Le Premier ministre Gabriel Attal a pris date avec les Français dimanche, après avoir sauvé son camp de la débâcle aux législatives au terme d'un passage éclair à Matignon.
"Cette dissolution, je ne l'ai pas choisie, mais j'ai refusé de la subir", a fait valoir sur le perron de Matignon le jeune chef du gouvernement, arguant du "lien tissé" entre lui et les Français pendant la campagne.
Gabriel Attal, 35 ans, présentera formellement sa démission lundi mais pourrait rester encore quelques semaines en poste pendant les Jeux olympiques, le temps pour Emmanuel Macron de lui trouver un successeur après la victoire de la gauche aux législatives.
L'amertume passée après la dissolution, sur laquelle il n'a pas été consulté, l'ambitieux Premier ministre avait repris la main sur la campagne de son camp, dont il a évité la déroute: la majorité sortante est arrivée deuxième avec entre 152 à 169 députés (contre 250 dans l'Assemblée sortante), devant le Rassemblement national (entre 135 à 145 sièges) et derrière le Nouveau Front populaire (entre 177 et 198 députés).
"Nous avons tenu et nous sommes debout avec trois fois plus de députés que ce que donnaient certaines estimations au début de cette campagne", a salué le Premier ministre.
- "Baratiner" -
"Attal a mouillé le maillot pour la campagne et les désistements, ce qui permet d'avoir le premier objectif : celui d'empêcher l'extrême droite au pouvoir", note un parlementaire Renaissance.
Gabriel Attal ressort aussi "gagnant" en terme de popularité, selon Brice Teinturier, directeur général délégué de l'institut Ipsos, rejoignant en jugements favorables Edouard Philippe, patron d'Horizons, en tête de ce classement, "parce qu'il a mené la campagne et parce que ses positions ont été perçues comme plus nettes" sur les désistements.
En près de six mois à Matignon -le bail le plus court reste détenu par le socialiste Bernard Cazeneuve- Gabriel Attal n'a même pas eu le temps d'y planter un arbre, comme le veut la tradition, ni d'aller au bout de ses dossiers, mais il y a semé des graines pour l'après. Et notamment en vue de 2027.
Nommé le 9 janvier plus jeune Premier ministre de la Ve République, au terme d'une ascension spectaculaire, il arrive rue de Varenne auréolé d'un profil plus "politique" et communicant que sa prédécesseure Elisabeth Borne.
Dès la passation il impose sa marque: se déplacer souvent, communiquer beaucoup. Trop selon certains, s'attirant les foudres des oppositions qui l'accusent d'accaparer les médias et de "baratiner", Marine Le Pen raillant son "autorité" qui lui "va comme un tablier à une vache".
Gabriel Attal assume et continue d'occuper le terrain, à défaut d'avoir une majorité absolue à l'Assemblée nationale.
- Codes sarkozystes -
Un membre du gouvernement se dit "bluffé" par ce Premier ministre qui, "dans la lessiveuse de Matignon, réussit à la fois à conserver sa capacité à porter la parole, à nouer une relation avec les Français, tout en prenant en main les dossiers". "Il a gagné en épaisseur", abonde un cadre de la majorité.
A l'inverse, un familier des rouages gouvernementaux pointe un homme qui entend "tout maîtriser en terme de com'", plutôt que "mener des politiques publiques sur le fond, de manière solide".
Diplômé de Sciences po, quatre fois ministre (Jeunesse, porte-parolat, Budget et Education), Gabriel Attal passe du socialisme au macronisme, en empruntant des codes sarkozystes: il défend les "classes moyennes" et la "France qui se lève tôt", prône "l'autorité" à l'école, et souhaite davantage sanctionner les mineurs délinquants.
Mais l'échec aux européennes, où il est entré à reculons, est retentissant: la liste de la majorité finit à 14,6%, à 16 points de celle de l'extrême droite.
"Brutale", la dissolution passe mal et son mutisme pendant deux jours en dit long, avant que Gabriel Attal se lance en campagne jusqu'à s'émanciper d'Emmanuel Macron, en appelant les Français à le "choisir" à Matignon.
Ce fils d'un producteur de cinéma, qui a fréquenté les bancs de la huppée Ecole alsacienne à Paris et n'a jamais fait mystère de son homosexualité, simplifie son discours, appelle à voter pour le "bloc central" face aux "deux extrêmes".
Entre les deux tours, il critique moins la gauche et appelle les candidats arrivés troisièmes à se désister pour qu'aucune voix n'aille à l'extrême droite, à rebours de certains ministres de l'aile droite qui prônent le "ni RN, ni LFI".
Dimanche, il a appelé à "inventer quelque chose de neuf, de grand, d'utile" dans le nouvel espace politique de son camp, basé sur "l'union", "l'autorité", et la "sécurité". [AFP]