Le premier ministre français Michel Barnier a promis dimanche de faire des « compromis », au lendemain de la présentation de son gouvernement, sous la menace d’une censure de la gauche et de l’extrême droite au Parlement.
À la tête d’un cabinet critiqué comme un attelage fragile entre le camp du président Emmanuel Macron et la droite, M. Barnier a précisé dimanche soir sur la chaîne France 2 ses priorités sur certains des dossiers les plus clivants, la fiscalité, la dette ou les retraites.
Le premier ministre de droite promet notamment de ne « pas alourdir encore l’impôt sur l’ensemble des Français », mais estime que « les plus riches doivent prendre part à l’effort de solidarité » : « maîtriser les dépenses, ça peut se faire notamment avec des prélèvements ciblés sur les personnes fortunées, ou certaines grosses entreprises ».
« Une grande partie de notre dette est émise sur les marchés internationaux, extérieurs, il faut garder la crédibilité de la France », a-t-il ajouté, alors que le déficit public du pays s’affiche à plus de 5 % du PIB, au-delà de la limite européenne de 3 %.
Le budget, urgence numéro un
L’élaboration du budget 2025, qui a déjà pris un retard inédit, est l’urgence numéro un, M. Barnier ayant qualifié la « situation budgétaire » de la France de « très grave ».
Signe de son importance, il a voulu garder un œil sur ce dossier explosif en mettant sous sa tutelle directe le ministre macroniste des Comptes publics, Laurent Saint-Martin.
Dimanche soir, M. Barnier a également promis de « prendre le temps d’améliorer la réforme des retraites ». Mais en aura-t-il le temps ?
La gauche a déjà promis la censure du nouvel exécutif. Le chef de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a appelé à se « débarrasser aussitôt que possible » de ce « gouvernement des perdants », qui n’a selon lui « ni légitimité ni futur ».
Annoncé officiellement samedi soir, le nouvel exécutif fait en effet la part belle au parti du président Macron, Renaissance, et une bonne place à celui de droite Les Républicains (LR). Deux formations pourtant sorties en net recul des élections législatives des 30 juin et 7 juillet, provoquées par la dissolution controversée de l’Assemblée nationale par M. Macron, après la déroute du camp présidentiel aux élections européennes.
Les 39 ministres participeront à leur premier Conseil des ministres lundi à 9 h (heure de l’Est), au palais présidentiel de l’Élysée autour du chef de l’État.
Le gouvernement devra réussir à s’imposer face à une Assemblée fragmentée en trois blocs irréconciliables : la gauche, arrivée première aux élections en juillet, mais absente de l’exécutif, le centre droit macroniste et l’extrême droite, en position d’arbitre.
L’attelage est marqué à droite, avec notamment comme ministre de l’Intérieur le LR Bruno Retailleau, au profil conservateur sur les sujets de société et très ferme sur l’immigration.
Une tendance qui a d’emblée alimenté les tensions entre le premier ministre et les parlementaires du camp présidentiel.
L’ex-premier ministre Gabriel Attal, chef de file des députés macronistes, a déclaré dimanche qu’il allait demander à M. Barnier des garanties sur l’accès à la procréation médicalement assistée, le droit à l’avortement et les droits LGBT. Les « grandes lois » de « progrès social ou sociétal » seront « préservées », lui a répondu, le soir sur France 2, le chef du gouvernement.
« Gouvernement réactionnaire »
À gauche, cet exécutif a été dénoncé comme « un gouvernement réactionnaire en forme de bras d’honneur à la démocratie » par le patron des socialistes, Olivier Faure, qui entend déposer rapidement une motion de censure à l’Assemblée.
L’ONG environnementale Greenpeace a estimé qu’il semblait « déjà enfermé dans les logiques dépassées de l’ancien monde » face à l’urgence climatique.
Quant à Marine Le Pen, la cheffe des députés du parti d’extrême droite du Rassemblement national (RN), qui détient entre ses mains la survie du nouvel exécutif à l’Assemblée, elle l’a jugé « éloigné du désir de changement et d’alternance » exprimé lors des législatives de l’été. [AFP]