L'ex-dictateur guinéen Moussa Dadis Camara et dix anciens officiels militaires et gouvernementaux ont comparu mercredi pour la première fois devant un tribunal de Conakry où ils doivent répondre du massacre, des tortures et autres viols commis en masse le 28 septembre 2009 et juste après, un procès réclamé depuis des années par les victimes.
Des dizaines de victimes dans les travées supérieures du prétoire flambant neuf et des dizaines de journalistes et d'officiels au parterre ont assisté à la scène exceptionnelle d'un juge en robe rouge à col blanc donner lecture du haut d'une tribune drapée dans les couleurs nationales à un ancien chef de l'Etat des charges pesant contre lui.
"Vous comparaissez devant ce tribunal pour avoir (...) en pleine connaissance de cause, par provocation, fourniture d'instructions, participé aux meurtres et aux assassinats commis" dans un stade de la banlieue de Conakry et autour le 28 septembre 2009, a déclamé le président Ibrahima Sory Tounkara d'un ton ferme dénué d'emphase à l'attention du capitaine Camara et, tour à tour, des dix co-accusés présents.
Moussa Dadis Camara et les autres sont aussi accusés d'une litanie de crimes de violences sexuelles, actes de torture, enlèvements et séquestrations, incendies et pillages.
Le capitaine Camara, comme les autres, a écouté avec attention et sans trahir d'émotion la cour lui notifier les chefs d'accusation après lui avoir fait décliner brièvement son identité, sa situation matrimoniale ("marié, père de cinq enfants") et professionnelle ("militaire") et son matricule. Tous sont des soldats ou des gendarmes de grades divers. Le président a choisi de ne pas leur demander s'ils plaidaient ou non coupables.
Puis il a levé l'audience jusqu'au 4 octobre à la demande de la défense qui s'est plainte de n'avoir reçu le dossier que la veille. Le procès est supposé durer plusieurs mois.
- "Ils payeront" -
Strictement procédurale, cette ouverture de procès a quand même fait le bonheur d'Asmaou Diallo, présidente de l'Association des victimes, parents et amis du 28-Septembre-2009. "Ce n'est qu'un début, mais je vous dis que c'est le plus beau jour de ma vie: voir ces bourreaux, Moussa Dadis Camara en tête, dans le box des accusés, c'est incroyable mais vrai, et nous remercions le bon Dieu de nous avoir prêté vie jusqu'à ce jour".
"Ils payeront leur forfaiture", a-t-elle prédit.
Les victimes attendaient depuis longtemps ce procès historique, le premier du genre dans un pays dirigé pendant des décennies par des régimes autoritaires, où l'impunité de forces de sécurité quasiment intouchables a été érigée en "institution", selon une commission d'enquête internationale.
Le 28 septembre 2009, les Bérets rouges de la garde présidentielle, des policiers, gendarmes et miliciens avaient fait couler le sang en réprimant un rassemblement de dizaines de milliers de sympathisants de l'opposition, réunis dans un stade de la banlieue de Conakry pour démontrer pacifiquement leur force et dissuader M. Camara de se présenter à la présidentielle de janvier 2010.
Les exactions, perpétrées avec une cruauté effrénée et une froideur inhumaine selon les témoins, ont continué pendant plusieurs jours contre des femmes séquestrées et des détenus torturés.
Au cours de ces journées, au moins 156 personnes ont été tuées et des centaines blessées et au moins 109 femmes ont été violées, selon le rapport d'une commission d'enquête internationale mandatée par l'ONU.
Les chiffres réels sont probablement plus élevés.
Fait exceptionnel, la cour a autorisé pour l'Histoire la présence des caméras dans le prétoire flambant neuf, inauguré juste avant le procès. La séance a été retransmise en direct par la télévision nationale.
Karim Khan, procureur de la Cour pénale internationale, institution susceptible de se substituer à l'Etat guinéen si celui-ci manquait à rendre justice, a salué l'instant.
Mais, a-t-il ajouté, "ce n'est que le début d'un processus", et la CPI suivra "de très près" l'évolution du procès.
- Laver son honneur -
La commission internationale impute au capitaine Camara une "responsabilité criminelle personnelle" dans les évènements, car les officiers et les unités impliqués répondaient à son commandement et, qu'il ait ou non donné l'ordre de perpétrer les crimes, il n'a rien fait pour les empêcher.
Porté au pouvoir par un coup d'Etat neuf mois auparavant, écarté quelques mois après le massacre, exilé depuis au Burkina Faso, le capitaine Camara, 58 ans, est rentré dans la nuit de samedi à dimanche à Conakry pour participer à son procès et, selon ses proches, "laver (son) honneur".
Il a pour la première fois dormi en prison. La justice a ordonné mardi son placement en détention ainsi que celui de ses co-accusés encore libres.
Les atermoiements du pouvoir ont longtemps fait douter de la tenue de ce procès. Le manque de volonté politique et la peur apparente de ranimer de vieux démons ont été mis en cause pour expliquer les retards.
Le procès s'est finalement ouvert sous un nouveau chef de junte, le colonel Mamady Doumbouya, arrivé au pouvoir par la force en 2021.
