Par Ahmadou Makhtar Kanté (*)
Du culte et de la bonne œuvre en islam
Tout au long de mon parcours dans la compréhension de l’islam, je me suis rendu compte peu à peu qu’une dimension importante des enseignements de cette religion était soit négligée, soit mal comprise. Par exemple, la notion de « bonne œuvre » (‘amalounsâlih) qui traverse tout le texte coranique, ainsi que les hadiths(propos du prophète - PSL), ont été souvent réduits au domaine des actes strictement cultuels (‘ibâdât). Selon cette compréhension, ce qui importe pour le musulman, c’est d’adorer Dieu à travers l’accomplissement des commandements relatifs au culte, à savoir, la prière, le jeûne, la Zakât, le pèlerinage, la lecture du Coran, le Zikr (souvenir de Dieu à travers la répétition de paroles sacrées), etc.
En vérité, il existe nombre de commandements qui concernent les relations entre les humains, et entre les humains et les non humains. Selon cette compréhension large ou ouverte des enseignements de l’Islam, la bonne œuvre ne se réduit pas à l’observation des obligations vis-à-vis de Dieu et la mauvaise œuvre (le péché) ne se limite pas elle non plus à l’inobservation des obligations envers Lui. La bonne œuvre doit être comprise comme le respect des obligations, pour le croyant bien entendu, envers Dieu et envers la Création. C’est ainsi que j’en suis arrivé à penser qu’il est possible d’apporter des réponses pertinentes aux questions environnementales à travers le registre de la « bonne œuvre » en Islam.
Les actes cultuels qui rythment la vie du musulman sont destinés à perpétuer le souvenir de Dieu en son for intérieur et à montrer que le musulman assume son choix de vouloir être en conformité avec ce que Celui-ci attend de lui : « Je n’ai créé les jinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent »(Coran, 51 : 56).Dans ce cadre, la définition du théologien Ibn Taymiya emporte l’adhésion de nombre de savants pour sa simplicité, en voici la quintessence : « Est œuvre d’adoration toute action ou parole cachée ou apparente aimée et agréée de Dieu ».Il en découle que les actions et les paroles du croyant peuvent être « ‘amalounsâlih »(bonne œuvre), si elles ont pour but ultime l’obtention de l’agrément de Dieu et si elles respectent Sa Loi.
Un fondement à la sauvegarde de la terre et de la vie humaine peut être trouvé dans ce récit coranique des origines : « Et lorsque ton Seigneur dit aux anges : “Je vais établir sur terre un vicaire” Ils dirent : Quoi ? Vas-tu y établir quelqu’un qui y sèmera le désordre et y répandra le sang ? Alors que nous, nous glorifions Ta louange, et proclamons Ta Sainteté. Le Seigneur dit : Je sais ce que vous ne savez pas. » (Coran, 2 : 30).Dieu informa les anges de sa volonté d’installer sur terre un khalîfah (calife). Ces derniers ont répondu par des propos desquels il ressort : (i) un souci de l’ordre sur terre. (ii) un souci de la vie humaine. (iii) une inquiétude sur la capacité du nouveau calife à être à la hauteur de sa mission. Ils mettent en avant leur activité cultuelle inlassable articulée à la célébration de la louange de Dieu et de Sa gloire. Dieu leur répond par la perfection de sa science, pour le reste c’est le temps qui édifiera les anges.
Le Coran se porte garant de la noblesse de caractère du prophète (PSL) et le donne en modèle, même s’il faudra bien distinguer le champ où s’applique cette obligation de le suivre et le champ où il est loisible à l’homme de faire preuve de créativité : « Et tu es certes d’une moralité éminente » (Coran, 68 : 4) ; « En effet vous avez dans le Prophète un excellent modèle,pour quiconque espère en Allah et au Jour dernier et invoque Allah fréquemment » (Coran, 33 : 21). Un autre argument de taille est que la mission du Prophète (PSL) est une émanation universelle de la miséricorde divine : « Et Nous ne t'avons envoyé qu'en tant que miséricorde pour l'univers » (Coran, 21 : 107).
