En à peine trois mois, deux rendez-vous référendaires ont confirmé que les tremblements de terre ne se mesurent plus seulement à l’échelle de Richter mais doivent se lire à travers des actes relevant du…virtuel.
C’est le référendum du 23 juin ayant sanctionné le retrait de la Grande Bretagne du plus puissant modèle d’abandon de souveraineté au profit d’un projet d’intégration communautaire, qui semble illustrer le mieux, a priori, cette nouvelle tendance lourde dans l’appréciation des mutations qui agitent la planète et où les populations, longtemps des zéros, ont décidé de devenir les héros de leurs vies. Que la 5ème économie mondiale quitte aussi brutalement ce qui ne sera bientôt plus qu’une Union Européenne amputée de l’un de ses membres-clé, n’est pas qu’un tsunami sans précédent dans l’histoire récente des relations internationales. C’est surtout l’expression concrète d’un spectacle décapant qui met face à face d’un côté ces discours rationnels des élites, structurées et éduquées, dans les lieux où l’on croit mieux savoir que les autres ; et, de l’autre, l’instinct des peuples, du citoyen-lambda, parfois grégaire et surtout mâtiné de populisme, de racisme, de xénophobie.
Nourries au lait d’une mondialisation partie d’abord des avancées technologiques, de la libéralisation des échanges commerciaux, et surtout des flux financiers colossaux, les élites croyaient leur heure définitivement venue, avec ce que l’un de leurs théoriciens, Francis Fukuyama, avait imprudemment qualifié de fin de l’histoire. Il prédisait le triomphe des idées néolibérales, la défaite du projet socialo-communiste, et l’instauration d’un modèle démocratique pluraliste. Le tout adossé à l’Etat Westphalien, fort de sa souveraineté et imbriqué dans des relations internationales apaisées après les tueries de deux grandes guerres mondiales au siècle dernier et l’endiguement d’une conflagration nucléaire, quand, pendant plus de 40 ans de guerre froide, le monde a vécu au bord de l’apocalypse.
Le Brexit, nom par lequel la littérature politique et même géopolitique retient désormais l’acte posé par les électeurs Britanniques, porté par le bas de la pyramide sociétale, et par les anciens, contredit la version à l’eau-de-rose d’un monde plat. Est-ce le prélude d’une dé-mondialisation ? Dans les faits, les sujets de sa Majesté-la-Reine ont dit un holà cinglant face à ce monde qu’ils ne comprennent plus, afin de contenir les peurs qu’il charrie, sur fond d’angoisses existentielles, de précarités professionnelles, de pertes de repères socioreligieux. En réalité, ils ont montré ce qui peut résulter des discours xénophobiques, identitaires et d’exclusion qui animent ces temps-ci les tréteaux électoraux des plus grandes démocraties…Ils ont entendu Marine Le Pen, Donald Trump, et, à un degré moindre, Hillary Clinton, lesquels, sans se consulter, mais conscients que leurs électeurs sont devenus adeptes du «small is beautiful», ont commencé à se distancier des rêves fédéralistes, mondialistes.
«Les gens ont le sentiment de ne plus contrôler leurs vies», lâche Philip Hammond, ministre Britannique, le 16 juin, à la Conférence de Londres, convoquée par le prestigieux Think-Tank, Chatham House. Dans la salle, en présence d’intellectuels et décideurs de haut vol, y compris Hamid Karzai, l’ancien Président Afghan, Shashi Tharoor, l’ancien numéro 2 de l’Onu et probablement l’un des plus brillants esprits à avoir théorisé le multilatéralisme, ou encore l’ancien Pdg de British Petroleum, John Browne, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec ce que j’avais vu, plus tôt dans la journée, dans les rues de la capitale britannique. Partout les visages sereins semblaient être déterminés à infliger le carton rouge à l’Europe. Ce qui a été remarquable, le charme de la démocratie, c’est que le pouvoir n’a pas finassé pour admettre, dès le 24 Juin, que le peuple avait parlé.
M’est alors revenu le souvenir d’un référendum organisé trois mois plus tôt dans mon pays. Là, suite à une volonté de masquer son parjure, un Chef d’Etat encadré par une camarilla intéressée par la survie de ses privilèges, avait tenu à inverser la volonté populaire. Achat des votes. Subjugation des consciences. Propagande digne de Goebbels dans la presse et sur les chaînes nationales et privées. Mobilisation des forces religieuses, syndicales, patronales. Le tout dans un espoir – vain - de légitimer des réformettes constitutionnelles.
Là où les secousses telluriques qui agitent la Grande Bretagne ont été immédiates, expression de la prise en charge authentique du résultat du référendum, les conséquences de la défiance des Sénégalais au référendum du 20 mars ont été plus lentes à se dessiner. Plus sournoises aussi. Mais la libération de Karim Wade, et les agissements irrationnels d’un régime qui revient sur ses engagements les plus tonitruants de remettre vertu et transparence dans la gestion des affaires publiques, sont le signe qu’il faut désormais lire les oracles référendaires pour comprendre pourquoi les tremblements de terre ne doivent plus s’analyser seulement sous le prisme de leurs conséquences physiques ou humaines !
Autant dire que dans ce monde en gésine, le Sénégal, à l’image de la Grande Bretagne, est l’un des cobayes de ces secousses, émergentes…Attachez-vos ceintures : c’est le début des turbulences !
