Coups d’Etat souverainistes au MALI, BURKINA, NIGER, et l’effondrement en cours de la françafrique, l’eurafrique et l’usafrique

Lundi 21 Aout 2023

Diagne Fodé Roland

La seconde phase de la libération nationale en Afrique prend des formes multiples et variées selon les néo-colonies. Si la Centrafrique a enclenché par la voie électorale la fissure dans le « pré-carré » françafricain, après le Mali, le Burkina Faso, c’est le tour du Niger d’emprunter le chemin du renversement par des militaires des régimes françafricain, eurafricain et usafricain. La longue marche vers la souveraineté anti-coloniale qu’avait préfigurée la révolution inachevée sankariste reprend un souffle nouveau dans le contexte de la crise de surproduction et de sur-accumulation du capitalisme à son stade suprême l’impérialisme et géopolitique de l’émergence des pays rescapés du camp socialiste et de nouvelles puissances capitalistes.
 
Des élections contestées mais adoubées par la CEDEAO, l’UA et les « experts » observateurs de la dite « communauté internationale » ont proclamé la victoire de Bazoum alors que beaucoup qualifiaient ce scrutin de « l’un des plus frauduleux de l’histoire électorale du Niger ». La « démocratie nigérienne » tant vantée par la presse impérialiste et néocoloniale se révèle ainsi être tout simplement le moyen de pérenniser le pouvoir françafricain du parti de Issoufou tout comme les alternances électorales le sont ailleurs entre les partis libéraux et sociaux libéraux néocoloniaux. C’est la technique de « changer pour ne rien changer » à l’oppression impérialiste qui rappelle l’essence même de la démocratie bourgeoise qui concède dans les textes de lois et les institutions les droits et libertés tout en préservant en acte le pouvoir des riches, des capitalistes au détriment des pauvres, des travailleurs et des peuples.
 
Le souverainisme et le multilatéralisme contre la mondialisation impérialiste occidentale
 
L’Afrique n’échappe pas au processus mondial qui oppose les peuples à l’exploitation capitaliste et à l’oppression impérialiste. L’expérience Sankara qui a précédé n’était qu’une prémisse de l’actuel réveil en cours des peuples africains de l’actuelle seconde phase de libération nationale. L’agression barbare infligée à la Libye au même moment que la sauvagerie de la capture à la manière des négriers d’antan du président Gbagbo en Côte d’Ivoire ensuite acquitté par la CPI n’ont fait qu’accélérer l’avènement au grand jour des processus souterrains souverainistes au sein des peuples africains écrasés par les diktats des plans libéraux prédateurs du FMI, de la Banque Mondiale, de l’OMC, de la dette usurière, des dévaluations de la monnaie coloniale CFA et des élections sans ou avec alternances qui « changent tout pour ne rien changer ».
 
La tactique d’occupation militaire du Sahel au nom de « la lutte contre le djihado-terrorisme » par la françafrique, l’eurafrique et l’usafrique s’est embourbée dans la contradiction inhérente au rapport d’alliés et d’adversaires réciproquement utiles entre les impérialistes et les fanatiques djihado-terroristes à l’échelle mondiale et entre libéraux et sociaux libéraux et les fascistes au sein même des métropoles impérialistes.
 
Au Niger, la simple lecture de certains rapports des officines impérialistes éclairent ce marché de dupes pour attrape-nigaud qui nous est vendu médiatiquement à longueur de journée tel que le rapporte le journal en ligne Afrique Asie : « Bazoum a commencé son règne en promettant de combattre les terroristes. Selon Africanews, il a déclaré lors de son investiture le 2 avril 2021 que “[leur] barbarie a dépassé toutes les limites“, ajoutant qu’”[ils] se livrent à des massacres à grande échelle de civils innocents et, ce faisant, commettent de véritables crimes de guerre“. Près d’un an plus tard, en mars 2022, l’AFP rapportait que “le Niger pousse à la paix en établissant des pourparlers avec les djihadistes“.
 
