Chronique sociale : Serigne Touba a triomphé de fort belle manière de la mort !

Mardi 8 Octobre 2019

La vie sur terre est courte ! Il est rare de voir un homme vivre au-delà de cent cinquante ans. C’est dire que depuis la naissance de l’humanité à nos jours, des milliards d’hommes et de femmes sont partis rejoindre les cieux. Mais qui se souvient encore de quelques-uns de ces hommes ? La mémoire collective a déjà oublié jusqu’aux noms et souvenirs de dizaines de milliards d’individus.
 
Seule une infime minorité d’hommes et de femmes, arrivent à s’extirper de l’oubli et de l’anonymat pour entrer en plein dans la lumière ou dans la pénombre de l’histoire. Pour certains, c’est par la grande porte qu’ils y entrent pour n’en ressortir qu’illuminés d’une gloire éternelle ; d’autres y sont entrés par la petite porte et sont par la suite éclaboussés par des salissures. Lesquelles  finissent par les ranger dans les poubelles de l’histoire.
 
Tout compte fait, ce sont les œuvres et actes posés sur terre qui déterminent la place de chacun dans l’histoire. Et comme j’ai l’habitude de dire : l’histoire- la grande- sait être juste. Ceux ou celles qui se sont battus pour le triomphe des idéaux de justice, de fraternité, de solidarité, de compassion pour les faibles et les démunis, ceux là-ne meurent jamais.
 
Au contraire, la mort physique coïncide pour eux avec le début d’une nouvelle vie -que dis-je ?- d’une saga qu’historiens, journalistes, chercheurs de tous bords vont exhumer pour les offrir en modèles et repères aux jeunes générations présentes et futures. Et c’est cela qui fait le charme de l’histoire. Elle sait rendre justice aux hommes et femmes d’exception qui ont consacré leur vie au service des hommes. De tous les hommes !
 
Et la preuve par quatre de ma proposition en supra, ce témoignage rapporté par Béchir Ben Yahmed, dans son ouvrage : Ce que je crois, les années d’espoir (1960-1979), 1989 JA PRESS : « Qu’il repose dans une tombe anonyme ou qu’il se soit une fois de plus échappé pour faire surface ailleurs, cet homme brave mérite respect et honneur ». L’auteur de ces lignes est un américain, éditorialiste du New York Times. L’homme dont il parle est évidemment « Che »  Guevara, l’ennemi numéro 1 des Etats – Unis. »
 
Qui aurait pensé un seul instant que l’un des journaux les plus réputés, les plus puissants, les plus sérieux, se fendrait d’un éditorial pour rendre un hommage mérité à celui qui, il n’y a pas si longtemps, était considéré comme un pestiféré ? Tout cela pour dire…
 
Pour revenir chez nous, disons que le Sénégal peut s’enorgueillir de compter parmi ses fils, un homme comme Serigne Touba, pétri des valeurs humanistes les plus élevées. Il a su, par un courage inébranlable, s’opposer à la puissance coloniale dont l’entreprise savamment menée devait aboutir à terme à une réification des populations sous sa domination. Et ce n’est pas là, le seul mérite de cet homme, multidimensionnel. Très tôt, il a su se détacher des mondanités terrestres. Dans son livre qu’il a consacré à Cheikh Ahmadou Bamba, le professeur Iba Der Thiam (IDT), rappelle ces faits qui révèlent la grandeur et le détachement de l’homme par rapport aux biens de ce bas monde. Au décès de son père, Mor Anta Saly, nous dit IDT, une délégation composée de notables et de dignitaires religieux vint voir le saint homme pour le convaincre d’accepter le poste de Cadi, laissé vacant par son père. Il déclina poliment mais fermement cette offre alléchante, faisant comprendre à ses interlocuteurs qu’il n’était pas intéressé par les choses de ce bas monde.
 
Ces faits rapportés par l’historien, IBD, trouvent leur confirmation dans cette publication où l’auteur a recueilli quelques-uns des messages pédagogiques, philosophiques, religieux, délivrés par Serigne Touba. On lit à la page 109 du livre CHEIKH AHMADOU BAMBA, VIATIQUES, Unicité de DIEU – Jurisprudence - Soufisme, ces mots  : « Ils m’ont dit : « Tourne-toi vers la porte des rois, tu bénéficieras en permanence de toutes les faveurs ; je leur ai répondu : « Mon seigneur me suffit et je me contente de sa proximité. Je ne me préoccupe que de la science et de la religion. » Traduction et commentaires, Alla Dieng, ancien responsable du Dahira des Etudiants mourides.
 
Convenez-en avec moi qu’il faut être très fort moralement et psychologiquement pour tenir un discours de ce genre. Mais l’homme qui savait tenir tête et se faire respecter n’était pas n’importe qui : il était taillé dans l’étoffe des dieux. Oui, le saint homme Bamba était différent de bon nombre de ses contemporains. Sa stature morale et intellectuelle dépassait de loin celle de la plupart de ses concitoyens et cela, il en était conscient. Suivons ces éclairages que monsieur Mbaye Ndiaye ( MN), homme policé et d’une grande urbanité, ancien proviseur du lycée de Diass et actuellement directeur de l’école privée «Les Praticiens», a bien voulu m’apporter : « Serigne Touba a dit quelque part : «Ma vie est certes courte, mais elle est longue parce que bien remplie.». Et le professeur MN d’ajouter que le saint homme a très tôt compris que l’être humain ne doit avoir pour préoccupation que la recherche infinie de Dieu pour mieux le connaître et s’y intégrer, c'est-à-dire être en symbiose avec Dieu.
 
Et nul ne doute que le vénéré Bamba était en symbiose avec Dieu. Et c’est parce qu’il était en symbiose avec le Ciel, que le Ciel lui a tout donné. Serigne Touba laisse à l’humanité entière, un héritage spirituel, moral, philosophique, social à même de lui permettre de faire face aux multiples chocs ravageurs qui menacent la survie même de l’espèce humaine. Il a su, par la pensée et l’action, enrichir la famille humaine. Il ne s’est pas arrêté là : il a, par le pardon, cherché à réconcilier la terre des vivants. Pour tout cela, l’homme est devenu un patrimoine dont l’humanité gagnerait à visiter et à revisiter l’œuvre.
 
Le mot de la fin, je vais l’emprunter à un brillant poète, Léopold Sédar Senghor : « Il faut attaquer la mort sur son propre terrain, le terrain de l’existence : exister dans la mémoire des hommes. ». Et Serigne Touba qui savait lire l’histoire-il en avait une bonne lecture-a compris très vite que tout est vanité si elle n’est adossée à la logique de vérité, de dignité et de grandeur d’âme.
 
Par son refus de l’arbitraire, de l’injustice, mais aussi et surtout de par ses enseignements qui surfent dans la générosité, l’altruisme, la longanimité, Serigne Touba vit et vivra dans la mémoire des hommes jusqu’à la fin des temps. A suivre…
Madi Waké Touré -
tmadi70@yahoo.fr
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