Club citoyen pour la paix et la justice : « La question de l'extradition de l'ancien président Macky SALL et de ses complices reste centrale » (lettre ouverte au président Diomaye Faye)

Mercredi 22 Janvier 2025

L'ancien président sénégalais Macky Sall, exilé à Marrakech (Maroc) depuis avril 2024

Monsieur le Président, 

 

« Il ne saurait y avoir d’État de droit sans une justice forte et indépendante, ni de développement sans une justice garante de prévisibilité et de sécurité, ni de paix sans une justice efficace et digne de ce nom. » (Abdou Diouf, Passion francophone, Bruxelles, Bruylant, 2014).

 

Suite à notre première lettre ouverte datée du 24 juillet 2024, nous souhaitons de nouveau porter à votre attention les attentes légitimes de nombreux Sénégalais concernant la justice, la réconciliation nationale et le respect des droits fondamentaux.

 

Nous, membres du Club Citoyen pour la Justice et la Paix, basé à Bordeaux (France), vous adressons cette lettre dans un esprit constructif pour réitérer notre appel à une justice équitable et impartiale.

 

Nous reconnaissons les efforts entrepris par votre administration pour répondre aux défis auxquels le Sénégal fait face, notamment les réformes annoncées en faveur de l'indépendance judiciaire, de la lutte contre la corruption et d’une enveloppe de 5 milliards de FCFA pour l’indemnisation des victimes des manifestations politiques.

 

Ces initiatives traduisent une volonté de rompre avec certaines pratiques du passé et de bâtir un État de droit solide.

 

L'annonce de l'abrogation prochaine de la loi d'amnistie offre une occasion unique de restaurer la justice dans notre pays. Cependant, le chemin vers une justice et une paix durable reste semé d'obstacles, et des actions supplémentaires et décisives équitables sont nécessaires.

 
LIRE : Sénégal - La Haute cour de justice revient au grand galop pour…l’ancien régime, Macky Sall doit-il s’inquiéter ?
 

Monsieur le Président, l'extradition de l'ancien président Macky SALL et de ses complices serait un acte fort démontrant que la justice est une valeur universelle qui transcende les intérêts partisans. Ce geste, aligné sur vos engagements envers la souveraineté judiciaire et la réconciliation nationale, manifesterait votre détermination à bâtir un Sénégal uni, fondé sur la vérité et le respect des droits fondamentaux.

 

Sous la présidence de Macky SALL, plusieurs actes graves relèvent de la haute trahison et de violations flagrantes des droits humains, voire de crimes contre l’humanité, marquant une dérive autoritaire sans précédent au Sénégal.

 

Macky SALL a orchestré un recours excessif à la violence, avec des forces de sécurité, causant la mort de plus de 80 personnes entre mars 2021 et février 2024. Il a détourné la justice et le parlement pour en faire des instruments à son service, anéantissant leur indépendance et sapant les fondements de l'État de droit. Plus de 1 000 opposants, journalistes, militants et candidats à l'élection présidentielle ont été arrêtés arbitrairement entre 2021 et 2023.

 

Pourquoi l’extradition est essentielle ?

 

Le principe de responsabilité et d’équité

 

Monsieur le Président, en écho à votre détermination à restaurer la justice et la dignité des victimes, l’extradition de Macky SALL permettrait de montrer que personne, même au sommet de l’État, n’est au-dessus des lois.

 

L’abrogation de la loi d’amnistie, comme promis par votre gouvernement, doit ouvrir la voie à des procédures judiciaires claires et transparentes contre ceux qui ont abusé de leur pouvoir.

 

Par ailleurs, cette initiative offre également l'occasion d'établir un Statut Pénal précis et adapté pour le Président de la République, assurant la responsabilité des plus hauts dirigeants tout en préservant l'intégrité des institutions.

 

Cet acte symboliserait non seulement une rupture avec les pratiques du passé, mais aussi une volonté de promouvoir un État de droit respecté par tous, sans distinction de rang ou de statut.

 

« …Si la notion d’État de droit correspond à une soumission de l’État au droit, alors le premier principe protecteur de cette conception de la modernité démocratique est celui de la légalité. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l’équité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs.
 

