Le chef de l’Etat sénégalais Bassirou Diomaye Faye a transmis au président de l’Assemblée nationale un décret portant convocation des députés en session extraordinaire jeudi 29 août 2024. Selon une note de la présidence de la République, l’ordre du jour est l’examen d’un projet de loi portant suppression du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) et du Conseil économique social et environnemental (CESE). La procédure passera par une modification de la Constitution.
La dissolution de ces deux institutions est un engagement électoral du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko. Elle vise deux institutions de la République dont l’apport réel à la consolidation de la démocratie est jugé quasi inexistant. En outre, le Hcct et le Cese sont considérés comme un gouffre pour les finances publiques avec un budget annuel global qui tournerait autour d’une vingtaine de milliards de francs CFA. Selon de nombreux observateurs, leur utilité est surtout d’avoir été une planque politique pour la clientèle de l’ancien régime.
Mais dans une assemblée dominée par l’ex-coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakaar (BBY) et ses 82 ou 83 députés après les législatives du 31 juillet 2022, la bataille n’est pas gagnée d’avance pour le camp présidentiel. Il lui faudrait en effet une majorité de 3/5 des suffrages exprimés (par les députés présents) pour amender la Constitution, un stock dont elle ne dispose pas stricto sensu. Il aura donc besoin de reconstituer en urgence le bloc de 80 députés de l’ex groupe parlementaire d’opposition Yewwi askan wi (YAW).
Ce chantier nécessite cependant de renouer des liens - au moins tactiques - avec les parlementaires de Taxawu Senegaal de Khalifa Ababacar Sall. Ils sont au nombre de 14, un renfort non négligeable par rapport à l’objectif recherché. Dans cet élan, l’apport des 11 députés encartés PUR (Parti de l’unité et du rassemblement) semble déjà en poche.
Mais la clef du scrutin visant la suppression des deux institutions sera peut-être entre les mains du groupe parlementaire du Parti démocratique sénégalais (PDS). Au nombre de 24, ils pourraient faire pencher la balance en faveur du duo-Diomaye-Sonko si tant est que les autres ex-alliés se laissent convaincre par l’exécutif. Le Pds a été déterminant dans le très bon score de l’inter-coalition Wallu-Yewwi aux législatives de juillet 2022 qui a privé de majorité absolue l’ex président Macky Sall. Depuis, les relations entre Karim Wade - qui a pris le contrôle opérationnel du parti fondé par son père - et Ousmane Sonko semblent suffisamment cordiales pour cheminer ensemble au cours de la séance du 29 août 2024. Cette perspective est d’autant plus plausible que le Pds ne s’est pas associé au regroupement de « libéraux et démocrates » annoncé comme épouvantail d’opposition au régime en place depuis avril 2024.
En convoquant les parlementaires en session extraordinaire d’urgence, le président Diomaye Faye sait ne pas disposer a priori d’une majorité pouvant dissoudre le Hcct et le Cese sans coup férir. Il connait l’état de dispersion des forces dans cette assemblée nationale dont certaines - autres que la coalition Bby - sont ou pourraient devenir des opposants radicaux à la d’oubliette qu’il forme avec Ousmane Sonko. C’est quoi alors le vrai projet ? Veut-il mettre Benno Bokk Yaakaar en difficulté devant l’opinion ? Cherche-t-il le prétexte du refus prévisible de Bby de s’opposer à la dissolution des deux institutions ciblées pour…dissoudre l’Assemblée nationale elle-même ?
L’article 63 de la Constitution invoqué dans la note présidentielle transmise au président de l’Assemblée nationale donne le pouvoir concomitant au chef de l’Etat (par décret) et à une moitié des députés (par lettre envoyée au président de l’Assemblée nationale) de convoquer le parlement en session extraordinaire.