Le président Zelensky (à gauche) avec son premier ministre Oleksiï Gontcharouk
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a refusé vendredi la démission présentée dans la matinée par son Premier ministre après des fuites sur ses propos désobligeants à l'égard du chef de l'Etat.
"J'ai décidé de vous donner une chance, à vous et votre gouvernement", a déclaré M. Zelensky, lors d'une rencontre avec le chef du gouvernement Oleksiï Gontcharouk selon une vidéo publiée par la présidence. "Ce n'est pas un bon moment pour secouer le pays économiquement et politiquement".
M. Gontcharouk a présenté sa démission après la diffusion de déclarations désobligeantes à l'encontre du chef de l'Etat, première crise politique pour le jeune président.
Selon des fuites publiées sur les réseaux sociaux et reprises par les médias, M. Gontcharouk a qualifié de "primitives" les connaissances économiques du président qui, quoique diplômé de droit, était comédien et humoriste jusqu'à son élection à la tête de l'Ukraine en avril.
"Afin de dissiper tout doute concernant notre respect et confiance envers le président, j'ai écrit une lettre de démission et l'ai transmise" à M. Zelensky, a écrit le chef du gouvernement sur sa page Facebook.
- "Bon tsar" –
Le président Zelensky n'a pas réagi directement à ces déclarations, se bornant à évoquer "un scandale" et "une situation très désagréable" lors d'un entretien en tête-à-tête autour d'une table ronde avec M. Gontcharouk dans une salle officielle aux moulures dorées.
Il a en revanche exigé du Premier ministre d'améliorer sa coopération avec le Parlement et de revoir les salaires de hauts responsables gouvernementaux. La récente annonce d'importants bonus à ces responsables avait provoqué ces dernières semaines un scandale en Ukraine, un des pays les plus pauvres de l'Europe.
"De tels salaires ne peuvent pas exister en Ukraine dans l'état actuel de notre économie", a déclaré M. Zelensky.
"Je vous remercie de votre confiance, Monsieur le président", a réagi M. Gontcharouk, admettant des "défauts dans le travail" du gouvernement.
Selon la loi ukrainienne, c'est cependant au Parlement qu'il revient d'accepter ou de rejeter la démission d'un Premier ministre. Le président Zelensky dispose de la majorité absolue à l'assemblée.
Plusieurs analystes avaient douté que le président accepte la démission de son Premier ministre.
"Cela ressemble à une comédie (...) dans laquelle Zelensky joue le rôle d'un bon tsar", a déclaré à l'AFP l'expert du centre d'analyse Democratie House, Anatoliï Oktyssiouk. Pour lui, cette crise reflète une aggravation des luttes internes entre de différents groupes d'influence dans l'entourage du président.
- Jeune libéral –
Dans l'enregistrement présenté comme venant d'une réunion organisée le 16 décembre entre des ministres et des responsables de la banque centrale, les participants discutent de la meilleure manière d'expliquer leurs décisions économiques à M. Zelensky.
Oleksiï Gontcharouk y dirait que les explications doivent être particulièrement simples, car "Zelensky a une compréhension vraiment primitive de l'économie".
Nommé il y a moins de 5 mois, M. Gontcharouk, 35 ans, est l'un des plus jeunes chefs de gouvernements du monde. Cet ancien avocat est partisan de réformes économiques libérales.
Son gouvernement a activement oeuvré en faveur de l'ouverture du marché des riches terres agricoles ukrainiennes, qui ne pouvaient être que louées - une mesure très attendue par les investisseurs mais redoutée par la population.
M. Gontcharouk avait dirigé pendant quatre ans le centre d'analyse BRDO à Kiev, financé par l'Union européenne et dont les activités visent à améliorer le climat des affaires en Ukraine avant d'être nommé chef adjoint de l'administration présidentielle quelques jours après l'investiture de M. Zelensky. Il a ensuite été propulsé à la tête du gouvernement fin août.
Il fait partie des nouveaux visages arrivés au pouvoir avec M. Zelensky qui promettait de "casser le système" des vieilles élites corrompues. (AFP)