Confrontés aux accusations chiffrées du premier ministre et de son gouvernement sur sa gestion de la dette et du déficit public, l’ancien président sénégalais les dément par la réthorique et s’accroche aux « résultats visibles » de sa gouvernance.
Vingt jours après la sortie du gouvernement l’accusant de falsification et de dissimulation de certains indicateurs des comptes publics, l’ancien président Macky Sall a profité d’un passage à Londres pour répliquer à Ousmane Sonko. « Je regrette les propos du premier ministre qui sont totalement faux », a-t-il réagi sur la chaîne Bloomberg TV.
Le 26 septembre 2024, le chef du gouvernement Ousmane Sonko et son ministre de l’Economie du Plan et de la Coopération Abdourahmane Sarr avaient annoncé les chiffres « cachés » du déficit budgétaire et de l’endettement du Sénégal. Ils sont issus des résultats préliminaires de l’audit des finances publiques réalisé par l’Inspection générale des Finances (IGF) du ministère des Finances et du Budget (MFB). Cet audit doit être certifié par la Cour des comptes.
Selon Abdourahmane Sarr, le déficit budgétaire annoncé à 5,5 % du PIB sur la période 2019-2023 est presque deux fois plus élevé : 10,4 %. Pour la dette publique, elle serait en réalité de 76,3 % du PIB et non 65,9 % comme annoncé par l’ancien régime.
Macky Sall a pointé du doigt des déclarations « confuses » qui « ont conduit à une dégradation de la note du Sénégal » par Moody’s. L’agence de notation a en effet revu à la baisse la note du Sénégal en la faisant passer de « Ba3 à perspective stable à B1 avec une mise sous surveillance », selon un communiqué du MFB en date du 4 octobre 2024.
Pour l’ancien président sénégalais, « il ne faut pas se mettre dans la tête que l’on peut se developper sans dette » Car « cela n’est pas possible. A cet égard, Macky Sall appelle Ousmane Sonko à « ne pas confondre emprunter pour financer le développement et parler de surendettement ».
En ce qui concerne la dette de l’Etat central, Abdourahmane Sarr avait indiqué qu’elle a été trouvée à l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye à 15 664 milliards de francs CFA, et non à 13 773 milliards de francs CFA comme écrit dans le rapport de l’ancienne équipe du MFB.
Cet écart de 1891 milliards de francs CFA concernant la dette publique ainsi que le « traficotage » du déficit public sont considérés par Ousmane Sonko comme une politique de dissimulation mise en oeuvre par l’ancien régime pour mieux appâter les partenaires techniques et financiers du Sénégal;
Ce dont se défend Macky Sall. Sans apporter de contradictions chiffrées aux accusations précises du gouvernement, l’ancien chef de l’Etat sénégalais clame sa bonne foi en jurant avoir laissé à son successeur « un pays où les indicateurs étaient au vert » et jouissant de la confiance des bailleurs de fonds.
«Les résultats des investissements de mon administration sont tellement visibles qu’il ne devrait même pas y avoir de débat », soutient Macky Sall.
En attendant la certification de l’audit des finances publiques par la Cour des comptes, le ministre de la Justice Ousmane Diagne, présent lors du point de presse gouvernemental, avait déclaré que les manipulations présumées des comptes publics « semblent revenir une qualification pénale que les autorités judiciaires compétentes vont devoir saisir. »
Outre Macky Sall, le premier ministre Ousmane Sonko avait également ciblé les deux derniers ministres des Finances et du Budget Mamadou Moustapha Ba et Abdoulaye Daouda Diallo, ainsi que l’ancien premier ministre Amadou Ba. Les trois n’ont pas encore réagi.