Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a promis jeudi de fournir « tout le nécessaire » aux soldats qui résistent aux assauts russes à Soledar et Bakhmout, deux villes de l’est du pays que la Russie tente coûte que coûte de conquérir pour changer le cours de la guerre. Signe de l’impatience et du désarroi de la Russie, Moscou a par ailleurs nommé un nouveau chef d’état-major pour diriger les opérations en Ukraine.
« Je veux souligner que les unités défendant ces villes seront approvisionnées avec des munitions et tout le nécessaire de manière rapide et ininterrompue », a lancé M. Zelensky sur Facebook après une réunion avec son état-major.
La situation à Soledar est depuis quelques jours « difficile » pour l’armée ukrainienne et « les combats les plus acharnés et les plus violents se poursuivent aujourd’hui », avait indiqué plus tôt la vice-ministre de la Défense, Ganna Maliar.
Autrefois connue pour ses mines de sel, Soledar est en effet située à 15 km au nord-est de la ville de Bakhmout que les forces russes cherchent à prendre depuis des mois.
Pour l’analyste militaire Anatoli Khramtchikhine, la prise de Soledar, petite ville d’environ 10 000 habitants avant guerre, aujourd’hui complètement détruite, permettrait à Moscou de brandir enfin une victoire militaire, après une série de revers humiliants.
« Toute victoire est importante, surtout parce qu’il n’y a pas eu de victoire depuis un moment », souligne-t-il.
Andreï Baïevskiï, député séparatiste prorusse de la région de Donetsk, souligne de son côté que la prise de Soledar permettrait de « couper les lignes d’approvisionnement » ukrainiennes qui permettent de défendre Bakhmout.
« Soledar […] ouvre [aussi] des possibilités de tirs d’artillerie en direction de Sloviansk, Kramatorsk et Kostiantynivka » plus à l’ouest, a-t-il encore observé à la télévision russe.
« Les gens ont peur »
Mercredi, le chef du groupe de mercenaires russes Wagner, Evguéni Prigojine, avait revendiqué la prise de Soledar, avant d’être rapidement contredit non seulement par Kyiv, mais aussi par le ministère russe de la Défense avec lequel il entretient des relations de rivalité.
Jeudi, le Kremlin a toutefois salué « les actions héroïques » des hommes de Wagner en première ligne.
« Il reste encore beaucoup de travail à faire », a par ailleurs relevé le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
Sur une carte de l’est de l’Ukraine publiée jeudi par le ministère russe de la Défense, Soledar n’apparaissait pas sous contrôle de l’armée de Moscou.
« Nous tenons bon », a martelé la vice-ministre Ganna Maliar, vantant « la résilience et l’héroïsme » des forces ukrainiennes.
Sans présenter de chiffres, elle a indiqué jeudi que les troupes russes qui combattent à Soledar « subissent de lourdes pertes […] en essayant sans succès de percer notre défense ».
Kyiv n’a de son côté pas chiffré ses tués et blessés dans la zone, mais Mykhaïlo Podoliak, conseiller à la présidence ukrainienne, avait reconnu mercredi « des pertes significatives », dans un entretien avec l’AFP.
Un porte-parole de l’armée ukrainienne, Serguiï Tcherevaty, a affirmé à la télévision que les Russes « attaquaient constamment » à Soledar, relevant 91 tirs d’artillerie sur la ville ces dernières 24 heures.
À Bakhmout, sous les bombes, le docteur Elena Moltchanova, 40 ans, continue tant bien que mal de prodiguer des soins aux milliers de civils, souvent âgés, qui sont restés dans la ville.
« Il n’y a pas assez de seringues et d’aiguilles à insuline. Les stocks de médicaments pour le cœur s’épuisent très rapidement », déplore-t-elle auprès de l’AFP.
Mais impossible pour elle de s’imaginer quitter la ville « tant qu’il y a des gens ici ».
Oleksiy Stepanov est venu pour le certificat de décès de son voisin de 83 ans, qui est mort chez lui. Ses fenêtres avaient été soufflées par les bombardements. « Les gens ont peur », dit-il.
Poutine change de chef en Ukraine
Face à l’échec militaire, un nouveau responsable. Moscou a choisi mercredi son chef d’état-major pour diriger les opérations en Ukraine, signe de l’impatience et du désarroi de la Russie face à une guerre qu’elle n’arrive pas à gagner, selon des experts.
