Guerre en Ukraine - Zelensky au Congrès américain, Poutine qualifie l’invasion de « succès »

Mercredi 16 Mars 2022

Vladimir Poutine a assuré mercredi que l’invasion russe de l’Ukraine était « un succès », son homologue Volodymyr Zelensky lançant lui un nouveau vibrant appel à l’aide, en pleines négociations sur une éventuelle neutralité ukrainienne.
 
L’opération militaire lancée le 24 février est « un succès », a martelé le président russe dans un discours défendant vertement l’invasion, et cela alors que l’armée russe ne peut revendiquer la prise d’aucune grande ville du pays.  
 
La Russie ne laissera jamais l’Ukraine devenir une « tête de pont » pour des « actions agressives » contre la Russie, a-t-il ajouté.  
 
Juste avant, le président Zelensky avait lui lancé par visioconférence un appel à l’aide vibrant devant le Congrès américain. Ovationné, il a de nouveau réclamé l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine.
 
« J’ai une nécessité, la nécessité de protéger notre ciel. J’ai besoin de votre décision, de votre aide », a-t-il lancé. « Est-ce trop demander de créer une zone d’exclusion aérienne […] pour sauver des gens ? Est-ce trop demander, une zone d’exclusion aérienne humanitaire ? », a-t-il ajouté, avant de faire projeter des images des Ukrainiens sous les bombes.
 
« Souvenez-vous de Pearl Harbor, ce terrible matin du 7 décembre 1941, quand votre ciel était assombri par les avions qui vous attaquaient, […] souvenez-vous du 11-Septembre, ce terrible jour de 2001 », a-t-il aussi déclaré. « Cette terreur, l’Europe ne l’a pas vécue depuis 80 ans ».
 
Le président américain Joe Biden a jusqu’ici rejeté une zone d’exclusion aérienne, de peur de voir les États-Unis et l’OTAN entraînés dans un conflit qui pourrait se transformer en 3e guerre mondiale.  
 
Il devait néanmoins annoncer mercredi après-midi une nouvelle assistance sécuritaire de 800 millions de dollars pour aider Kyiv.
 
Tués en faisant la queue
 
Ces déclarations des deux présidents interviennent sur fond d’intensification des frappes russes sur les villes ukrainiennes ces derniers jours, même si les avancées des forces de Moscou semblent au ralenti.  
 
Plus de trois millions d’Ukrainiens – dont près de la moitié d’enfants – ont déjà pris les routes de l’exil, en grande majorité vers la Pologne.
 
La capitale Kyiv, vidée de plus de la moitié de ses 3,5 millions d’habitants, est sous couvre-feu depuis mardi 20 h et jusqu’à jeudi 7 h, après que plusieurs missiles eurent touché des immeubles d’habitation lundi et mardi.  
 
Plusieurs explosions ont à nouveau été entendues à l’aube mercredi. D’épaisses colonnes de fumées noires s’élevaient peu après au-dessus de la ville, comme la veille.
 
Dans la ville de Tcherniguiv, au nord de Kyiv, dix personnes qui faisaient la queue pour acheter du pain ont été abattues mercredi par des tirs, a indiqué le parquet général ukrainien.   
 
Et plus de 500 personnes sont mortes depuis le début de la guerre dans la deuxième ville du pays, Kharkiv, proche de la frontière russe, bombardée sans répit, selon les secours ukrainiens.
 
Des frappes russes contre des civils fuyant Marioupol, ville assiégée du sud-est de l’Ukraine, ont fait mercredi « des morts » et des blessés, dont un enfant grièvement atteint, a annoncé l’armée ukrainienne.
 
Un théâtre abritant « des centaines de civils » a été fortement endommagé par une frappe aérienne russe à Marioupol, a annoncé la mairie de cette ville assiégée dans le sud-est de l’Ukraine.
 
« L’avion a largué une bombe sur le bâtiment où s’abritaient des centaines de civils. Il est impossible d’établir le bilan dans l’immédiat, car les bombardements des quartiers d’habitation se poursuivent », a écrit la mairie sur Telegram en publiant une photo du théâtre, dont la partie centrale est détruite.
 
Des milliers de personnes restent toujours coincées sous les bombardements à Marioupol, terrées dans des caves, même si quelque 20 000 personnes ont pu mardi quitter ce port stratégique sur la mer d’Azov assiégé depuis des jours, en direction de Zaporijia, à plus de 200 km au nord-ouest.  
 
Mais cette ville refuge a pour la première fois depuis le début du conflit été visée, la gare ayant été touchée mercredi par au moins un missile, apparemment sans faire de victime, selon le gouverneur régional. C’est dans cette région que se trouve la plus grande centrale nucléaire d’Europe, que les Russes occupent depuis le 4 mars.
 
« Modèle ukrainien »
 
L’offensive et la détermination des deux camps n’empêchent pas la poursuite en parallèle de pourparlers, relancés lundi par visioconférence au niveau des délégations.
 
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a indiqué mercredi que les négociateurs discutaient désormais d’« un compromis », qui ferait de l’Ukraine un pays neutre, sur le modèle de la Suède et de l’Autriche.
 
« Il y a des formules très concrètes qui, je pense, sont proches d’un accord », a affirmé aussi le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, soulignant que les pourparlers « ne sont pas faciles ».
 
Sans démentir des discussions sur une neutralité, le négociateur-en-chef ukrainien a rejeté « un modèle suédois ou autrichien » et insisté sur des « garanties de sécurité absolues » face à la Russie, dont les signataires s’engageraient à intervenir au côté de l’Ukraine en cas d’agression.  
 
« L’Ukraine est maintenant en état de guerre directe avec la Russie. Par conséquent, le modèle ne peut être qu’“ukrainien” », a déclaré Mykhaïlo Podoliak sur son compte Telegram.
 
Le président Zelensky avait estimé dans la nuit de mardi que les positions des deux camps étaient désormais « plus réalistes », tout en estimant qu’il faudrait « encore du temps pour que les décisions soient dans l’intérêt de l’Ukraine ». 
 
Il s’était dit auparavant prêt à renoncer à toute adhésion de son pays à l’OTAN, un casus belli pour la Russie.
 
M. Zelensky n’a pas caché qu’il espérait aussi obtenir une rencontre avec M. Poutine.  
 
« Il n’y a pas d’obstacle à l’organisation d’une telle rencontre », a indiqué mercredi M. Lavrov, tant que « ce n’est pas juste pour faire une photo pour internet. Il faut qu’il y ait une vraie valeur ajoutée […] pour la résolution du conflit ».  
 
Après un entretien, les chefs des Églises catholique et orthodoxe russe, le pape François et le patriarche Kirill, « ont souligné l’importance cruciale du processus de négociations en cours, exprimant l’espoir d’arriver rapidement à une paix équitable », a indiqué le patriarcat de Moscou. (AFP)
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