Des frappes aériennes et des tirs d’artillerie ont secoué jeudi Khartoum, où l’armée se livre à « des combats acharnés » contre les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), qui contrôlent largement la capitale, selon des témoins et une source militaire.
Les affrontements ont commencé à l’aube, ont rapporté plusieurs habitants, dans ce qui semble être la première offensive majeure de l’armée depuis des mois pour reprendre des parties de la capitale contrôlées par les FSR.
Ils surviennent alors que le chef de l’armée et dirigeant de facto du Soudan, le général Abdel Fattah al-Burhane, a appelé devant l’Assemblée générale de l’ONU à New York à ce que la « milice rebelle soit désignée comme un groupe terroriste », accusant les FSR d’entraver les efforts de paix.
À la veille de ces combats, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait exprimé sa « profonde inquiétude » concernant « l’escalade » du conflit, qui oppose depuis avril 2023 l’armée aux FSR du général Mohamed Hamdane Daglo, ex-adjoint du général Burhane.
L’armée livre « des combats acharnés » à Khartoum, a déclaré à l’AFP une source au sein de l’armée, affirmant que les troupes avaient franchi deux ponts clés sur le Nil, qui sépare les parties de la capitale tenues par l’armée de celles contrôlées par les FSR.
Depuis le début de la guerre, les paramilitaires ont repoussé l’armée pratiquement hors de la ville. Mais à la suite de sa dernière grande offensive en février, l’armée a repris une grande partie d’Omdourman, ville adjacente intégrée à la capitale.
Plusieurs habitants d’Omdourman ont fait état de « tirs d’artillerie intenses » qui ont commencé tôt jeudi, notamment sur des bâtiments résidentiels tandis que des avions militaires survolaient la ville.
« Rien que dans notre quartier, trois personnes ont été tuées aujourd’hui », a dit à l’AFP un habitant d’Omdourman s’exprimant sous couvert d’anonymat.
En raison d’une coupure quasi totale des communications et d’un système de santé paralysé, il n’a pas été possible de vérifier le nombre exact de victimes.
« Conditions apocalyptiques »
Depuis le début de la guerre, les combats les plus violents se sont déroulés dans des zones densément peuplées. Les deux camps ont été accusés de crimes de guerre pour avoir visé délibérément des civils et bloqué l’aide humanitaire.
La guerre a fait des dizaines de milliers de morts, les estimations allant de 20 000 à 150 000, la plupart des victimes n’étant pas recensées, selon les médecins.
Elle a également entraîné le déplacement de plus de 10 millions de personnes, soit un cinquième de la population du Soudan, et créé l’une des pires crises humanitaires de mémoire récente, selon les Nations unies.
À l’ONU, le général Burhane a accusé jeudi « des pays de la région » de fournir aux FSR « un soutien financier, des mercenaires et une couverture politique ».
Le commandant de l’armée n’a pas nommé ces pays, mais son gouvernement a régulièrement accusé les Émirats arabes unis de faire passer des armes aux paramilitaires via la frontière occidentale du Soudan, en violation de l’embargo sur les armes imposé au Darfour.
L’année dernière, des experts des Nations unies ont jugé ces accusations « crédibles » et des diplomates affirment que les États-Unis ont, en privé, fait pression sur les Émirats arabes unis à propos de leur soutien aux FSR.
L’attaque sur Khartoum intervient alors que les FSR ont lancé une offensive le week-end dernier contre El-Facher, la grande ville du Darfour, de quelque deux millions d’habitants, qu’ils assiègent depuis des mois.
Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits humains, Volker Türk, a alerté jeudi sur le « risque élevé » de violences ethniques si cette ville tombait aux mains des paramilitaires.
M. Guterres, qui a rencontré mercredi le général Burhane, a souligné que le conflit « continue d’avoir un impact dévastateur sur les civils soudanais et menace de déborder dans la région », selon un communiqué de son porte-parole.
Les deux hommes ont également évoqué « le besoin d’un cessez-le-feu immédiat et durable » et d’un accès humanitaire « sans entrave ».
Sur place, « les conditions sont apocalyptiques », a déclaré le Haut-Commissaire de l’ONU aux réfugiés Filippo Grandi.
Les États-Unis, l’Union européenne, la France et l’Allemagne ont de leur côté appelé à un cessez-le-feu immédiat, s’inquiétant des ingérences étrangères. [AFP]