Nommé fin octobre, le redouté Sergueï Sourovikine n’aura pas duré trois mois. Il est relégué au rang de numéro deux, derrière Valéri Guerassimov, qui trône au sommet de la hiérarchie militaire russe depuis dix ans.
À Moscou comme en Occident, les observateurs évoquaient jeudi l’impatience du président Vladimir Poutine face à la résistance ukrainienne, la fragilité du commandement russe en proie à des exigences irréalisables et la promesse d’une prochaine offensive majeure.
En Russie ou ailleurs, il est rarissime de désigner un chef d’état-major — Valéri Guerassimov conserve cette fonction — sur une seule opération. Celui qui coordonne, anticipe, évalue la menace globale, ne peut être celui qui commande sur le terrain.
« La dernière fois que c’est arrivé, c’était en 1941 pendant l’invasion nazie », se souvient un analyste moscovite sous couvert de l’anonymat.
Guerassimov, numéro deux dans la hiérarchie militaire derrière le ministre de la Défense, porte la valise nucléaire. « Est-ce qu’il va l’emmener avec lui » en Ukraine ? ironise-t-il. Pour lui, cette nomination « viole toutes les règles existantes » du commandement militaire. Une décision qui révèle que « les choses ne se passent pas comme prévu ».
Car près de onze mois après le début de l’invasion, la Russie ne peut que constater son enlisement.
Actuellement, les villes de Bakhmout et Soledar (Est), font l’objet de combats acharnés. « Ce n’est pas cohérent de changer le chef des opérations en pleine bataille », estime pour l’AFP Tatiana Kastouéva-Jean, chercheur sur la Russie à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
« Cela déséquilibre toute la hiérarchie, de haut en bas. Cela ne peut pas être un bon signal ».
L’offensive à venir
Les experts convergent à voir dans cette décision le signe d’une accélération de l’opération russe. Une offensive est évoquée depuis plusieurs mois et l’hypothèse d’une nouvelle mobilisation n’est pas exclue, après une première en septembre de quelque 300 000 hommes.
« Il est évident que ce remaniement signifie qu’il y a des projets d’extension de l’échelle des combats », affirme l’expert militaire russe indépendant Alexandre Khramtchikhine, pour qui le but est bien de s’assurer le contrôle effectif des régions que revendique la Russie (Louhansk, Donetsk, Kherson et Zaporijia).
Pour Mark Galeotti, du groupe de pression britannique Royal United Services Institute (RUSI), cette décision est la « confirmation, s’il en était besoin, que de sérieuses offensives sont à venir et que Poutine admet que la mauvaise coordination est un problème ».
Que pouvait faire le général Sourovikine en moins de trois mois ? Quels torts lui attribuer ? Comment justifier la valse des chefs d’une armée structurellement inefficace ? Les experts pointent l’impatience et l’opacité de l’homme fort du Kremlin.
En l’absence de succès militaires récents, Poutine constate le dénigrement croissant des performances de son armée, qui convoque les « éternelles questions russes : “à qui la faute” et “que faut-il faire” », résume sur Twitter Tatiana Stanovaya, spécialiste des élites russes.
Mais la nomination de Guerassimov n’y répond pas. « Tout le monde a l’air sous le choc : les hommes de Prigojine (le patron du groupe paramilitaire privé Wagner, NDLR), les correspondants militaires et l’armée. Un grand nombre de gens très informés semblent ne pas comprendre non plus la substance de cette décision ».
Certains évoquent le choix d’envoyer en Ukraine un homme à la fidélité indiscutable. Mais pour Mark Galeotti, « si vous n’arrêtez pas de nommer, faire tourner, griller vos étoiles, fixer des exigences irréalistes et les rétrograder arbitrairement, cela ne générera pas de la loyauté. »
Le doute russe
En changeant encore de direction militaire, Poutine ne calmera pas le doute qui habite une partie des élites de Moscou et de l’opinion russe.
Aujourd’hui monte « un mécontentement sur pourquoi nous n’avons pas gagné cette guerre », admet Alexandre Khramtchikhine, qui accuse « les mauvaises estimations au début » du conflit. Estimations, de fait, validées par Guerassimov…
Et bien des analystes voient dans ce nouveau volte-face le signe d’intrigues de palais. « La bataille de la communication autour de Soledar montre que chacun, l’armée comme Wagner, tente de tirer la couverture à lui et de s’attribuer les mérites », estime Tatiana Kastouéva-Jean.
