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Discours présidentiel du 31 décembre: Du béton à gogo pour masquer des renoncements majeurs

Mercredi 2 Janvier 2019

Elu sur des engagements majeurs de relever en qualité le modèle démocratique sénégalais, Macky Sall s’y est opposé concrètement en faisant de l’autoritarisme la base fondamentale d’une politique débridée de construction d’infrastructures. Un choix qu’il s’apprête à défendre dans l’optique d’un second mandat à la tête du pays. Avant-goût en a été donné dans le discours à la Nation du 31 décembre 2018.



31 décembre 2018. Macky Sall a prononcé le dernier discours à la Nation auquel lui donnait «droit» un septennat polémique. Un exercice traditionnel plus long que d’habitude et cela s’explique : il fallait restituer à l’opinion publique sénégalaise – du moins à ceux des Sénégalais qui avaient choisi de l’écouter – un plan large de ses réalisations dans les différents secteurs d’activités de l’économie nationale: infrastructures routières et autoroutières, Train express régional (Ter), agriculture, élevage, pêche, électrification, etc. Il ne s’est en pas privé, c’est de bonne guerre.
 
Entre données apparemment factuelles, chiffres plus ou moins vérifiables, statistiques extraites des livres de la bureaucratie technocratique d’Etat au service des pouvoirs en place, le président de la République n’a pas quitté le registre classique dans lequel ses prédécesseurs se sont noyés. Le piège de la distorsion d’avec les réalités à travers un prompteur qui déresponsabilise.
 
Ultime discours ? Ultime dérobade face aux difficultés essentielles des Sénégalais à vivre décemment, avec des entreprises qui périclitent, des hôpitaux condamnés à soigner les morts faute de subventions significatives, des jeunes qui comptent les poteaux nuit et jour. 2018 n’a pas été une année sociale comme décrétée aux confins de la démagogie électoraliste, elle a été un dur moment d’épreuves contre lesquelles certains de nos compatriotes ont fini par baisser les bras. D’autant plus dur que les fruits de la «religion» de l’infrastructure qui structure la «vision» du chef de l’Etat profitent en grande partie aux entreprises étrangères.
 
En fait, et c’est une position largement partagée, sortir de terre les infrastructures indispensables au développement du pays ne saurait être un exploit à partir du moment où la quasi-totalité des disponibilités financières de l’Etat ont été mobilisées à cette fin, renforcées par les emprunts massifs que la «bonne signature » du Sénégal a permis à l’échelle internationale. Pour le reste, le volontarisme du président de la République a suffi. D’où le train d’enfer imprimé aux inaugurations d’ouvrages, lesquelles vont se poursuivre pour quelques semaines encore.
 
Le grand échec de Macky Sall est d’avoir manqué à ses engagements majeurs en termes de gouvernance. Il a échoué à mettre les Sénégalais sur un pied d’égalité devant la justice en protégeant ses proches de manière farouche. Il a renoncé – après s’y être engagé - à combattre la corruption en neutralisant pour son propre compte les organes dédiés de l’Etat. Il a banalisé la parole présidentielle en sous-traitant aux magistrats du Conseil constitutionnel son reniement sur la durée de son premier mandat.
 
Alors que la justice est officiellement rendue au nom du peuple souverain, il en a usé et abusé pour tenter de détruire des adversaires politiques potentiels. Par des pratiques hors du temps, il a approfondi le processus de «désacralisation» de la fonction suprême dans notre pays. A côté de ces régressions qui fragilisent substantiellement l’ex-vitrine démocratique qu’a été le Sénégal, se réjouir du niveau d’émergence des infrastructures relève d’une approche singulière de ses responsabilités
 
Que pourra-t-il bien laisser à la postérité en dehors du béton et du fer, deux intrants eux-mêmes négociés par entente directe dans tous les grands (et petits) projets de son septennat?
 
 
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