EXIL SANS FIN AU QATAR : Karim Wade désoriente ses soutiens

Mercredi 23 Novembre 2016

Exilé de force au Qatar par le régime de Macky Sall, Karim Wade est dans le mystère le plus total alors qu’il est la tête de file présumée du Pds à des joutes électorales auxquelles il n’est pas certain de prendre part. En attendant d’y voir clair, ses nombreux soutiens locaux sont partagés entre espoir et démobilisation.
 
Depuis sa libération et sa ‘’déportation’’ à Doha au Qatar, Karim Wade n’occupe plus l’actualité politique sénégalaise. Ce qui n’était pas le cas tout le temps de sa mise en demeure à son procès, de son emprisonnement à sa grâce. ‘’Isolé’’ du Sénégal suite à un «accord» entre le Qatar et le Sénégal, le fils du Président Wade est aujourd’hui presque coupé de son pays. Candidat choisi du Parti démocratique sénégalais (Pds) à la présidentielle de 2019, il mène une autre vie entre tranquillité, reconstruction, contacts, espérance, etc. Et pour cause, il espérait très tôt jouer les premiers rôles dès sa sortie de prison. Ce qui n’est pas le cas.
 
« Une vie dorée »
«Les conditions de ma libération ne permettaient pas de parler aux Sénégalais», avait-il dit. Ce qui démontre qu’il a été forcé à quitter le pays. ‘’Citoyen’’ pas ordinaire au Qatar, il nous revient de sources bien informées qu’il «se porte bien et mène une vie dorée». Ce qui est normal au vu de ses relations avec l’émir de ce pays assis et couché sur des pétrodollars. «Karim Wade ne peut pas ne pas se porter bien. Au Qatar, il est traité comme un roi. En vérité, ce pays est devenu sa seconde patrie. Il échange avec les plus hautes autorités et parlent avec des décideurs de sujets importants», renseigne un de ses proches. D’ailleurs, il révèle que son mentor politique, «grâce à son expérience reconnue dans nombre de domaines, ses diplômes, le bâtisseur qu’il a été pour le Sénégal à travers l’Anoci, est devenu une pièce maîtresse chez les autorités de ce pays, par ces conseils. En tout cas, nous savons qu’il travaille et qu’il gagne de l’argent.»
 
Une autre voix autorisée note que le fils de Me Wade n’est pas « n’importe qui » au Qatar où il est considéré comme « un homme à protéger » pour tout ce qu’il a vécu sous le régime de Macky Sall. «On l’a accusé, jugé et condamné alors qu’il est innocent. S’il y a quelqu’un qui peut l’aider, il le fait. C’est ce que font les autorités du Qatar pour le sortir des griffes de revanchards frustrés et qui voulaient le liquider politiquement, sachant qu’il serait le prochain Président du Sénégal.»
 
Doha, une prison à ciel ouvert
Malgré ces témoignages pour le moins élogieux, il est également soutenu par d’autres canaux que la capitale de ce petit émirat soupçonné de temps à autre d’entretenir des relations avec des mouvements présumés terroristes est une prison à ciel ouvert pour Karim Wade. D’où son « envie » moult fois déclamée de revenir au bercail. Son outil de communication préféré sur les réseaux sociaux est ainsi ‘’WhatsApp’’, pour la qualité de son cryptage face aux grandes oreilles.
 
Une de ses connaissances confie : «Récemment, il me faisait savoir que son unique objectif est de rentrer à Dakar et jouer sa partition pour le départ de Macky Sall du pouvoir. Comme vous le savez, il a l’ambition de devenir Président du Sénégal et il en a les moyens. Il n’est pas trop joyeux au Qatar. Il veut rentrer au Sénégal et il rentrera forcément au Sénégal.» Dans la foulée, il dit ce que l’on savait déjà : que Wade Jr a été effectivement contraint à l’exil « alors que ses militants, sympathisants et soutiens l’attendaient avec impatience. En vérité, il est dans une prison à ciel ouvert après sa sortie de la prison de Rebeus.»
 