Or, l’ancien président de la République qui est d’un point de vue juridique considéré comme un citoyen comme les autres, est sur le continent africain un citoyen protégé et privilégié. Il bénéficie d’un statut particulier qui le protège contre toutes les poursuites judiciaires des crimes qu’il aurait commis avant, pendant et après l’exercice de ses fonctions.
 

L’observation révèle que les pratiques politiques et constitutionnelles sont souvent en décalage avec les principes du constitutionnalisme, de l’État de droit et s’alimentent par l’impunité institutionnalisée. » (Jean-Michel OLAKA, Le statut judiciaire de l’ancien président de la République en Afrique noire francophone entre frein ou consolidation de l’État de droit).

 

Pour assurer que les futures responsabilités des chefs d’État soient clairement définies, nous vous proposons d’établir un cadre juridique similaire à ceux adoptés dans d’autres pays.

 

En Afrique du Sud, l’article 89 prévoit que le Parlement peut démettre le Président pour des violations graves de la loi.
 

En Corée du Sud, la constitution garantit que le président peut être destitué pour violation de la loi, abus de pouvoir ou corruption.


L'article 101 de la Constitution sénégalaise confère au président une immunité presque totale pendant son mandat.

 

Pour renforcer la transparence et la responsabilité institutionnelle, il serait judicieux d'envisager une réforme permettant aux futurs présidents d'être jugés par des tribunaux ordinaires ou un procureur spécial.

 

Renforcer la crédibilité de la justice sénégalaise

 

En poursuivant Macky SALL, le Sénégal montrerait au monde entier que ses institutions judiciaires sont souveraines et impartiales.

Cet acte renforcerait l’image d’un pays où la justice prévaut sur les intérêts partisans, attirant ainsi davantage de confiance, tant au niveau national qu’international.

 

Nous vous proposons de vous référer à la convention de coopération judiciaire, d'exécution des jugements et d'extradition entre la République du Sénégal et le Royaume du Maroc, où réside actuellement Macky SALL avec sa famille.

 

Cette convention a été signée à Rabat le 3 juillet 1967 et ratifiée par le Maroc le 19 décembre 1968. Le Sénégal a autorisé la ratification de cette convention par la loi n° 1968/18 du 14 juin 1968. Une telle démarche serait un symbole fort de solidarité entre nations africaines, en faveur de la justice et de la lutte contre l’impunité.


LIRE : Sénégal - La Haute cour de justice revient au grand galop pour…l’ancien régime, Macky Sall doit-il s’inquiéter ?
 

Il est également possible d’explorer les mécanismes du droit international public pour traiter cette question, notamment en s’appuyant sur les normes de la justice internationale pour juger des crimes graves.

 

Nous appelons toutefois à l'ouverture d'un dialogue diplomatique entre les pays partenaires pour garantir que l’extradition de Macky SALL soit traitée dans le respect des normes internationales, tout en assurant une procédure équitable.

 

La Haute Cour de Justice constitue le cadre idéal pour garantir un procès équitable à Macky SALL, en conformité avec nos lois nationales et les standards internationaux.

 

Pour accompagner cette extradition, nous recommandons :

 

La création d’une Commission Vérité et Réconciliation
 

Cette commission, composée de représentants des victimes, d’experts juridiques et de la société civile, pourrait examiner les faits et formuler des recommandations à la justice. Elle serait une plateforme essentielle pour entendre les témoignages et poser les jalons d’une paix durable.

 

Un engagement à une justice impartiale
 

Pour assurer que ce processus ne soit pas perçu comme une « chasse aux sorcières », nous demandons la mise en place de garanties équitables, notamment la nomination d’un juge des libertés et de la détention pour superviser toutes les procédures.

 

Le devoir d’agir maintenant

 

Excellence ! Monsieur le Président, l’extradition de Macky SALL représenterait un tournant historique pour le Sénégal. Elle incarnerait votre volonté de tourner la page des divisions passées et de construire un avenir basé sur la justice, la réconciliation et le respect des droits fondamentaux. De plus, l’adoption d’un Statut Pénal clair pour les présidents renforcerait les bases d’un État de droit solide et équitable.

 

Nous restons disponibles pour collaborer avec les institutions publiques et la société civile afin d’accompagner ces processus et d’assurer leur succès.

 

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.

 

CLUB CITOYEN POUR LA JUSTICE ET LA PAIX

La présidente

Mme NDIAYE Bigué

Ingénieure de Systèmes QHSE

clubcjp@gmail.com

 
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