Ce rapport contient des détails troublants sur la nouvelle politique mise en œuvre par le président nigérien dans ce domaine. Il y est écrit que “le mois dernier, Bazoum a annoncé qu’il avait entamé des “discussions” avec des djihadistes dans le cadre de la “recherche de la paix“. Il a déclaré avoir libéré plusieurs militants et les avoir reçus au palais présidentiel. En 2016, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, il avait réussi à faire adhérer des dizaines de djihadistes de Boko Haram dans le sud-est du Niger à un programme combinant déradicalisation et formation professionnelle.” Financial Times britannique l’a même félicité pour cette politique et a cité des responsables occidentaux qui pensaient la même chose dans son article de juillet intitulé “Niger : le rempart de l’Occident contre les djihadistes et l’influence russe en Afrique“.
 
L’Institut sud-africain d’études de sécurité a noté dans son rapport d’avril de cette année que “les personnes interrogées ont déclaré à ISS Today que certains émissaires communautaires facilitant le contact avec les djihadistes n’étaient pas nécessairement les plus qualifiés. Elles ont déclaré que ceux qui jouissaient d’une plus grande crédibilité et d’une plus grande influence sociale avaient été mis à l’écart. Des préoccupations ont également été exprimées quant à la manière d’intégrer efficacement les anciens combattants dans les communautés après leur libération du centre d’Hamdallaye“.
 
The Economist a involontairement discrédité la réputation “antiterroriste” de Bazoum. Il est essentiel de garder à l’esprit ces soupçons crédibles lors de la lecture de l’article de The Economist du 1er août alléguant que “les fanatiques et les putschistes créent des États en faillite en Afrique de l’Ouest“, qui est payant mais peut être lu dans son intégralité ici. Voici les extraits les plus pertinents pour la présente analyse :
 
“Les djihadistes eux-mêmes ont utilisé la peur pour recruter, comme Moussa le sait bien. Son travail, dit-il, consistait à couper la tête des hommes qui refusaient de s’engager. Il porte la main à sa gorge pour souligner cet aveu macabre. Il ne se souvient pas exactement du nombre d’hommes qu’il a assassinés. Peut-être une dizaine, avance-t-il. Pourtant, Moussa a récemment abandonné le djihadisme, adoptant un plan de démobilisation soutenu par M. Bazoum, qui a promis que si les djihadistes renonçaient à la violence, ils pourraient “être réintégrés dans la société et dans l’économie”.
 
Le gouvernement a également été en contact avec Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM), une coalition affiliée à Al-Qaïda, explique Ibrahim Yahaya Ibrahim, du groupe de réflexion Crisis Group. Les commandants du JNIM “envoient des messages disant… nous ne vous attaquerons pas si vous ne nous attaquez pas“, dit-il. Le groupe a également demandé au gouvernement de libérer certains prisonniers, ce qu’il a fait. En rassemblant tous ces détails factuels accablants, il est irréfutable que Bazoum a reçu l’ordre de ses patrons occidentaux de s’allier avec Al-Qaïda et ISIS afin que ces deux organisations utilisent ensuite le Niger comme base pour déstabiliser les juntes militaires patriotiques du Mali et du Burkina Faso dans le cadre de leur guerre par procuration contre la Russie. Si l’invasion du Niger par la CEDEAO, soutenue par l’OTAN et menée par le Nigeria, est annulée, ses alliés terroristes devraient passer à l'offensive". Ces faits montrent à suffisance le double jeu permanent des bourgeoisies bureaucratiques néocoloniales et de leurs maîtres impérialistes françafricainn eurafricain et usafricain.
 
Mais l’enjeu qui se cache derrière ce double dans la prétendue « lutte contre le terrorisme » est largement éclairé par la pérennisation de la mainmise impérialiste sur les richesses minières, agricoles de l’Afrique. Au contraire du mensonge médiatique selon lequel l’uranium du Niger est moins important pour l’impérialisme français que celui du Canada et de l’Australie, ce grand donneur de leçon de « démocratie » françafricaine au Mali, au Burkina Faso, à la Guinée Conakry qu’est Bazoum abat, bien entendu, un silence tonitruant coupable sur le fait que « Les mines d’uranium du Niger sont principalement contrôlées par la société nucléaire française Orano (anciennement Areva). Elle extrait et exporte vers la France l’uranium qu’elle enrichit, traite, utilise et vend, avec des bénéfices accrus alors que les ventes d’uranium ne représentent que 1,2% du budget du Niger. Comme le disent les Nigériens : « Notre uranium illumine une grande partie de la France, alors que seulement 20 % des Nigériens ont l’électricité ».
 