Toutes les créatures devraient pouvoir bénéficier de cette miséricorde qui accompagne la venue et la mission du Prophète (PSL). Dans cette optique, il est très instructif de rechercher ce que les enseignements et actes du Prophète (PSL) donnent à comprendre du thème de l’environnement. Les Hadiths rapportent qu’il sensibilisa beaucoup sa communauté sur le gaspillage, la sauvegarde d’un cadre de vie décent, le respect de toute vie, la revivification de la terre morte, la plantation d’arbres, etc. Ainsi, le prophète dit : « Dans cette vie belle et douce, Dieu a fait de vous ses lieutenants » (Hadith rapporté par Mouslim) ; «Gardez-vous des trois sources de malédiction : la pollution excrémentielle des points d’eau, de la voie publique et de l’ombre où s’assoient les gens."(Abou Daoud et Ibn Maja). Dans le registre du culte, au sens strict du terme, le prophète (PSL) a interdit le gaspillage, même durant les ablutions : « D'après 'Abdallah Ibn 'Amr (qu'Allah les agrée), le Prophète (PSL) est passé près de Sa'd (qu'Allah l'agrée) alors qu'il faisait les ablutions et lui dit : « Qu'est-ce que ce gaspillage ÔSa'd ?! ».Sa'd (qu'Allah l'agrée) répondit : Y a-t-il du gaspillage dans les ablutions ?Le Prophète (PSL) dit : « Oui, même si tu es au bord d'un cours d’eau ». (Rapporté par Ahmad)
Arrivé à Yathrib, qui deviendra Médine lors de l’Hégire, le prophète (PSL) entreprend de grandes actions d’assainissement et d’hygiène publique. Dans le contexte mental et les pratiques populaires de l’époque, les enseignements et pratiques du prophète (PSL) afférents à ce que l’on appelle aujourd’hui « le cadre de vie » ont revêtu un caractère novateur et salutaire. Un autre exemple : dans ce qui peut être interprété comme un souci de l’autre et du lointain, le prophète (PSL) recommande de tout faire pour la plantation d’un arbre, même dans les conditions extrêmes de la fin du monde : « Si l'Heure (la fin des temps) arrive, trouvant l'un de vous en possession d’une jeune pousse, qu’il fasse tout son possible pour la planter » (Hadith rapporté par Ahmad).
Récits coraniques sur le paradis perdu : enseignements sur la crise humaine et écologique
Les lignes qui suivent présentent la façon dont les enseignements de l’Islam aident à comprendre les origines ou racines profondes de la crise écologique et humaineet ses modalités en cours. Dans cette optique, beaucoup de choses se comprennent à partir du paradis perdu tel que le Coran en parle. L’annonce divine relative aux anges est une information fondatrice et lourde de conséquences pour le statut de l’humanité. Ce que Dieu dit aux anges est la consécration d’une dignité et d’une responsabilité singulières de l’être humain. Par la volonté de Dieu, il est en charge d’une institution unique : le Califat (al khilâfah).
Les propos des anges mettent tous les exégètes dans l’embarras, tellement ils semblent réfractaires à une interprétation univoque et définitive. Mais les mots utilisés donnent tout de même des indications intelligibles : « Vas-tu y installer quelqu’un qui va semer le désordre et verser le sang ? ». Pour nombre d’exégètes, cette inquiétude des angesqu’on peut maintenant qualifier de prémonitoire, ne se comprend que parce qu’ils ont eu à être témoins du Califat calamiteux des jinns et de sa fin. Pour ceux qui ne retiennent pas cette hypothèse, faute de référence scripturaire irréfutable à ce sujet, le doute s’est emparé des anges sur la capacité d’Adam, frêlecréature d’argile, à être à la hauteur du Califat. Notons que les deux thèses ne s’excluent pas forcément.
