Hissein Habré, le risque d’une (presque) peine capitale

Vendredi 29 Avril 2016

La main – que dis-je - la voix du Procureur général près les Chambres africaines extraordinaires n’a pas trembloté quand est venu le moment de demander aux juges du procès Habré la réclusion à perpétuité assortie de la confiscation de tous biens connus et disponibles contre l’ex-chef d’Etat tchadien. Dans la salle 4 du Palais de justice Lat-Dior de Dakar, pas de surprise outre mesure ni de signe de désenchantement non plus au prononcé du verdict souhaité par Mbacké Fall et ses collègues du parquet général.


En fin de compte, c’est la logique et le sens des plaidoiries qui ont été implacablement respectés par le Procureur général, au regard de la gravité des faits que lui-même et les parties civiles constituées ont développée pendant trois jours d’affilée. Accusé d’être à la fois «concepteur, planificateur, exécuteur» de crimes et de violations massives de droits de l’homme au cours de ses huit années de présidence, Hissein Habré est omniprésent au long des 210 pages de réquisitions du PG, mais également sur le «terrain des opérations», selon les victimes et le ministère public.
On le trouve à Ambing, dans la banlieue de Ndjamena, où 149 prisonniers de guerre auraient été ensevelis dans des fosses communes. Le 150e prisonnier qui a réussi à sauver sa peau s’appelle Bichara Djibril Ahmat, devenu le whistleblower (lanceur d’alerte) de ce dossier. On le retrouve à Faya-Largeau lorsque des cadres politiques du GUNT de Goukouni Oueddei auraient été surpris et exécutés par des éléments fidèles à l’ex-maître du Tchad. 
 
On le rattrape à Amral-Goz, à la sortie nord de Ndjamena, où des contenus de fosses commune semblent avoir été agressés par des habitats sauvages développés sur place.  On le retrouve à Ouadi-Doum et à Kalaït où, selon procureurs et avocats, des groupes de femmes et de jeunes filles sont livrés à une soldatesque qui serait en état de sevrage sexuel avancé. Mais aussi à Koumra, Ngalo, Kélo, dans ces innocentes localités du grand Sud tchadien où nous avons eu l’occasion de regarder une autre réalité du Tchad.
On le rencontre à Déli, cette ferme de plusieurs dizaines d’hectares à la végétation verdoyante fanfaronnant contre les dérèglements climatiques mais qui aurait été souillée par 21 corps de citoyens Tchadiens pris au piège d’une fausse promesse présidentielle. Septembre noir. On le retrouve aux Locaux, à la Piscine, etc. On le retrouve...
  
Ainsi a été construite la colonne vertébrale de la démonstration des avocats des parties civiles et du parquet général : il est capital pour eux en effet que la responsabilité pénale personnelle du «Lion de l’Unir» (Union nationale pour l’indépendance et la révolution) soit assise. Au mois de mai 2016, le verdict final dira ce qu’il en aura été.
La perpétuité pour Hissein Habré, cela équivaudrait à une peine de mort en douceur pour cet homme, rebelle éternel, qui n’a pas souhaité se défendre des graves accusations portées contre lui. Mais rien n’est encore gagné pour les milliers de victimes tchadiennes (et sénégalaises, quand même) tant que la souveraineté des juges de la Chambre d’assise extraordinaire n’aura pas clamé son intime conviction.
Ce jeudi 11 et ce vendredi 12 février, les avocats commis d’office de Hissein Habré auront la lourde tâche de sortir leur client des griffes acérées du Parquet général et des serres aiguisées des avocats des parties civiles. Nous y reviendrons ce soir.
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