Corruption et trafic d'influence: Sarkozy renvoyé en correctionnelle dans l'affaire des "écoutes"

Vendredi 30 Mars 2018

PARIS (Reuters) - Nicolas Sarkozy, soupçonné d’avoir cherché à obtenir d’un haut magistrat des informations confidentielles en échange de son intervention pour une nomination, est renvoyé devant un tribunal correctionnel pour corruption active et trafic d’influence.

Selon une source proche du dossier, qui a confirmé jeudi des informations du Monde, un avocat de l’ancien chef de l’Etat, Thierry Herzog, et l’ex-avocat général à la Cour de cassation Gilbert Azibert, sont aussi renvoyés en correctionnelle, comme demandé par le Parquet national financier.

Nicolas Sarkozy, dont un recours en nullité de cette procédure doit être examiné le 25 juin par la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, a aussitôt fait savoir par ses avocats qu’il contestait ce renvoi, le second après celui pour l’affaire Bygmalion lié au financement de sa campagne électorale de 2012.

La corruption, passive ou active, est passible d’une peine maximum de 10 ans de prison et d’une amende de 150.000 euros. Le trafic d’influence peut être puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500.000 euros.

Cette affaire dite des “écoutes” est le fruit d’un concours de circonstances.
La justice avait fait placer deux téléphones utilisés par l’ex-chef de l’Etat sur écoute en septembre 2013, dans le cadre d’une enquête sur des accusations de financement libyen de sa campagne électorale en 2007, pour lesquelles il a été mis en examen et sous contrôle judiciaire le 21 mars.
  DES ÉCOUTES ILLÉGALES ?
Les enquêteurs étaient ainsi tombés sur des conversations entre Nicolas Sarkozy, qui utilisait alors le pseudonyme “Paul Bismuth”, et Me Herzog.

Ces écoutes avaient révélé que les deux hommes étaient bien renseignés sur la procédure alors en cours devant la Cour de cassation dans une autre affaire dans laquelle Nicolas Sarkozy était alors visé : des soupçons d’abus de faiblesse aux dépens de la milliardaire Liliane Bettencourt, affaire pour laquelle il a finalement bénéficié d’un non-lieu.

La justice, qui s’appuie aussi sur d’autres écoutes impliquant Thierry Herzog et Gilbert Azibert, soupçonnent l’ex-chef de l’Etat d’avoir échangé avec ce dernier des informations sur cette procédure contre la promesse d’un coup de pouce à sa promotion à Monaco.

Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog ont dénoncé des écoutes illégales et l’ancien chef de l’Etat a déposé le 3 novembre 2017 auprès de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel une requête en nullité de cette procédure.

Aussitôt connue la nouvelle de son renvoi devant un tribunal correctionnel, ses avocats Pierre Haik et Jacqueline Laffont ont fait savoir dans un communiqué qu’il ferait “valoir ses droits” en saisissant la chambre de l’instruction.

Ils s’insurgent contre le fait que Nicolas Sarkozy ait eu connaissance pratiquement en même temps de ce renvoi et de sa convocation le 25 juin par la chambre de l’instruction pour examiner sa requête en nullité.
  “INCONGRUITÉ
“Est-ce parce que Nicolas Sarkozy est partie à la procédure qu’une telle incongruité judiciaire est possible ? Est-ce parce que les deux magistrats anticipent un rejet du recours avant même que la chambre d’instruction ait statué ?” demandent-ils.

Ils mettent aussi en cause une des deux juges d’instruction chargées de cette affaire, Claire Thépaut.

Selon eux, celle-ci avait adressé à Nicolas Sarkozy, le 9 juin 2016, un courrier dans lequel elle disait renoncer, “dans un souci d’apaisement”, à participer à toute acte d’instruction concernant l’ancien chef de l’Etat.

Nicolas Sarkozy, qui reproche à cette magistrate son appartenance au Syndicat de la magistrature, classé à gauche, et met en doute son impartialité, avait demandé qu’elle soit récusée, une demande rejetée.

Ses avocats demandent comment elle peut aujourd’hui signer l’ordonnance de renvoi de leur client en correctionnelle “après n’avoir plus participé à aucun acte d’instruction” depuis juin 2016. “Chacun est libre d’apprécier l’incongruité d’une telle situation”, écrivent-ils dans leur communiqué.

Ils concluent en assurant que Nicolas Sarkozy “ne doute pas, qu’une fois encore, la vérité finira par triompher”.

A droite, où le renvoi en correctionnelle de l’ancien président pour le présumé financement libyen de sa campagne de 2007 a été vivement critiqué, l’annonce de ce deuxième procès potentiel a suscité des commentaires acides.
 
Olivier Marleix, député Les Républicains et proche de Nicolas Sarkozy, à dénoncé “une débauche d’énergie pour des faits grotesques à l’heure où tous nos moyens judiciaires devraient être consacrés à lutter contre le terrorisme”.
 
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