Toujours est-il que ce récit du Coran laisse voir que les anges ont une « idée » de ce que représente le Califat dont ils parlent selon une version négative : semer le désordre et verser le sang. Il n’est pas du tout anodin que le terme fasâd, dérivé du verbe fasada et traduit par désordre, corruption, chaos, etc., reste très général et que l’expression « verser le sang » diffère du simple meurtre pour renvoyer à la brutalité et à l’ampleur du phénomène. Le terme khilâfah est traduit de mille façons : califat, vicariat, lieutenance, etc. Ces efforts d’interprétation fournis par les exégètes sont louables, mais le lecteur peut rester désorienté. Pourtant les mots des anges permettent de retenir un sens simple : ils considèrent, peu importe à partir de quoi et en se fondant sur quoi, qu’une politique du Califat agrée par Dieu consiste à poursuivre une double finalité : préserver l’Ordre (ils n’en disent pas plus) et sauvegarder la Vie.
Ce récit nous apprend une leçon capitale : le souci des anges pour l’Ordre et la Vie découle de leur connaissance du « souci de Dieu » qui s’y rattache. Il en découle que les racines des crises surterre proviennent avant tout d’un manque ou d’une faible sensibilité au double souci de l’Ordre et de la Vie qui constitue les missions fondamentales du Califat originel. Le lecteur du récit coranique des origines se rend compte qu’après avoir tenu des propos révélateurs sur le Califat, les anges donnent des indications de taille sur un aspect essentiel : ils se considèrent plus dignes de cette mission du Califat, en se prévalant de leurs activités spirituelles que l’on peut dire parfaites et constantes, « Alors que nous, nous glorifions Ta louange, et proclamons Ta Sainteté ! »
Là aussi, le verset procède par détour : Dieu ne répond pas directement à leur « revendication », mais la suite du récit révèle ce qui est en jeu : la liberté, le savoir et le temps. Dieu a choisi de mettre à la tête de l’institution du Califat un être qui sera libre de ses décisions et de ses actes, donc doté du pouvoir d’accomplir (ou de ne pas accomplir) la mission en question. Il laisse la vérité se faire jour tout le temps que le nouveau Calife passera sur terre.
Voici des versets incontournables du Coran sur le paradis d’avant qui éclairent notre compréhension de la perspective islamique des racines de la crise humaine et écologique :
« Et lorsque Nous demandâmes aux Anges de se prosterner devant Adam, ils se prosternèrent à l'exception d'Iblîs qui refusa, s'enfla d'orgueil et fut parmi les infidèles. Et Nous dîmes : « Ô Adam, habite le Paradis toi et ton épouse, et nourrissez-vous partout à votre guise; mais n'approchez pas de l'arbre que voici : sinon vous seriez du nombre des injustes”. Peu de temps après, Satan les fit glisser de là et les fit sortir du lieu où ils étaient. Et Nous dîmes : Descendez (du Paradis); ennemis les uns des autres. Et pour vous il y aura une demeure sur la terre, et un usufruit pour un temps. Puis Adam reçut de son Seigneur des paroles et Allah agréa son repentir car Il est certes, Celui qui accueille le Repentir, le Miséricordieux » (Coran, 2 : 34-37).
« Ô Adam, habites le Paradis, toi et ton épouse; et mangez-vous deux à votre guise ; mais n'approchez pas l'arbre que voici ; sinon, vous seriez du nombre des injustes. Puis le Diable, afin de leur rendre visible ce qui leur était caché – leur nudité – leur chuchota : “Votre Seigneur ne vous a interdit cet arbre que pour vous empêcher de devenir des Anges ou des êtres immortels !”. Et il leur jura : “Vraiment, je suis pour vous deux un bon conseiller”. Alors il les fit tomber par tromperie. Puis, lorsqu'ils eurent goûté de l'arbre, leur nudité leur devint visible et ils commencèrent tous deux à y attacher des feuilles du Paradis. Et leur Seigneur les appela : “Ne vous avais-Je pas interdit cet arbre ? Et ne vous avais-Je pas dit que le Diable était pour vous un ennemi déclaré ?” Tous deux dirent : “Ô notre Seigneur, nous avons fait du tort à nous-mêmes. Et si Tu ne nous pardonnes pas et ne nous fais pas miséricorde, nous serons très certainement du nombre des perdants » (Coran, 7 : 19-23).
