de cette lutte commune au gouvernement et ses partenaires techniques et financiers vont se focaliser probablement autour  de l’argent sale qui circule frénétiquement, les détournements des deniers publics et la mal gouvernance économique. Les partenaires techniques et financiers ne vont plus à n’en pas douter laisser le gouvernement continuer de fantasmer sur la croissance, l’état de santé financière du Sénégal  et l’émergence.
 
L’organisation de la  coupe d’Afrique en Egypte est évidemment une opportunité sportive de rêve pour  tout pouvoir  se pliant aux réalités de la gouvernance austère et de la lutte contre la corruption économique et politique.
 
Quand les autorités politiques, administratives et fédérales confondent toutefois, consciemment ou non, le rêve normal  et légitime de vouloir gagner le trophée continental de tout un peuple et l’état réel  des compétences et du niveau sportif  effectif de l’équipe nationale sénégalaise, il y a de quoi tirer  sur la sonnette d’alarme d’un fantasme. Un fantasme occulte toujours des faiblesses majeures.
 
L’histoire de notre onze national mérite d’être revisitée au même titre que l’histoire politique et économique dans le contexte de la compétition continentale du marché sportif. Ce dernier régi par des règles établies. Le Sénégal n’a pas encore gagné une seule coupe africaine.
 
En dépit du rang de l’équipe nationale dans l’échiquier africainet dans le classement mondial de la Fifa, des valeurs ajoutées de nos joueurs et de notre collectif, le Sénégal reste en retard sur les grandes équipes africaines.
 
Bien des équipes africaines sont plus titrées que le Sénégal. Certaines sont  plus compétitives que la nôtre, plus déterminées dans l’effort individuel et collectif permanent. D’autres sont  plus soudées et plus expérimentées dans les épreuves mentales, tactiques et organisationnelles.
 
Cette culture du foot de haut niveau fait défaut à notre équipe nationale. Et, ce n’est point en l’espace d’une préparation de quelques semaines, qu’une équipe nationale peut se construire et conquérir un trophée si disputé pour son prestige. Un pays, une nation, une République, une gouvernance et une équipe nationale sont, des  résultats d’un long processus historique complexe bâti sur le réel et non sur des fantasmes volatiles.
Mamadou Sy Albert
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