Guerre des mots entre Ryad et Téhéran avant la visite du prince héritier saoudien à Trump

Jeudi 15 Mars 2018

"Hitler" contre "simple d'esprit": l'Arabie saoudite et l'Iran ont échangé jeudi de virulentes attaques avant la première visite du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane auprès de son allié Donald Trump, qui multiplie comme lui les mises en garde contre Téhéran.

"L'Arabie saoudite ne veut pas se doter d'une arme nucléaire, mais si l'Iran développe une bombe nucléaire, nous suivrons la même voie le plus vite possible, sans l'ombre d'un doute", a prévenu le jeune prince de 32 ans dans une interview accordée à la chaîne de télévision américaine CBS, dont l'intégralité sera diffusée dimanche.

Sa déclaration intervient alors que Ryad, qui veut réduire sa dépendance au pétrole, vient d'accélérer son programme nucléaire civil, alimentant les inquiétudes sur les risques de prolifération.

Sur CBS, l'homme fort du royaume sunnite dresse aussi un parallèle entre les ambitions territoriales prêtées au numéro un de l'Iran chiite, le guide suprême Ali Khamenei, et celles d'Adolf Hitler au temps du nazisme.

Pour le prince, Ali Khamenei veut "créer son propre projet au Moyen-Orient tout comme Hitler voulait s'étendre en son temps". "De nombreux pays dans le monde et en Europe n'ont pas réalisé à quel point Hitler était dangereux avant que se produise ce qui s'est produit. Je ne veux pas que la même chose arrive au Moyen-Orient."

"Ces propos n'ont pas de valeur (...) Ils émanent d'un simple d'esprit plein d'illusions qui ne prononce que des paroles amères et mensongères", a répondu le porte-parole de la diplomatie iranienne Bahram Ghassemi. "Il ferait mieux de contrôler sa langue devant plus grand que lui et surtout devant un pays puissant comme l'Iran", a-t-il ajouté.

Mohammed ben Salmane, soucieux d'offrir un visage de modernisateur dans un pays qui applique une version rigoriste de l'islam, est attendu lundi à Washington pour sa première visite aux Etats-Unis depuis qu'il a été nommé prince héritier en juin par son père, le roi Salmane. Le principal temps fort sera sa rencontre mardi avec Donald Trump, qui ne tarit pas d'éloges sur "MBS".

Depuis son arrivée à la Maison Blanche début 2017, le président américain a renforcé l'alliance avec Ryad, où il s'est rendu en mai pour son premier voyage officiel à l'étranger.

- 'L'Iran, l'Iran, l'Iran' -

Il ne semble pas prêter l'oreille aux critiques visant les purges menées par le roi et son fils au nom de la lutte anticorruption, le rôle saoudien dans la guerre au Yémen, les ingérences dans la politique libanaise ou encore la crise déclenchée en juin avec le Qatar, autre proche partenaire de Washington.

C'est qu'un ennemi commun, au Moyen-Orient, rapproche les dirigeants des deux pays: l'Iran.

Donald Trump menace de quitter l'accord conclu en 2015 avec Téhéran pour l'empêcher de se doter de l'arme atomique, jugeant que ce texte n'est pas assez strict, et qu'il ferme les yeux sur le programme balistique iranien et sur le rôle "déstabilisateur" de l'Iran dans la région.

Il a donné à ses alliés européens et au Congrès américain jusqu'à mi-mai pour trouver d'hypothétiques solutions pour remédier aux "défauts" de l'accord, faute de quoi il promet de le "déchirer".

"Où que l'on aille au Moyen-Orient, c'est l'Iran, l'Iran, l'Iran. Chaque problème n'a qu'un nom, l'Iran", a encore lancé récemment Donald Trump pour résumer ses préoccupations.

Un autre très proche allié des Etats-Unis dans la région, Israël, ne cesse de marteler les mêmes mises en garde. Son Premier ministre Benjamin Netanyahu est venu les réitérer début mars à Washington, se présentant même comme l'"indispensable allié" des pays arabes opposés à Téhéran.

La Maison Blanche, qui prépare un mystérieux plan de paix entre Israël et les Palestiniens sous la houlette de Jared Kushner, conseiller et gendre de Donald Trump qui a noué un lien personnel direct avec "MBS", compte notamment sur un rapprochement entre Israéliens et Saoudiens pour redessiner les équilibres régionaux.

Au sein de l'administration Trump, le secrétaire d'Etat Rex Tillerson était l'un des rares à nuancer parfois le soutien à Ryad, évoquant "quelques inquiétudes" après la purge sans précédent menée par le prince héritier au nom de la lutte contre la corruption, ou encore haussant le ton face à l'Arabie saoudite dans la dispute l'opposant au Qatar. Mais il a été limogé mardi par le président américain.
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