« Nous avons auparavant fait une recommandation à Adam; mais il l’oublia ; et Nous n'avons pas trouvé chez lui de résolution ferme. Et quand Nous dîmes aux Anges : “Prosternez-vous devant Adam”, ils se prosternèrent, excepté Iblîs qui refusa. Alors Nous dîmes : “Ô Adam, celui-là est vraiment un ennemi pour toi et ton épouse. Prenez garde qu'il vous fasse sortir du Paradis, car alors tu seras malheureux. Car tu n'y auras pas faim ni ne sera nu, tu n'y auras pas soif ni ne seras frappé par l'ardeur du soleil”. Puis le Diable le tenta en disant : “Ô Adam, t'indiquerai-je l'arbre de l'éternité et un royaume impérissable ?”.Tous deux (Adam et Ève) en mangèrent. Alors leur apparut leur nudité. Ils se mirent à se couvrir avec des feuilles du paradis. Adam désobéit ainsi à son Seigneur et il s'égara. Son Seigneur l'a ensuite élu, agréé son repentir et l'a guidé. Il dit : “Descendez d'ici, (Adam et Ève), [Vous serez] tous (avec vos descendants) ennemis les uns des autres. Puis, si une guidance vous vient de Ma part, quiconque suit Ma guidance ne s'égarera ni ne sera malheureux. Et quiconque se détourne de Mon Rappel, mènera certes, une vie pleine de gêne, le Jour de la Résurrection, Nous l'amènerons aveugle au rassemblement”. Il dira : “Ô mon Seigneur, pourquoi m'as-Tu amené aveugle alors qu'auparavant je voyais? " Allah lui] dira : "De même que Nos Signes (enseignements) t'étaient venus et que tu les as oubliés, ainsi aujourd'hui tu es oublié” (Coran, 20 : 115-126). (A SUIVRE)
Imam, écrivain et conférencier, amakante@gmail.com
Du culte et de la bonne œuvre en islam
Tout au long de mon parcours dans la compréhension de l’islam, je me suis rendu compte peu à peu qu’une dimension importante des enseignements de cette religion était soit négligée, soit mal comprise. Par exemple, la notion de « bonne œuvre » (‘amalounsâlih) qui traverse tout le texte coranique, ainsi que les hadiths(propos du prophète - PSL), ont été souvent réduits au domaine des actes strictement cultuels (‘ibâdât). Selon cette compréhension, ce qui importe pour le musulman, c’est d’adorer Dieu à travers l’accomplissement des commandements relatifs au culte, à savoir, la prière, le jeûne, la Zakât, le pèlerinage, la lecture du Coran, le Zikr (souvenir de Dieu à travers la répétition de paroles sacrées), etc.
En vérité, il existe nombre de commandements qui concernent les relations entre les humains, et entre les humains et les non humains. Selon cette compréhension large ou ouverte des enseignements de l’Islam, la bonne œuvre ne se réduit pas à l’observation des obligations vis-à-vis de Dieu et la mauvaise œuvre (le péché) ne se limite pas elle non plus à l’inobservation des obligations envers Lui. La bonne œuvre doit être comprise comme le respect des obligations, pour le croyant bien entendu, envers Dieu et envers la Création. C’est ainsi que j’en suis arrivé à penser qu’il est possible d’apporter des réponses pertinentes aux questions environnementales à travers le registre de la « bonne œuvre » en Islam.
Les actes cultuels qui rythment la vie du musulman sont destinés à perpétuer le souvenir de Dieu en son for intérieur et à montrer que le musulman assume son choix de vouloir être en conformité avec ce que Celui-ci attend de lui : « Je n’ai créé les jinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent »(Coran, 51 : 56).Dans ce cadre, la définition du théologien Ibn Taymiya emporte l’adhésion de nombre de savants pour sa simplicité, en voici la quintessence : « Est œuvre d’adoration toute action ou parole cachée ou apparente aimée et agréée de Dieu ».Il en découle que les actions et les paroles du croyant peuvent être « ‘amalounsâlih »(bonne œuvre), si elles ont pour but ultime l’obtention de l’agrément de Dieu et si elles respectent Sa Loi.