Adama Gaye
Journaliste-Consultant
C’est le référendum du 23 juin ayant sanctionné le retrait de la Grande Bretagne du plus puissant modèle d’abandon de souveraineté au profit d’un projet d’intégration communautaire, qui semble illustrer le mieux, a priori, cette nouvelle tendance lourde dans l’appréciation des mutations qui agitent la planète et où les populations, longtemps des zéros, ont décidé de devenir les héros de leurs vies. Que la 5ème économie mondiale quitte aussi brutalement ce qui ne sera bientôt plus qu’une Union Européenne amputée de l’un de ses membres-clé, n’est pas qu’un tsunami sans précédent dans l’histoire récente des relations internationales. C’est surtout l’expression concrète d’un spectacle décapant qui met face à face d’un côté ces discours rationnels des élites, structurées et éduquées, dans les lieux où l’on croit mieux savoir que les autres ; et, de l’autre, l’instinct des peuples, du citoyen-lambda, parfois grégaire et surtout mâtiné de populisme, de racisme, de xénophobie.
Nourries au lait d’une mondialisation partie d’abord des avancées technologiques, de la libéralisation des échanges commerciaux, et surtout des flux financiers colossaux, les élites croyaient leur heure définitivement venue, avec ce que l’un de leurs théoriciens, Francis Fukuyama, avait imprudemment qualifié de fin de l’histoire. Il prédisait le triomphe des idées néolibérales, la défaite du projet socialo-communiste, et l’instauration d’un modèle démocratique pluraliste. Le tout adossé à l’Etat Westphalien, fort de sa souveraineté et imbriqué dans des relations internationales apaisées après les tueries de deux grandes guerres mondiales au siècle dernier et l’endiguement d’une conflagration nucléaire, quand, pendant plus de 40 ans de guerre froide, le monde a vécu au bord de l’apocalypse.
Le Brexit, nom par lequel la littérature politique et même géopolitique retient désormais l’acte posé par les électeurs Britanniques, porté par le bas de la pyramide sociétale, et par les anciens, contredit la version à l’eau-de-rose d’un monde plat. Est-ce le prélude d’une dé-mondialisation ? Dans les faits, les sujets de sa Majesté-la-Reine ont dit un holà cinglant face à ce monde qu’ils ne comprennent plus, afin de contenir les peurs qu’il charrie, sur fond d’angoisses existentielles, de précarités professionnelles, de pertes de repères socioreligieux. En réalité, ils ont montré ce qui peut résulter des discours xénophobiques, identitaires et d’exclusion qui animent ces temps-ci les tréteaux électoraux des plus grandes démocraties…Ils ont entendu Marine Le Pen, Donald Trump, et, à un degré moindre, Hillary Clinton, lesquels, sans se consulter, mais conscients que leurs électeurs sont devenus adeptes du «small is beautiful», ont commencé à se distancier des rêves fédéralistes, mondialistes.
«Les gens ont le sentiment de ne plus contrôler leurs vies», lâche Philip Hammond, ministre Britannique, le 16 juin, à la Conférence de Londres, convoquée par le prestigieux Think-Tank, Chatham House. Dans la salle, en présence d’intellectuels et décideurs de haut vol, y compris Hamid Karzai, l’ancien Président Afghan, Shashi Tharoor, l’ancien numéro 2 de l’Onu et probablement l’un des plus brillants esprits à avoir théorisé le multilatéralisme, ou encore l’ancien Pdg de British Petroleum, John Browne, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec ce que j’avais vu, plus tôt dans la journée, dans les rues de la capitale britannique. Partout les visages sereins semblaient être déterminés à infliger le carton rouge à l’Europe. Ce qui a été remarquable, le charme de la démocratie, c’est que le pouvoir n’a pas finassé pour admettre, dès le 24 Juin, que le peuple avait parlé.
M’est alors revenu le souvenir d’un référendum organisé trois mois plus tôt dans mon pays. Là, suite à une volonté de masquer son parjure, un Chef d’Etat encadré par une camarilla intéressée par la survie de ses privilèges, avait tenu à inverser la volonté populaire. Achat des votes. Subjugation des consciences. Propagande digne de Goebbels dans la presse et sur les chaînes nationales et privées. Mobilisation des forces religieuses, syndicales, patronales. Le tout dans un espoir – vain - de légitimer des réformettes constitutionnelles.
Là où les secousses telluriques qui agitent la Grande Bretagne ont été immédiates, expression de la prise en charge authentique du résultat du référendum, les conséquences de la défiance des Sénégalais au référendum du 20 mars ont été plus lentes à se dessiner. Plus sournoises aussi. Mais la libération de Karim Wade, et les agissements irrationnels d’un régime qui revient sur ses engagements les plus tonitruants de remettre vertu et transparence dans la gestion des affaires publiques, sont le signe qu’il faut désormais lire les oracles référendaires pour comprendre pourquoi les tremblements de terre ne doivent plus s’analyser seulement sous le prisme de leurs conséquences physiques ou humaines !
Autant dire que dans ce monde en gésine, le Sénégal, à l’image de la Grande Bretagne, est l’un des cobayes de ces secousses, émergentes…Attachez-vos ceintures : c’est le début des turbulences !
Adama Gaye
Journaliste-Consultant