Les défenseurs des droits rappellent cependant le tour de vis donné ces derniers mois aux libertés, et réclament que le procès ne soit pas un faux-semblant. (AFP)
Des dizaines de victimes dans les travées supérieures du prétoire flambant neuf et des dizaines de journalistes et d'officiels au parterre ont assisté à la scène exceptionnelle d'un juge en robe rouge à col blanc donner lecture du haut d'une tribune drapée dans les couleurs nationales à un ancien chef de l'Etat des charges pesant contre lui.
"Vous comparaissez devant ce tribunal pour avoir (...) en pleine connaissance de cause, par provocation, fourniture d'instructions, participé aux meurtres et aux assassinats commis" dans un stade de la banlieue de Conakry et autour le 28 septembre 2009, a déclamé le président Ibrahima Sory Tounkara d'un ton ferme dénué d'emphase à l'attention du capitaine Camara et, tour à tour, des dix co-accusés présents.
Moussa Dadis Camara et les autres sont aussi accusés d'une litanie de crimes de violences sexuelles, actes de torture, enlèvements et séquestrations, incendies et pillages.
Le capitaine Camara, comme les autres, a écouté avec attention et sans trahir d'émotion la cour lui notifier les chefs d'accusation après lui avoir fait décliner brièvement son identité, sa situation matrimoniale ("marié, père de cinq enfants") et professionnelle ("militaire") et son matricule. Tous sont des soldats ou des gendarmes de grades divers. Le président a choisi de ne pas leur demander s'ils plaidaient ou non coupables.
Puis il a levé l'audience jusqu'au 4 octobre à la demande de la défense qui s'est plainte de n'avoir reçu le dossier que la veille. Le procès est supposé durer plusieurs mois.
- "Ils payeront" -
Strictement procédurale, cette ouverture de procès a quand même fait le bonheur d'Asmaou Diallo, présidente de l'Association des victimes, parents et amis du 28-Septembre-2009. "Ce n'est qu'un début, mais je vous dis que c'est le plus beau jour de ma vie: voir ces bourreaux, Moussa Dadis Camara en tête, dans le box des accusés, c'est incroyable mais vrai, et nous remercions le bon Dieu de nous avoir prêté vie jusqu'à ce jour".
"Ils payeront leur forfaiture", a-t-elle prédit.
Les victimes attendaient depuis longtemps ce procès historique, le premier du genre dans un pays dirigé pendant des décennies par des régimes autoritaires, où l'impunité de forces de sécurité quasiment intouchables a été érigée en "institution", selon une commission d'enquête internationale.
Le 28 septembre 2009, les Bérets rouges de la garde présidentielle, des policiers, gendarmes et miliciens avaient fait couler le sang en réprimant un rassemblement de dizaines de milliers de sympathisants de l'opposition, réunis dans un stade de la banlieue de Conakry pour démontrer pacifiquement leur force et dissuader M. Camara de se présenter à la présidentielle de janvier 2010.
Les exactions, perpétrées avec une cruauté effrénée et une froideur inhumaine selon les témoins, ont continué pendant plusieurs jours contre des femmes séquestrées et des détenus torturés.
Au cours de ces journées, au moins 156 personnes ont été tuées et des centaines blessées et au moins 109 femmes ont été violées, selon le rapport d'une commission d'enquête internationale mandatée par l'ONU.
Les chiffres réels sont probablement plus élevés.
Fait exceptionnel, la cour a autorisé pour l'Histoire la présence des caméras dans le prétoire flambant neuf, inauguré juste avant le procès. La séance a été retransmise en direct par la télévision nationale.
Karim Khan, procureur de la Cour pénale internationale, institution susceptible de se substituer à l'Etat guinéen si celui-ci manquait à rendre justice, a salué l'instant.
Mais, a-t-il ajouté, "ce n'est que le début d'un processus", et la CPI suivra "de très près" l'évolution du procès.
- Laver son honneur -
La commission internationale impute au capitaine Camara une "responsabilité criminelle personnelle" dans les évènements, car les officiers et les unités impliqués répondaient à son commandement et, qu'il ait ou non donné l'ordre de perpétrer les crimes, il n'a rien fait pour les empêcher.
Porté au pouvoir par un coup d'Etat neuf mois auparavant, écarté quelques mois après le massacre, exilé depuis au Burkina Faso, le capitaine Camara, 58 ans, est rentré dans la nuit de samedi à dimanche à Conakry pour participer à son procès et, selon ses proches, "laver (son) honneur".
Il a pour la première fois dormi en prison. La justice a ordonné mardi son placement en détention ainsi que celui de ses co-accusés encore libres.
Les atermoiements du pouvoir ont longtemps fait douter de la tenue de ce procès. Le manque de volonté politique et la peur apparente de ranimer de vieux démons ont été mis en cause pour expliquer les retards.
Le procès s'est finalement ouvert sous un nouveau chef de junte, le colonel Mamady Doumbouya, arrivé au pouvoir par la force en 2021.
Les défenseurs des droits rappellent cependant le tour de vis donné ces derniers mois aux libertés, et réclament que le procès ne soit pas un faux-semblant. (AFP)