« Il y a tout dans cette histoire : luttes intestines, luttes de pouvoir, jalousie », tranche Dara Massicot, expert de la Rand Corporation à Washington. (AFP)
« Je veux souligner que les unités défendant ces villes seront approvisionnées avec des munitions et tout le nécessaire de manière rapide et ininterrompue », a lancé M. Zelensky sur Facebook après une réunion avec son état-major.
La situation à Soledar est depuis quelques jours « difficile » pour l’armée ukrainienne et « les combats les plus acharnés et les plus violents se poursuivent aujourd’hui », avait indiqué plus tôt la vice-ministre de la Défense, Ganna Maliar.
Autrefois connue pour ses mines de sel, Soledar est en effet située à 15 km au nord-est de la ville de Bakhmout que les forces russes cherchent à prendre depuis des mois.
Pour l’analyste militaire Anatoli Khramtchikhine, la prise de Soledar, petite ville d’environ 10 000 habitants avant guerre, aujourd’hui complètement détruite, permettrait à Moscou de brandir enfin une victoire militaire, après une série de revers humiliants.
« Toute victoire est importante, surtout parce qu’il n’y a pas eu de victoire depuis un moment », souligne-t-il.
Andreï Baïevskiï, député séparatiste prorusse de la région de Donetsk, souligne de son côté que la prise de Soledar permettrait de « couper les lignes d’approvisionnement » ukrainiennes qui permettent de défendre Bakhmout.
« Soledar […] ouvre [aussi] des possibilités de tirs d’artillerie en direction de Sloviansk, Kramatorsk et Kostiantynivka » plus à l’ouest, a-t-il encore observé à la télévision russe.
« Les gens ont peur »
Mercredi, le chef du groupe de mercenaires russes Wagner, Evguéni Prigojine, avait revendiqué la prise de Soledar, avant d’être rapidement contredit non seulement par Kyiv, mais aussi par le ministère russe de la Défense avec lequel il entretient des relations de rivalité.
Jeudi, le Kremlin a toutefois salué « les actions héroïques » des hommes de Wagner en première ligne.
« Il reste encore beaucoup de travail à faire », a par ailleurs relevé le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
Sur une carte de l’est de l’Ukraine publiée jeudi par le ministère russe de la Défense, Soledar n’apparaissait pas sous contrôle de l’armée de Moscou.
« Nous tenons bon », a martelé la vice-ministre Ganna Maliar, vantant « la résilience et l’héroïsme » des forces ukrainiennes.
Sans présenter de chiffres, elle a indiqué jeudi que les troupes russes qui combattent à Soledar « subissent de lourdes pertes […] en essayant sans succès de percer notre défense ».
Kyiv n’a de son côté pas chiffré ses tués et blessés dans la zone, mais Mykhaïlo Podoliak, conseiller à la présidence ukrainienne, avait reconnu mercredi « des pertes significatives », dans un entretien avec l’AFP.
Un porte-parole de l’armée ukrainienne, Serguiï Tcherevaty, a affirmé à la télévision que les Russes « attaquaient constamment » à Soledar, relevant 91 tirs d’artillerie sur la ville ces dernières 24 heures.
À Bakhmout, sous les bombes, le docteur Elena Moltchanova, 40 ans, continue tant bien que mal de prodiguer des soins aux milliers de civils, souvent âgés, qui sont restés dans la ville.
« Il n’y a pas assez de seringues et d’aiguilles à insuline. Les stocks de médicaments pour le cœur s’épuisent très rapidement », déplore-t-elle auprès de l’AFP.
Mais impossible pour elle de s’imaginer quitter la ville « tant qu’il y a des gens ici ».
Oleksiy Stepanov est venu pour le certificat de décès de son voisin de 83 ans, qui est mort chez lui. Ses fenêtres avaient été soufflées par les bombardements. « Les gens ont peur », dit-il.
Poutine change de chef en Ukraine
Face à l’échec militaire, un nouveau responsable. Moscou a choisi mercredi son chef d’état-major pour diriger les opérations en Ukraine, signe de l’impatience et du désarroi de la Russie face à une guerre qu’elle n’arrive pas à gagner, selon des experts.
Nommé fin octobre, le redouté Sergueï Sourovikine n’aura pas duré trois mois. Il est relégué au rang de numéro deux, derrière Valéri Guerassimov, qui trône au sommet de la hiérarchie militaire russe depuis dix ans.