Dans ses relations avec ses parents, Karim Wade se contenterait de longs échanges au téléphone ou encore via (toujours) les réseaux sociaux. En dehors de quelques déplacements de sa famille au Qatar, la plupart du temps, c’est au téléphone qu’il parlerait avec son père. «Entre lui et le Président Wade, c’est une communication permanente. Il se parle tous les jours. En bon père et en bon conseiller, il lui dit ce qu’il doit faire et surtout comment aborder la bataille qui l’attend au Sénégal», renseigne notre interlocuteur. Il est aussi noté que des responsables du Parti démocratique sénégalais (Pds) – en dehors de Me Madické Niang et Samuel Sarr – l’auraient vu à Doha, mais sans dire lesquels. Vrai ou saupoudrage ?
 
Attente et anxiété
Depuis le Qatar, Karim Wade essaie tant bien que mal d’exister pour ne pas mourir politiquement. Après que le régime en place a tapé sur la table en demandant aux autorités qataries de faire cesser les communications intempestives de leur « hôte » avec des personnalités sénégalaises du monde politique, de la lutte, des artistes, etc., l’ancien ministre aurait trouvé une autre astuce pour continuer ce « dialogue » : les incontournables réseaux sociaux.
 
«Je suis en contact avec mon leader. On se parle, on échange beaucoup. Il est notre candidat. Même s’il est au Qatar, il demande tout le temps ce que nous faisons. Il nous donne des conseils et des orientations», affirme Amina Sakho du Mouvement Karim Président (MKP). Enthousiaste, elle poursuit : «des personnes mal intentionnées donnent souvent de fausses informations. Ce qui est loin d’être le cas puisque Karim Wade sait tout ce que nous faisons. C’est un homme bon, le meilleur espoir pour le Sénégal.»
 
Moussa Sène, membre du Mouvement Libérer Karim (MLK), n’est pas loin de cette ligne. «Les gens parlent sans savoir ce qu’il se passe. Karim Wade, aussi loin soit-il, reste notre leader et notre candidat. Il va bientôt rentrer au Sénégal pour montrer toute sa puissance. Il parle aux responsables des mouvements et leur apporte tout son soutien. Quelques fois, il demande à des responsables du Pds de nous donner des moyens de financer nos activités, mais ils ne le font jamais. En tout cas, on ne désespère pas puisqu’il est l’absent le plus présent aujourd’hui.»
 
« Nous sommes en désordre »
Des avis qui ne font pas l’unanimité chez tous les «karimistes». Certains sont anxieux à l’idée de ne pas voir leur mentor rentrer à Dakar d’ici 2017 pour les législatives, voire 2019 pour la présidentielle. Reviendra-t-il ? Peut-il même revenir ? Questions centrales chez nombre de ses souteneurs. «Très sincèrement, on se pose beaucoup de questions. On ne sait pas s’il va revenir au Sénégal pour que nous puissions l’amener au Palais», s’interroge l’un d’eux. Qui rapporte d’ailleurs l’anxiété qui a gagné certains de ses camarades.
 
«Karim parle avec certains, mais pas avec tout le monde. Dans nos mouvements, certains se livrent une guerre incompréhensible. En fait, les troupes sont fatiguées d’attendre. Nous l’avons soutenu depuis le début. On le libère et il part sans même parler une minute. Présentement, il y a parmi des gens qui ont décroché et déserté manifestation, réunion ou autre activité.»
 
Sur le même registre, un autre responsable de la mouvance Wade Jr. Avoue être désorienté. «Nous sommes inquiets et très pessimistes. On ignore ce qui va se passer. Il est là-bas sans que l’on puisse nous dire ce qu’il se passe en réalité. Aujourd’hui, pour dire vrai, à part quelques mouvements, la majorité sombre dans une profonde léthargie et continue de se poser des questions.»
 
A l’en croire, il n’y a pas longtemps, ils ont été approchés. «La majorité des souteneurs de Karim Wade ne sont pas des militants du Pds. Maintenant que rien n’est sûr concernant le retour de Karim Wade, un haut responsable nous a demandé d’intégrer les rangs du Pds. Ce que nous avons refusé, parce que l’on ne sait pas ce qui va se passer d’ici 2017. Ce qui est certain, c’est que nous sommes en désordre.» (Abdoulaye MBOW)
 
 
 
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