Erdogan s'en prend à l'ambassadeur américain

Mercredi 11 Octobre 2017

Visas - Le président turc ne considère plus l'ambassadeur américain «comme le représentant des Etats-Unis en Turquie». Washington le soutient.
 
La Turquie s'en est vivement prise mardi à l'ambassadeur des Etats-Unis à Ankara, jugé responsable de la crise des visas entre les deux pays, mais Washington a aussitôt apporté son soutien au diplomate.
 
«Nous ne le voyons plus comme le représentant des Etats-Unis en Turquie», a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan, ajoutant que l'ambassadeur américain John Bass, en partance pour l'Afghanistan, ne serait pas reçu par le gouvernement turc avant son départ d'Ankara dans les prochains jours.
 
Déjà tendues depuis plusieurs mois, les relations entre la Turquie et les Etats-Unis, deux pays partenaires au sein de l'Otan, ont viré à l'orage après l'inculpation pour «espionnage», la semaine dernière, d'un employé turc du consulat américain à Istanbul. Il est accusé par la justice turque d'être lié au prédicateur en exil aux Etats-Unis Fethullah Gülen, désigné par Ankara comme le cerveau de la tentative de coup d'Etat du 15 juillet 2016.
 
Donald Trump épargné
 
En réaction à son arrestation, l'ambassade des Etats-Unis a annoncé dimanche la suspension de l'essentiel des services de délivrance des visas américains en Turquie. Ankara a pris une mesure similaire.
 
Si les dirigeants turcs manifestent leur mécontentement, ils se sont gardés jusqu'à présent de s'en prendre au président Donald Trump, concentrant leurs critiques sur l'ambassadeur américain, désigné comme l'instigateur de la suspension des visas.
 
«Si l'ambassadeur américain a pris cette décision de son propre chef, alors les dirigeants des Etats-Unis ne devraient pas le maintenir en poste une minute de plus», a estimé M. Erdogan, lors d'un déplacement en Serbie. «Ils devraient lui dire: Qui t'a autorisé à brouiller les relations entre la Turquie et l'Amérique de la sorte? ».
 
«Que se passe-t-il?»
 
«L'ambassadeur Bass a notre soutien total, pas seulement ici au département d'Etat mais également à la Maison Blanche», a répondu mardi la porte-parole de la diplomatie américaine Heather Nauert, à Washington, saluant «l'un des meilleurs ambassadeurs» des Etats-Unis. Ces décisions ont été prises «en coordination» avec le gouvernement américain, a-t-elle assuré.
 
M. Erdogan a également défendu l'arrestation de l'employé turc du consulat américain à Istanbul, affirmant que la police turque avait récolté des éléments prouvant que «quelque chose se tramait» là-bas. Lundi soir, l'ambassadeur Bass a affirmé que les autorités turques n'avaient présenté aucune preuve étayant les accusations contre cet employé, se demandant si l'objectif de son arrestation n'était pas de «perturber la coopération» entre la Turquie et les Etats-Unis.
 
«Je ne sais pas vraiment quelles sont les motivations du gouvernement turc», «que se passe-t-il?», «que tentent-ils d'obtenir avec cette attitude?», a aussi demandé mardi la porte-parole du département d'Etat, dénonçant vivement les arrestations d'employés turcs des missions diplomatiques américaines.
 
Elément qui risque d'alimenter la crise, un autre employé turc du consulat américain à Istanbul est sous le coup d'une convocation de la justice turque. Pour le président turc, «il faut que les Américains se posent cette question: comment ces agents ont-ils fait pour infiltrer leur consulat général à Istanbul?».
 
Des mois de dispute
 
Cette guerre inédite des visas survient après des mois de disputes sur plusieurs fronts, à commencer par la Syrie, où la Turquie reproche aux Etats-Unis d'appuyer des milices kurdes qu'elle considère comme «terroristes».
 
Autre sujet de discorde, l'extradition du prédicateur Gülen réclamée, sans succès, par Ankara depuis la tentative de coup d'Etat. M. Erdogan a récemment suggéré qu'il était prêt à l'«échanger» contre un pasteur américain détenu en Turquie.
 
Les récentes inculpations aux Etats-Unis de gardes du corps de M. Erdogan accusés d'avoir malmené des manifestants à Washington, ainsi que d'un banquier et d'un ex-ministre turcs accusés d'avoir enfreint les sanctions contre l'Iran, ont suscité l'ire d'Ankara.
 
Alors que les relations se sont dégradées depuis le putsch manqué de 2016, la Turquie s'est rapprochée de la Russie avec laquelle elle collabore étroitement sur la Syrie. Pourtant, l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche avait fait naître l'espoir chez les Turcs d'une embellie des relations bilatérales. Signe qu'Ankara ne souhaite pas rompre avec Washington, le vice-Premier ministre turc Mehmet Simsek a déclaré mardi : «Nous allons résoudre nos problèmes avec les Etats-Unis par le dialogue». (afp/nxp)
 
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