Un fondement à la sauvegarde de la terre et de la vie humaine peut être trouvé dans ce récit coranique des origines : « Et lorsque ton Seigneur dit aux anges : “Je vais établir sur terre un vicaire” Ils dirent : Quoi ? Vas-tu y établir quelqu’un qui y sèmera le désordre et y répandra le sang ? Alors que nous, nous glorifions Ta louange, et proclamons Ta Sainteté. Le Seigneur dit : Je sais ce que vous ne savez pas. » (Coran, 2 : 30).Dieu informa les anges de sa volonté d’installer sur terre un khalîfah (calife). Ces derniers ont répondu par des propos desquels il ressort : (i) un souci de l’ordre sur terre. (ii) un souci de la vie humaine. (iii) une inquiétude sur la capacité du nouveau calife à être à la hauteur de sa mission. Ils mettent en avant leur activité cultuelle inlassable articulée à la célébration de la louange de Dieu et de Sa gloire. Dieu leur répond par la perfection de sa science, pour le reste c’est le temps qui édifiera les anges.
Le Coran se porte garant de la noblesse de caractère du prophète (PSL) et le donne en modèle, même s’il faudra bien distinguer le champ où s’applique cette obligation de le suivre et le champ où il est loisible à l’homme de faire preuve de créativité : « Et tu es certes d’une moralité éminente » (Coran, 68 : 4) ; « En effet vous avez dans le Prophète un excellent modèle,pour quiconque espère en Allah et au Jour dernier et invoque Allah fréquemment » (Coran, 33 : 21). Un autre argument de taille est que la mission du Prophète (PSL) est une émanation universelle de la miséricorde divine : « Et Nous ne t'avons envoyé qu'en tant que miséricorde pour l'univers » (Coran, 21 : 107).
Toutes les créatures devraient pouvoir bénéficier de cette miséricorde qui accompagne la venue et la mission du Prophète (PSL). Dans cette optique, il est très instructif de rechercher ce que les enseignements et actes du Prophète (PSL) donnent à comprendre du thème de l’environnement. Les Hadiths rapportent qu’il sensibilisa beaucoup sa communauté sur le gaspillage, la sauvegarde d’un cadre de vie décent, le respect de toute vie, la revivification de la terre morte, la plantation d’arbres, etc. Ainsi, le prophète dit : « Dans cette vie belle et douce, Dieu a fait de vous ses lieutenants » (Hadith rapporté par Mouslim) ; «Gardez-vous des trois sources de malédiction : la pollution excrémentielle des points d’eau, de la voie publique et de l’ombre où s’assoient les gens."(Abou Daoud et Ibn Maja). Dans le registre du culte, au sens strict du terme, le prophète (PSL) a interdit le gaspillage, même durant les ablutions : « D'après 'Abdallah Ibn 'Amr (qu'Allah les agrée), le Prophète (PSL) est passé près de Sa'd (qu'Allah l'agrée) alors qu'il faisait les ablutions et lui dit : « Qu'est-ce que ce gaspillage ÔSa'd ?! ».Sa'd (qu'Allah l'agrée) répondit : Y a-t-il du gaspillage dans les ablutions ?Le Prophète (PSL) dit : « Oui, même si tu es au bord d'un cours d’eau ». (Rapporté par Ahmad)
Arrivé à Yathrib, qui deviendra Médine lors de l’Hégire, le prophète (PSL) entreprend de grandes actions d’assainissement et d’hygiène publique. Dans le contexte mental et les pratiques populaires de l’époque, les enseignements et pratiques du prophète (PSL) afférents à ce que l’on appelle aujourd’hui « le cadre de vie » ont revêtu un caractère novateur et salutaire. Un autre exemple : dans ce qui peut être interprété comme un souci de l’autre et du lointain, le prophète (PSL) recommande de tout faire pour la plantation d’un arbre, même dans les conditions extrêmes de la fin du monde : « Si l'Heure (la fin des temps) arrive, trouvant l'un de vous en possession d’une jeune pousse, qu’il fasse tout son possible pour la planter » (Hadith rapporté par Ahmad).
