Le principal parti d’opposition de Corée du Sud est en passe de remporter une large victoire lors des élections législatives de mercredi, les sondages à la sortie des urnes indiquant qu’il a accru sa majorité, un coup dur pour le président conservateur Yoon Suk Yeol.
Le résultat, s’il est confirmé, mettra M. Yoon en très mauvaise posture pour les trois années restantes de son mandat, et pourrait même ouvrir la voie à sa destitution.
Le Parti démocrate (centre gauche) de Lee Jae-myung – grièvement blessé il y a trois mois dans une attaque au couteau – et ses alliés ont remporté jusqu’à 197 sièges sur 300, selon ces sondages, contre 156 lors de la dernière législature.
Le Parti du pouvoir au peuple (PPP) de M. Yoon et un parti allié devraient obtenir pour leur part entre 85 et 99 sièges, au lieu de 114.
Tous les partis d’opposition réunis pourraient même avoir obtenu une « super-majorité » de 200 sièges sur 300, suffisante pour contrer le droit de veto du président Yoon, voire pour le destituer.
L’un de ces partis est Reconstruire la Corée, fondé il y a quelques semaines par l’ancien ministre de la justice Cho Kuk, visé par des accusations de corruption qu’il nie, et qui, selon les sondages, aurait obtenu entre 12 et 14 sièges.
« Le peuple a gagné »
« Le peuple a gagné, la volonté de juger Yoon Suk Yeol est très claire », a déclaré M. Cho après le vote, ont rapporté les médias locaux.
Pour l’analyste politique Yum Seung-yul « les chiffres d’aujourd’hui montrent la forte colère des gens contre Yoon pour ses deux années de gouvernance ».
« Et s’il ne changeait pas, même avec ce résultat édifiant aux élections ? Je pense qu’il y aura encore plus de colère publique et cela m’inquiète », a-t-il ajouté auprès de l’AFP.
Ces sondages ont été réalisés par les trois principales chaînes de télévision sud-coréennes auprès de quelque 360 000 électeurs à travers le pays.
Élu de justesse en 2022 face à M. Lee, M. Yoon a mené une politique de fermeté à l’égard de la Corée du Nord tout en renforçant l’alliance de son pays avec les États-Unis et en se rapprochant du Japon, ancienne puissance coloniale avec laquelle les querelles historiques sont nombreuses.
Mais l’absence de majorité parlementaire l’a déjà empêché de mettre en œuvre son programme de droite, et depuis le début de sa présidence, sa cote de popularité n’a jamais décollé, restant souvent autour de 30 %.
Lee Jae-myung, englué dans une série d’enquêtes pour corruption qu’il estime motivées par des considérations politiques, peut désormais savourer sa revanche, obtenue au terme d’une campagne électorale ultrapolarisée et haineuse. Le résultat du scrutin le met en bonne position pour retenter sa chance à la présidentielle de 2027, comme tout le monde lui en prête l’intention.
« Je regarderai le choix du peuple avec un cœur humble », a déclaré M. Lee après le vote, cité par les médias locaux.
À l’Assemblée nationale à Séoul, où les députés et autres responsables se sont rassemblés mercredi pour la soirée électorale, l’humeur était sombre dans les rangs du PPP, tandis que des cris de joie et des applaudissements fusaient du côté des démocrates.
La démographie jouait pourtant en faveur de M. Yoon, les électeurs âgés de plus de soixante ans, réputés plus conservateurs, étant plus nombreux que ceux dans la vingtaine ou dans la trentaine. Ces derniers se disent largement découragés par une classe politique dominée par des hommes âgés qui ignorent leurs préoccupations telles que le coût du logement ou la précarité de l’emploi.
Beaucoup estiment que ce travers a été mis en évidence de façon flagrante lors de la tragique bousculade de Halloween à Séoul en octobre 2022 qui avait fait plus de 150 morts, essentiellement des jeunes. Le drame a été imputé à une cascade de négligences de la part des autorités.
« Emprisonner » et « punir »
« Les gens autour de moi s’intéressent nettement moins à ces élections que la dernière fois. Je pense que c’est parce qu’ils se sentent plutôt déçus », a relevé Kim Yong-ho, 24 ans, propriétaire d’une entreprise, à l’extérieur d’un bureau de vote dans le district de Gwangjin, à Séoul.
Le ton de la campagne a également rebuté de nombreux électeurs. Le débat politique de fond a été inexistant, remplacé par des appels à « emprisonner » M. Lee ou à « punir » M. Yoon, des discours haineux et une désinformation en ligne qui, redoutent les experts, pourrait conduire à d’autres agressions physiques comme celle dont M. Lee a été victime en janvier.
« J’ai vraiment honte de la politique et du gouvernement de notre pays », souffle Kim Do-kyung, 47 ans, militante pour les femmes migrantes et leurs enfants. [AFP]