Plusieurs dizaines de milliers de Sénégalais ont été empêchés de prendre part aux différentes élections organisées depuis 2012. Pour une raison ‘’apparemment’’ simple : ils n’étaient pas inscrits sur le fichier électoral. Le Président Bassirou Diomaye Faye s’est engagé à y remédier en annonçant dans son discours du 3-Avril « l’inscription sur le fichier électoral concomitamment à la délivrance de la pièce nationale d’identité » pour tous les citoyens sénégalais.
Selon le rapport de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE 2024), « près de 50% des jeunes de 18 à 30 ans ne sont pas inscrits sur le fichier électoral. » En outre, « seulement près de 60% des cartes d’électeur issues de la dernière révision exceptionnelle des listes électorales (RELE) ont pu être délivrées. »
Pour la présidentielle du 24 mars 2024, la RELE a été organisée par le ministère de l’Intérieur sur une courte période d’environ 3 semaines franches entre avril et mai 2023 alors qu’elle avait l’habitude d’être étalée sur plusieurs mois afin d’inciter le maximum de citoyens a intégrer le fichier électoral.
C’est en 2016, quatre ans après son arrivée au pouvoir, que Macky Sall a ordonné un changement fondamental à la gestion de ce fichier : la suppression du lien automatique qui existait entre l’obtention de la carte nationale d’identité (CNI) et l’acquisition du statut d’électeur. Le ministère de l’Intérieur l’a fait.
Le prétexte de ces changements a été relié au lancement de la nouvelle carte nationale d'identité biométrique aux normes de sécurité et de sûreté fixées par la Cedeao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest). C'était en 2016, trois ans avant l'élection présidentielle prévue en 2019.
Une CNI à double standard est alors instaurée : celle qui permet de voter et celle qui ne le permet pas. Les jeunes de moins de 18 ans qui obtiennent la CNI ne sont pas incorporés sur les listes électorales, ils devaient attendre une période de révision normale ou exceptionnelle pour se faire enrôler. Au dos de la CNI délivrée, il y a la mention « Personne non inscrite sur le fichier électoral ». Pour tous les autres qui avaient atteint l’âge de la majorité, il fallait choisir entre OUI et NON pour être ou ne pas être sur le fichier des électeurs.
Des acteurs politiques et des organisations de la société civile, favorables à une plus grande participation citoyenne aux joutes politiques et notamment au vote, ont toujours dénoncé cette mesure comme une volonté du nouveau régime d’alors de bloquer l’enrôlement des jeunes sur les listes électorales.
C’est cette gestion pour le moins bizarre du fichier électoral imposée aux services du ministère de l’Intérieur, en particulier à la Direction de l’automatisation du fichier (DAF), par l’ancien président Macky Sall que son successeur Bassirou Diomaye Faye a dénoncée dans son discours du 3 avril 2024. La délivrance de la carte nationale d’identité sera désormais « concomitante » à l’inscription sur le fichier électoral.
Si l’annonce se concrétise, elle pourrait gonfler de manière significative le fichier des électeurs, booster la participation citoyenne au jeu électoral et faciliter l’acte de vote à plusieurs dizaines de milliers de Sénégalais laissés en rade lors des grands rendez-vous électoraux comme celui du 24 mars 2024. Un scrutin pour lequel le ministère de l’Intérieur a déclaré 7 millions 371 mille 890 électeurs potentiels. [IMPACT.SN]