Des opposants russes en exil marchent à Berlin contre Poutine et la guerre en Ukraine

Dimanche 17 Novembre 2024

Plus de mille partisans de l'opposition russe en exil, emmenés notamment par Ioulia Navalnaïa, ont défilé dimanche à Berlin contre Vladimir Poutine et contre la guerre en Ukraine, une affluence limitée pour un mouvement affaibli qui espérait se relancer.

 

Les participants à cette marche ont parcouru le centre de la capitale allemande aux cris de "Non à la guerre !", "la Russie sans Poutine !" et "la Russie sera libre !", avant de terminer devant l'ambassade de Russie, ont constaté des journalistes de l'AFP.

 

Les organisateurs ont évalué leur nombre à jusqu'à 2.000, soit bien moins que dans les précédentes grandes manifestations à l'appel de l'opposition, en Russie, en 2021 - alors même que Berlin accueille une multitude d'exilés russes.

 

L'opposition, qui a perdu en février sa figure de proue, Alexeï Navalny, mort dans des circonstances troubles en prison, est réprimée en Russie et tente de relancer de l'étranger le mouvement.

 

Ioulia Navalnaïa, la veuve de cet opposant qui a repris les rênes de son mouvement, a conduit le cortège avec les autres initiateurs de la mobilisation : Ilia Iachine, un ex-député municipal moscovite récemment libéré de prison, et Vladimir Kara-Mourza, un critique de longue date du Kremlin qui a survécu à la prison et à deux tentatives d'empoisonnement.

 

"Il faut se battre contre le régime de Poutine (...), se battre contre cette guerre que Poutine a déclenchée contre l'Ukraine !", s'est exclamée Mme Navalnaïa devant la foule. "Nous sommes ici pour dire que Poutine est un criminel de guerre. Sa place n'est pas au Kremlin mais en prison", a lancé M. Iachine.

 

Cette manifestation, la première grande action de protestation organisée par l'opposition russe à l'étranger, avait pour objectif d'exiger le "retrait immédiat" des troupes russes d'Ukraine, la destitution et le jugement de Vladimir Poutine et la libération de tous les prisonniers politiques en Russie.

 

- "Pris notre liberté" -

 

"Il est important de montrer que les Russes et les russophones ne sont pas tous pour Poutine mais qu'ils défendent aussi les valeurs démocratiques libérales, qu'ils sont contre la guerre", a témoigné une manifestante, Polina Zelenskaïa, une étudiante russophone de 21 ans en provenance d'Estonie.

 

Un autre manifestant, Dmitri Tolmatchiov, un entrepreneur de 55 ans qui a quitté la Russie il y a trois ans face à la menace de poursuites judiciaires en raison de son militantisme, a estimé qu'il était de son "devoir" de protester au nom de ceux qui ne le peuvent pas dans son pays.

 

"Si on ne fait rien, rien ne changera", a-t-il expliqué à l'AFP.

 

"Poutine n'a pas seulement pris leur pays aux Ukrainiens, il nous a aussi pris notre liberté", a renchéri Valéria Aliochina, une Russe de 30 ans arrivée de Nice, dans le sud-est de la France.

 

Le pouvoir russe a méthodiquement éradiqué tout mouvement de contestation ces dernières années, jetant des centaines, voire des milliers de personnes derrière les barreaux.

 

- "Force politique" -

 

"Il était très important pour nous de montrer que nous sommes nombreux, que nous sommes capables de nous consolider et que nous sommes une véritable force politique", a déclaré M. Iachine après la manifestation.

 

Au-delà des slogans, l'opposition russe peine pourtant à proposer une démarche concrète devant mener à la fin de la guerre et au départ de Vladimir Poutine. Ioulia Navalnaïa a admis dans un entretien avec la chaîne de télévision d'opposition Dojd mercredi ne pas avoir de "plan" en ce sens.

 

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, s'était moqué mercredi d'opposants "monstrueusement détachés de leur pays" et dont "l'opinion n'a aucune importance".

 

Plusieurs scandales au sein de l'opposition russe l'ont aussi fragilisée et ont provoqué la frustration d'une partie de ses militants.

 

En cause, l'agression à coups de marteau d'un allié d'Alexeï Navalny, la victime ayant pointé du doigt le courant de l'ex-oligarque Mikhaïl Khodorkovski. Ou encore ces accusations à l'adresse de la fondation anticorruption du défunt opposant qui aurait couvert des machinations de banquiers véreux en Russie.

 

Autre difficulté pour l'opposition : sa réticence à apporter un appui plus marqué à l'Ukraine, au-delà de sa demande d'un "arrêt immédiat" du conflit. Un tel soutien pourrait lui aliéner la population russe et détruire tout espoir de carrière politique future dans une Russie post-Poutine.

 

La marche avait d'ailleurs été durement critiquée par l'ambassadeur d'Ukraine en Allemagne, Oleksiï Makeïev, qui avait évoqué dans les colonnes du Zeit une "promenade sans dignité et sans conséquence". [AFP]

 
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