Corruption présumée dans le dossier Petro Tim: La NCA de Londres et l’ONU pointent le bout du nez

Vendredi 19 Janvier 2018

Le limogeage brutal de Nafi Ngom Keïta de la présidence de l’Ofnac après la publication du premier rapport (explosif) de l’Office anti-corruption sénégalais a permis au chef de l’Etat de circonscrire l’incendie qui menaçait immédiatement parents et alliés. Mais le feu continue de couver sous la cendre avec les gros nez de la NCA (National Corruption Agency) anglaise et de l’Onu (par l’entremise d’un de ses organes) fourrés dans les scandales présumés qui ceinturent le dossier Petro Tim.


Aliou Sall, ex-gérant de Petro Tim (photo Le Monde)
Par Momar DIENG
 
L’affaire Petro Tim, on n’en parle même plus, ou si rarement. La fameuse capacité d’oubli qui frapperait les Sénégalais semble avoir relégué aux oubliettes un dossier à travers lequel de nombreux acteurs de la vie politique, sociale et économique sénégalaise ont vu une grande débauche de corruption et de saccage des intérêts fondamentaux du Sénégal.
 
La plainte qui aurait été déposée par le duo Frank Timis-Aliou Sall devant les tribunaux dakarois et dont on se demande encore ce qu’il en est advenu semble avoir neutralisé certains des contempteurs des responsables de Timis Corporation/Petro Tim Ltd/Petro Tim Sénégal ou ce qui en reste après la dissolution de certaines de ces entités.
 
Cependant, en toile de fond, cette affaire est loin d’être classée. En démettant brutalement l’inspectrice générale d’Etat Nafi Ngom Keïta de la présidence de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), le Président Macky Sall avait certes éteint le feu qui commençait à embraser les alentours de la «maison Timis» et de ses occupants de luxe.
 
Au passage, et en termes d’avantages collatéraux, il sauvait même des pensionnaires de la «maison Apr» épinglés pour corruption et détournements de deniers publics par l’Ofnac dans son premier rapport d’activités depuis le changement de pouvoir en 2012. Mais le feu couve sous les cendres ! 
 
C’est peut-être cela une des explications pertinentes pour comprendre l’attitude du président de la République à l’endroit de l’ex patronne de l’Ofnac dont le mandat n’a pas été renouvelé. En avril 2016, une réunion par vidéoconférence a eu lieu sur la ligne Londres-Dakar entre des responsables de l’Ofnac, d’une part, et des émissaires de l’Unité internationale de lutte contre la corruption (ICU), le bras extérieur de la National Corruption Agency (NCA). L’ICU est l’organisme officiel en charge de la lutte anti-corruption au niveau mondial et des infractions connexes liées au blanchiment d’argent.
 
«Dossier fouillé» sur l’affaire Petro Tim
 
A cette occasion, l’Ofnac et L’ICU avaient convenu de mettre en place des «possibilités» élargies de collaboration. En particulier, le premier chantier devait être l’affaire Petro Tim. A cet effet, les enquêteurs anglais ont demandé (et sans doute obtenu) «des informations précises» sur ledit dossier. Leurs homologues sénégalais de l’Ofnac avaient ainsi pris l’engagement de ficeler un rapport exhaustif et fouillé qui leur serait envoyé après validation.
 
Cette étape franchie, la NCA, maison-mère de l’ICU, apporterait son appui à l’Ofnac dans les investigations alors lancées par Nafi Ngom Keïta et ses équipes d’enquêteurs. Les Anglais justifiaient leur engagement par les enjeux multidimensionnels – économiques, financiers et sociaux - de la lutte contre la corruption, surtout dans les pays en développement comme le Sénégal.
 
Entre la NCA et l’Ofnac, la coopération était donc sur les rails pour mettre en place un programme de travail autour des nombreuses zones d’ombre de l’affaire Petro Tim, même si l’International Corruption Unit a des compétences bien définies en ce qui concerne ses investigations.
 
Le 12 mai 2016, l’Ofnac était invité au premier Sommet mondial contre la corruption organisé à Londres par l’ex Premier ministre britannique David Cameron, en présence de hauts représentants d’une quarantaine de pays. La délégation officielle du Sénégal était conduite par Aly Ngouille Ndiaye, alors ministre de l’Industrie et des Mines.
 
Pour les besoins de l’enquête sur Petro Tim, en plus de Londres, l’Ofnac s’était également rendue à New York, soit les deux plus grandes places financières mondiales, là où se serait jouée une (bonne ?) partie des transactions relatives à l’affaire précitée.
 
Nafi Ngom Keïta n’a pu aller au bout du projet de mener à terme les dossiers chauds de l’Ofnac concernant la corruption et la fraude dans certains rouages de l’administration sénégalaise. Elle aura juste eu le temps de soulever quelques bombes que l’Exécutif s’est empressé de vouloir enterrer. Le décret présidentiel – contesté – qui l’a démise de ses fonctions est passé par là.
 
Mais des organisations internationales suivent ces affaires là avec une grande attention sur la base de dossiers présumés solides. Au-delà des engagements du NCA, le Serious Fraud de Londres et le FCPA des Etats-Unis ont été également saisis de plaintes endossées par un collectif de citoyens sénégalais sur le même registre de la corruption. Prochainement, le boomerang ?
 
 
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