À Moscou comme en Occident, les observateurs évoquaient jeudi l’impatience du président Vladimir Poutine face à la résistance ukrainienne, la fragilité du commandement russe en proie à des exigences irréalisables et la promesse d’une prochaine offensive majeure.
En Russie ou ailleurs, il est rarissime de désigner un chef d’état-major — Valéri Guerassimov conserve cette fonction — sur une seule opération. Celui qui coordonne, anticipe, évalue la menace globale, ne peut être celui qui commande sur le terrain.
« La dernière fois que c’est arrivé, c’était en 1941 pendant l’invasion nazie », se souvient un analyste moscovite sous couvert de l’anonymat.
Guerassimov, numéro deux dans la hiérarchie militaire derrière le ministre de la Défense, porte la valise nucléaire. « Est-ce qu’il va l’emmener avec lui » en Ukraine ? ironise-t-il. Pour lui, cette nomination « viole toutes les règles existantes » du commandement militaire. Une décision qui révèle que « les choses ne se passent pas comme prévu ».
Car près de onze mois après le début de l’invasion, la Russie ne peut que constater son enlisement.
Actuellement, les villes de Bakhmout et Soledar (Est), font l’objet de combats acharnés. « Ce n’est pas cohérent de changer le chef des opérations en pleine bataille », estime pour l’AFP Tatiana Kastouéva-Jean, chercheur sur la Russie à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
« Cela déséquilibre toute la hiérarchie, de haut en bas. Cela ne peut pas être un bon signal ».
L’offensive à venir
Les experts convergent à voir dans cette décision le signe d’une accélération de l’opération russe. Une offensive est évoquée depuis plusieurs mois et l’hypothèse d’une nouvelle mobilisation n’est pas exclue, après une première en septembre de quelque 300 000 hommes.
« Il est évident que ce remaniement signifie qu’il y a des projets d’extension de l’échelle des combats », affirme l’expert militaire russe indépendant Alexandre Khramtchikhine, pour qui le but est bien de s’assurer le contrôle effectif des régions que revendique la Russie (Louhansk, Donetsk, Kherson et Zaporijia).
Pour Mark Galeotti, du groupe de pression britannique Royal United Services Institute (RUSI), cette décision est la « confirmation, s’il en était besoin, que de sérieuses offensives sont à venir et que Poutine admet que la mauvaise coordination est un problème ».
Que pouvait faire le général Sourovikine en moins de trois mois ? Quels torts lui attribuer ? Comment justifier la valse des chefs d’une armée structurellement inefficace ? Les experts pointent l’impatience et l’opacité de l’homme fort du Kremlin.
En l’absence de succès militaires récents, Poutine constate le dénigrement croissant des performances de son armée, qui convoque les « éternelles questions russes : “à qui la faute” et “que faut-il faire” », résume sur Twitter Tatiana Stanovaya, spécialiste des élites russes.
Mais la nomination de Guerassimov n’y répond pas. « Tout le monde a l’air sous le choc : les hommes de Prigojine (le patron du groupe paramilitaire privé Wagner, NDLR), les correspondants militaires et l’armée. Un grand nombre de gens très informés semblent ne pas comprendre non plus la substance de cette décision ».
Certains évoquent le choix d’envoyer en Ukraine un homme à la fidélité indiscutable. Mais pour Mark Galeotti, « si vous n’arrêtez pas de nommer, faire tourner, griller vos étoiles, fixer des exigences irréalistes et les rétrograder arbitrairement, cela ne générera pas de la loyauté. »
Le doute russe
En changeant encore de direction militaire, Poutine ne calmera pas le doute qui habite une partie des élites de Moscou et de l’opinion russe.
Aujourd’hui monte « un mécontentement sur pourquoi nous n’avons pas gagné cette guerre », admet Alexandre Khramtchikhine, qui accuse « les mauvaises estimations au début » du conflit. Estimations, de fait, validées par Guerassimov…
Et bien des analystes voient dans ce nouveau volte-face le signe d’intrigues de palais. « La bataille de la communication autour de Soledar montre que chacun, l’armée comme Wagner, tente de tirer la couverture à lui et de s’attribuer les mérites », estime Tatiana Kastouéva-Jean.
« Il y a tout dans cette histoire : luttes intestines, luttes de pouvoir, jalousie », tranche Dara Massicot, expert de la Rand Corporation à Washington. (AFP)