Des fonctions normatives des médias dans ce changement de régime.

Jeudi 30 Mai 2024

La chroniqueuse Khady Gadiaga

Le rôle des médias est répondre aux besoins des citoyens.  Ils sont sensés incarner tous un ensemble de valeurs fondamentales comme l’indépendance, la défense de l’intérêt public, l’impartialité, l’universalité des services, la diversité, l’exactitude et la rigueur journalistiques. C’est sur la base de ces valeurs que plusieurs médias publics comme privés jouissent de niveaux élevés de confiance de la part de leurs publics. 

 

La construction d’un État de droit via les médias implique au contraire d’institutionnaliser le désaccord, c’est-à-dire qu’il faut aménager l’espace public sur la confrontation réglée d’opinions antagonistes. Tout l’enjeu consiste dans l’encadrement réglementé de cette expression et de cette confrontation. Mais ce que nous constatons, hélas, la posture des médias sous nos cieux relève donc moins de la politique, comme on a voulu le faire croire, que de cette science annexe de la littérature : la démonologie. 

 

Des médias irrémédiablement retranchés dans le travail de sape aidés en cela par des rédactions à  la solde d'intérêts oligarchiques  qui ont choisi clairement leurs sources idéologiques.

 

La conséquence est immédiate avec une population désemparée, ne comprenant plus rien aux dérives d'une presse qui leur avait donné beaucoup d'espoir dans l'apprentissage de la démocratie. Les enjeux informationnels se sont transformés en une démarche mystificatrice d'une société où les journalistes d'opinion incarnent désormais les vérités que doivent absolument consommer une masse importante de personnes. 

 

Oui, les démons sont plus que jamais à l'œuvre parmi nous. Ces forces du mal, la toute-puissance du nihilisme, voilà ce à quoi, il faut en ces temps honnis de la vitupération des forces de l'opprobre  tenter d'exorciser.

 

La liberté des médias, enjeu essentiel de la délibération démocratique

 

Comment redonner de la liberté aux médias, qui sont un enjeu essentiel de la délibération démocratique, aujourd’hui contrôlés par des grands pouvoirs capitalistes ? Quelle sera la posture de ce nouveau régime souverainiste face à la particularité de la situation d'une demande sociale criarde, où cette oligarchie médiatique n’a pour but essentiel que de maintenir son système de privilèges complètement démesurés ?

 

Les fonctions normatives des médias mobilisées dans l’analyse des « transitions démocratiques » correspondent aux rôles que jouent idéalement ces derniers en démocratie. À cette différence près que la mise en œuvre de ces fonctions doit jouer un rôle dans l’évolution du changement de régime.

 

Il est attendu que la mise en conformité du fonctionnement des médias avec les normes et les principes démocratiques opère, ou contribue à opérer, un changement dans les rapports entre gouvernants, entre gouvernants et gouvernés, et au sein des populations. Selon les différentes approches privilégiées, la réforme des médias est pensée comme une condition de ce changement ou l’un des domaines dans lequel se joue l’institutionnalisation de « bonnes pratiques ».

 

Redonner aux médias leur dimension de laboratoire du politique

 

Qu’on le veuille ou non, cette question de la mise au norme des médias reste centrale dans les luttes actuelles, et nul doute qu’elle en est l’une des pierres d’achoppement qui tend à ressaisir l’organisation de l'information à la lumière des conditions de formation d’une « intellectualité de masse ».

 

Car la dialectique révolutionnaire ne vise pas seulement à se prémunir de la sclérose bureaucratique et à la dépossession des masses, mais aussi à défendre une conception de la fonction médiatique comme « laboratoire intellectuel » intégrant une multiplicité de pratiques et de collectifs ; un espace de production de sens envisagé comme le lieu de production d’une pluralité de savoirs et, sur leur base, d’expérimentation de stratégies et de tactiques révolutionnaires hétérogènes.

 

La guerre ne se passe pas que sur le théâtre des opérations. Celle qui se livre par médias interposés est encore plus féroce. De nos jours, un pays sans la capacité de contrôle strict de la communication médiatique et sans moyens efficaces de la communication de ses propres actions et réalisations ne sera que la victime de la propagande de forces réfractaire au changement souvent  adoubés par des puissances étrangères hostiles. L’information et la communication sont bel et bien des moyens d’influence de politique intérieure mais aussi de géopolitique.

 

Renforcer la puissance de frappe de la communication institutionnelle

 

Ce que  l'on attend de nos gouvernants, c'est l’obligation de convaincre par le logos, la raison. C’est ce qui distingue la communication politique de l’art, qui séduit, émeut, mais n’a aucune l’obligation de convaincre.

 

Pour renforcer le capital sympathie et enrôler des cibles défiantes,  les stations présidentielle comme primatoriale ont tout intérêt à dérouler une communication politique authentique dans une relation empathique et valorisante avec la société.  Ils devront choisir entre les postures de surfeur émotionnel et de laboureur de conviction. Pour que leur discours politique retrouve une légitimité, il serait improductif d'user des travers mortifères de la com’ et judicieux de réintégrer la complexité du réel. 

 

En suscitant le débat avec les citoyens, cette démarche participera du changement indispensable du statut du politique. C’est cet appel nécessaire à la raison des citoyens qui devrait toujours être au centre de la communication politique. Tel est le sens de la démocratie.

Par conséquent, on attend de  Bassirou Diomaye Faye comme d' Ousmane SONKO, qu'ils soient habités par l'esprit du politique et en appliquent la lettre.

 

L’homme politique est avant tout un penseur qui attire et rassemble par les idées non démagogiques qu’il prône au service de la nation. C’est le protagoniste de l’action méliorative qui s’expose à l’incompréhension et l’échec plutôt que de se pâmer dans les miasmes du populaire si le populaire est erroné et indigne. 

 

Ce n’est pas un chemin facile quand on est élu que de s’adresser avant tout à la raison, puis de continuer inlassablement à informer sur son action. Mais il faut savoir ce que l’on veut pour faire vivre la démocratie.

Khady Gadiaga, 30 mai 2024

 
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