Un autre élément crucial n’est jamais évoqué : le pétrole nigérien. L’oléoduc entre le Niger et le Bénin qui devrait être opérationnel dans les semaines à venir est un tournant majeur pour l’économie du pays. Niamey s’apprête à devenir un exportateur d’or noir plus important que Malabo » (tiré du site Histoire et Société/France).
 
La mafia françafricaine, eurafricaine, usafricaine soumise de la CEDEAO s’est lancée dans un ultimatum guerrier contre le peuple, l’État, la Nation nigérienne sous le slogan de « rétablir l’ordre constitutionnelle et la démocratie » alors que les peuples leur disent « balayer avant tout devant vos portes, vous qui bafouez au quotidien vos propres lois ». L’impérialisme français et Otano/US/UE en est réduit pour camoufler sa prédation des richesses africaines à la technique du singe à savoir « bombarder la Russie ou la Chine communiste de ses propres excréments » pour paraphraser Karl Marx.
 
Une guerre fratricide inter-africaine pour le compte de l’impérialisme occidental serait une tournant majeure dans l’affrontement interne dans chaque pays africain entre les camps néocoloniaux et patriotiques panafricains dont l’issue ne peut qu’être la défaite inexorable de la françafrique, l’eurafrique, l’usafrique. Les peuples expriment déjà fortement leur opposition à la servilité de la CEDEAO guerrière, mais aussi les Etats patriotiques comme le Mali, le Burkina, la Centrafrique.
 
L’échec international puis local du prétexte de la « lutte contre le terrorisme »
 
Se croyant débarrassé de l’alternative communiste lors de la défaite de l’URSS et du camp socialiste d’Europe, les impérialistes Otanien/US/UE se sont lancés dans un nouveau cycle de guerres de « faible intensité » pour, à la fois, contrôler les sources de matières premières stratégiques donc recoloniser en détruisant les pays, Etats et Nations indépendants laïcs issus de la première phase de la lutte anticoloniale (Afghanistan, Irak, Libye), punir la Yougoslavie/Serbie et contenir les vrais pays émergents (BRICS).
 
Dans cette perspective, les impérialistes ont, à la fois, prolongé l’utilisation du fondamentalisme religieux (D'Al-Qaïda, Frères musulmans, etc.) débuté en Afghanistan contre l’URSS pour détruire et s’emparer des richesses des Etats pétroliers laïcs tout en les désignant comme nouvel ennemi à abattre dès que l’agenda de ces derniers se différencient des leurs. Ce scénario s’est répété de l’Afghanistan à l’Irak, puis la Syrie (échec) et la Libye.
Alliés contre le communisme et la laïcité, faux adversaires selon les agendas différents, l’évolution du rapport des forces au plan mondial entre les BRICS et les pays rescapés du camp socialiste (Cuba, Corée du Nord, Vietnam, Chine) d’une part et l’impérialisme occidental d’autre part est en train de bousculer les alliances historiques entre les impérialistes et les Emirats des pétro-dollars dont l’accord Iran Arabie Saoudite et même les transferts actuels de footballeurs des clubs européens vers les pétro-dollars en sont des manifestations.
 
La destruction de la Libye et l’assassinat de Khadafi a étendu cette stratégie macabre de recolonisation à l’Afrique à travers l’infestation du Sahara/Sahel de djihado-terroristes armés par les impérialistes et financés par les pétro-dollars des Emirats véritables Califats nés des plans impérialistes de séparation des peuples, Etats, Nations colonisés du monde arabo-musulman.
 
