Il faut arrêter l’ethnisme politique de Macky Sall (Par Guy Marius Sagna)

Lundi 10 Septembre 2018

Nous savons par Wikileaks que le 03 décembre 2008, le conseiller politique et PolOff de l’ambassade des Etats-Unis au Sénégal ont rencontré le président, à l’époque, récemment déchu de l'Assemblée nationale, Macky Sall. Le câble de l’ambassade yankee conclut ceci :
 
« 12. (C) Enfin, la base ethnique de soutien à Sall, qui compte sur le soutien des Alpular et des Serer en raison de sa filiation et de celle de sa femme, pourrait constituer un signe inquiétant. En combinaison avec la gestion ethnique des circonscriptions électorales par Wade et son influence dans le processus politique, cela pourrait être le début d'un rôle plus actif de l'ethnicité dans la vie politique sénégalaise. En outre, Sall compte sur le soutien du groupe religieux des Mourides, comme Wade l’a fait. Cette implication manifeste des chefs religieux et la manipulation de l'identité religieuse à des fins politiques pourraient potentiellement représenter une érosion de la tradition de tolérance du Sénégal. Fin du commentaire. BERNICAT ».
 
La pratique politique du président Macky Sall de 2012 à nos jours n’a fait que confirmer la place de plus en plus importante au Sénégal de l’ethnisme politique. Le premier et principal responsable est : l’homme de l’impérialisme – particulièrement de l’impérialisme français - au Sénégal. S’il y a des dérives à condamner, à arrêter, ce sont les dérives ethnistes sérieuses et graves du président de la république.
 
Rwandisation ou ivoirisation du Sénégal ?
 
Que le président de la république du Sénégal soit d’une ethnie est tout à fait normal.
Qu’il n’arrête pas de montrer ses penchants pour celle-ci, la constitution le lui interdit.
Qu’il persiste dans ce sens anticonstitutionnel dans notre Sénégal où coexistent plusieurs ethnies relève d’une tentative de manipulation aussi irresponsable qu’inacceptable. C’est une dangereuse provocation. Et les patriotes de toutes les ethnies doivent le condamner énergiquement. En faisant ouvertement allusion à son appartenance ethnique, et régulièrement, le président de la république rame à contre courant de l’interdiction constitutionnelle et progressiste de l’ethnicisme politique.
 
Toute l’Afrique avec ses Etats multinationaux est un potentiel Rwanda ou une potentielle Côte d’Ivoire minée par le concept de « l’ivoirité ».
 
Le président de la république lors de son audience avec les membres de l’APR de Matam a déclaré : « Si ma réélection ne dépendait que du département de Matam, je n’aurais même pas à battre campagne. Vous êtes un exemple dans le parti et je sais que, avec votre unité, vous pouvez gagner vos communes à 100%. Ce sont des zones comme Dakar qu’il faudra renforce ». Et la presse d’ajouter que le président de la république pense gagner à « 90% » à Fatick. Sur quoi compte le président pour annoncer que le 24 février prochain, date de l’élection présidentielle, que tous les sénégalais de Matam qui iront voter ce jour, voteront pour lui ? Mais surtout, le président en dit aux Sénégalais de Matam qu’ils doivent voter pour lui car il est de la même ethnie qu’eux. Il dit aussi à la délégation de 300 membres en provenance de Matam qu’il a rencontré : quand vous rentrerez à Matam, faîtes campagne pour moi en jouant sur la fibre ethnique.
 
En diffusant sur les réseaux sociaux une photo du couple présidentiel avec le khalife général des tidianes recevant une valise de l’épouse du président, l’objectif de manipulation confrérique est flagrant.
 
Re-mondialisation capitaliste : ethnisme politique ou anti-impérialisme ?
 
Le Sénégal va mal. Très mal même.
300.000 nouveaux demandeurs d’emploi chaque année auxquels le président de la république et son gouvernement n’offrent même pas 30.000 emplois. Taux de préscolarisation de 17,5%. Taux d’échecs au baccalauréat supérieur à 60%. Au 29 juin 2018, 3 millions 203 mille 977 Sénégalais risquaient la crise alimentaire et nutritionnelle. 64% des PME meurent avant d’avoir trois ans. 54% de taux d’analphabétisme…
 
Cette situation est le résultat des politiques de recolonisation qui passent par les diktats du Fmi et de la Banque mondiale, le franc CFA néocolonial, l’accaparement des ressources (pétrole, zircon, ressources halieutiques…), le retour des comptoirs commerciaux coloniaux (Auchan, Leclerc…), la marginalisation du patronat sénégalais, la cannibalisation des commerçants sénégalais, la signature de l’APE…
 
Quand un président, homme de main de l’impérialisme, veut être réélu alors qu’avec ses politiques anti-nationales il ne fait qu’opprimer son peuple, ses options ne sont pas nombreuses. Soit il vole les élections (empêcher des adversaires de participer à l’élection en les emprisonnant, en les passant au filtre du parrainage, en retenant les cartes d’électeurs…). Soit il fait dans la manipulation des sentiments religieux, confrériques et ethniques. Soit (en réalité c’est ce qui se passe) il combine les deux.
 
L’utilisation des sentiments religieux et ethniques est une arme que tous les oppresseurs utilisent pour diviser les peuples et les travailleurs afin de mieux les opprimer. L’impérialisme et ses valets usent beaucoup de ces manipulations.
 
Les démocrates et anti impérialistes de toutes les ethnies et confréries religieuses du Sénégal doivent condamner fermement les dérives du président-candidat. L’ennemi ce n’est pas le Peulh, le Bassari ou le Wolof mais les politiques de pillage du Sénégal par l’alliance de la bourgeoisie bureaucratique actuellement au pouvoir et de l’impérialisme. Le mal du Sénégal ce n’est ni le tidiane, ni le mouride ni l’animiste mais les politiques de recolonisations qui déroulent le tapis rouge à Orange, Auchan, Africom, les bases militaires étrangères, Necotrans, Bolloré…
 
Il est de la responsabilité des démocrates et progressistes sénégalais d’expliquer cela au peuple afin d’édifier un rapport de force qui permet de chasser les apprentis sorciers qui invoquent des puissances inflammables qui met en danger le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest.

Ce n’est pas l’ethnisme mais la libération nationale qui nous sortira du drame de la re-mondialisation capitaliste que vivent tragiquement les peuples et travailleurs opprimés.
 
 Dakar, le 09 septembre 2018
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