De hauts fonctionnaires italiens condamnés pour des négociations avec la mafia

Vendredi 20 Avril 2018

PALERME, Italie (Reuters) - D'anciens hauts fonctionnaires italiens ont été condamnés vendredi à Palerme pour avoir mené des négociations secrètes avec la mafia au début des années 1990, à la suite d'une série de meurtres et d'attentats.

Ces discussions ont porté atteinte aux intérêts de l'Etat, a déclaré le juge Alfredo Montalto à l'énoncé du verdict, dans une salle d'audience placée sous haute sécurité.

Le public a applaudi les procureurs qui ont porté l'affaire devant les tribunaux, il y a cinq ans, soit deux décennies après l'assassinat des juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, les deux principaux magistrats antimafia de l'époque, et de 21 autres personnes.

Cette série de meurtres a poussé des responsables politiques et des représentants de l'Etat à négocier avec la mafia sicilienne, alors dirigée par la famille Corleone.

"Ce que dit ce verdict, c'est que des organes de l'Etat ont agi comme intermédiaires pour faire passer les demandes de la mafia", a déclaré le procureur Antonino Di Matteo, qui a été placé sous protection permanente et a fait l'objet de nombreuses menaces de mort de la part de Cosa Nostra.

"Alors qu'on faisait sauter des juges, certains représentants de l'Etat aidaient Cosa Nostra", a-t-il poursuivi, saluant une "décision historique".

Dans les années 1992 et 1993, les enquêtes anticorruption "mani pulite" ont décimé la classe politique, ce qui a ouvert la voie à Silvio Berlusconi, arrivé aux affaires en 1994.

Marcello Dell'Utri, ancien sénateur proche de Berlusconi qui purge déjà une peine de sept ans de prison pour collusion avec la mafia, a été condamné vendredi à 12 ans de réclusion pour avoir négocié un accord avec la mafia afin de mettre un terme aux attentats.

La même peine a été infligée à deux généraux à la retraite et à un ex-colonel des Carabiniers. Jugé pour faux témoignage, l'ancien ministre de l'Intérieur Nicola Mancino a été acquitté.

Leoluca Bagarella, un tueur de la mafia, et Antonio Cina, autre figure du crime organisé, ont été respectivement condamnés à 28 et 12 ans de prison. Tous deux sont déjà sous les verrous.

"Toto" Riina et Bernardo Provenzano, les chefs du clan Corleone, sont morts.

Selon les procureurs, les pourparlers entre la mafia et l'Etat italien ont commencé après la mort du juge Falcone, de son épouse et de ses trois gardes du corps, en 1992.

Cette décision a, selon eux, entraîné une multiplication des attentats. Deux mois après celui qui a coûté la vie au juge Falcone, le juge Borsellino, qui avait découvert l'existence des négociations, trouvait la mort à son tour dans les mêmes circonstances.

L'année suivante, Cosa Nostra s'en est pris avec une violence sans précédent à des cibles religieuses et culturelles comme la Galerie des Offices, à Florence, où cinq personnes ont été tuées. Cinq autres ont trouvé la mort à Milan, puis les attentats ont brusquement cessé en 1993.
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