Mais ces calculs, dont les peuples sont de moins en moins dupes, pour pérenniser la domination séculaire du capitalisme impérialiste Otano/US/UE sont venus buter sur le réveil des peuples, Etats, Nations des BRICS et des pays, Etats, Nations rescapés du camp socialiste comme la Chine, la Corée du nord, le Vietnam, Cuba socialistes.
 
Parallèlement à ce processus de résistance par le développement économique et social contre l’hégémonie prédatrice Otano/US/UE, l’Amérique du Sud a aussi commencé à secouer le joug impérialiste US à travers les élections qui portèrent au pouvoir Lula au Brésil, Chavez au Venezuela, Evo Morales en Bolivie, Ortéga au Nicaragua, Corréa en Equateur, puis aujourd’hui l’extension de ces victoires électorales à la Colombie, au Pérou, au Chili, etc.
Rappelons que c’est dès la fin des années 90 que nous attirions l’attention sur la « SORTIE PROGRESSIVE DES ANNÉES CONTRE–REVOLUTIONNAIRES 80/90 : Les peuples et les travailleurs reprennent l’initiative, l’Afrique ne peut rester hors du mouvement historique ! ».
 
Nous écrivions : «  Les années 80 jusqu’au milieu des années 90 ont été une période bruyante de triomphe du capitalisme mondial. Le « mur de Berlin » était tombé et la contre-révolution bourgeoise l’emportait dans la patrie des « ouvriers et des paysans », l’URSS. L’impérialisme jubilait et sabrait le champagne en chantant sa joie sur la mélodie « sortir de Yalta ». La classe ouvrière, les travailleurs et les peuples sombraient dans un terrible cauchemar et le sentiment d’impuissance. S'accélèraient aussi les trahisons et l’adaptation au nouveau cours réactionnaire des dirigeants des organisations politiques, syndicales, culturelles du mouvement ouvrier, populaire et des nations opprimées par l’impérialisme. Accompagnant le désarroi, la débandade et le sauve-qui-peut, le défaitisme permanent devenait l’aune de la « modernité », le réformisme était déclaré comme le nouvel horizon indépassable. Les idéologues du capital victorieux proclamaient « la fin de l’histoire ».
 
Nous concluons alors qu’« En Amérique Latine, la lutte anti-impérialiste prend l’allure de victoires électorales des forces politiques révolutionnaires qui ont rompu avec la social-démocratie, voire s'opposent à celle-ci sur le plan idéologique et politique. Les représentants officiels de l’Internationale Socialiste révèlent ainsi clairement en pratique leur nature d’agents de l’impérialisme, en particulier de la domination US sur « son arrière-cour ». Mais cette résistance va au-delà et se propage peu à peu sur tous les continents ». C’est en réalité sous la forme de coups d’Etats souverainistes et/ou de révolte émergente de forces politiques civiles souverainistes que se manifeste actuellement la résistance des peuples à la « mondialisation » hégémonique de l’impérialisme françafricain, eurafricain et usafricain.
Comme l’Asie, l’Amérique du sud et l’Afrique, l’Europe et les USA non plus n’échappent pas à l’alternative socialiste que porte l’anti-capitalisme montant du réveil progressif de la lutte des classes, des minorités nationales et des peuples opposés à la mondialisation dévastatrice de l’humain et de la nature (Karl Marx).
 
Selon Gramsci ce à quoi on assiste est le fait que « le monde ancien se meurt, le monde nouveau peine à émerger », l’entre deux fait entrevoir « les monstres » que sont la barbarie d’un capitalisme à son stade suprême impérialiste dont le ventre insatiable porte en lui le fascisme, la misère, la guerre. Plus que jamais, les travailleurs et les peuples sont en train de retrouver le chemin qui mène à l’émancipation sociale et à la libération nationale.
 
Alors, Non à la menace de guerre et aux sanctions de la CEDEAO contre le Niger, le Mali, le Burkina ! Solidarité panafricaine des peuples et internationaliste entre les travailleurs de France, d’Europe et des USA et les travailleurs et peuples d’Afrique.
Diagne Fodé Roland
 
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