Récits coraniques sur le paradis perdu : enseignements sur la crise humaine et écologique
Les lignes qui suivent présentent la façon dont les enseignements de l’Islam aident à comprendre les origines ou racines profondes de la crise écologique et humaineet ses modalités en cours. Dans cette optique, beaucoup de choses se comprennent à partir du paradis perdu tel que le Coran en parle. L’annonce divine relative aux anges est une information fondatrice et lourde de conséquences pour le statut de l’humanité. Ce que Dieu dit aux anges est la consécration d’une dignité et d’une responsabilité singulières de l’être humain. Par la volonté de Dieu, il est en charge d’une institution unique : le Califat (al khilâfah).
Les propos des anges mettent tous les exégètes dans l’embarras, tellement ils semblent réfractaires à une interprétation univoque et définitive. Mais les mots utilisés donnent tout de même des indications intelligibles : « Vas-tu y installer quelqu’un qui va semer le désordre et verser le sang ? ». Pour nombre d’exégètes, cette inquiétude des angesqu’on peut maintenant qualifier de prémonitoire, ne se comprend que parce qu’ils ont eu à être témoins du Califat calamiteux des jinns et de sa fin. Pour ceux qui ne retiennent pas cette hypothèse, faute de référence scripturaire irréfutable à ce sujet, le doute s’est emparé des anges sur la capacité d’Adam, frêlecréature d’argile, à être à la hauteur du Califat. Notons que les deux thèses ne s’excluent pas forcément.
Toujours est-il que ce récit du Coran laisse voir que les anges ont une « idée » de ce que représente le Califat dont ils parlent selon une version négative : semer le désordre et verser le sang. Il n’est pas du tout anodin que le terme fasâd, dérivé du verbe fasada et traduit par désordre, corruption, chaos, etc., reste très général et que l’expression « verser le sang » diffère du simple meurtre pour renvoyer à la brutalité et à l’ampleur du phénomène. Le terme khilâfah est traduit de mille façons : califat, vicariat, lieutenance, etc. Ces efforts d’interprétation fournis par les exégètes sont louables, mais le lecteur peut rester désorienté. Pourtant les mots des anges permettent de retenir un sens simple : ils considèrent, peu importe à partir de quoi et en se fondant sur quoi, qu’une politique du Califat agrée par Dieu consiste à poursuivre une double finalité : préserver l’Ordre (ils n’en disent pas plus) et sauvegarder la Vie.
Ce récit nous apprend une leçon capitale : le souci des anges pour l’Ordre et la Vie découle de leur connaissance du « souci de Dieu » qui s’y rattache. Il en découle que les racines des crises surterre proviennent avant tout d’un manque ou d’une faible sensibilité au double souci de l’Ordre et de la Vie qui constitue les missions fondamentales du Califat originel. Le lecteur du récit coranique des origines se rend compte qu’après avoir tenu des propos révélateurs sur le Califat, les anges donnent des indications de taille sur un aspect essentiel : ils se considèrent plus dignes de cette mission du Califat, en se prévalant de leurs activités spirituelles que l’on peut dire parfaites et constantes, « Alors que nous, nous glorifions Ta louange, et proclamons Ta Sainteté ! »
Là aussi, le verset procède par détour : Dieu ne répond pas directement à leur « revendication », mais la suite du récit révèle ce qui est en jeu : la liberté, le savoir et le temps. Dieu a choisi de mettre à la tête de l’institution du Califat un être qui sera libre de ses décisions et de ses actes, donc doté du pouvoir d’accomplir (ou de ne pas accomplir) la mission en question. Il laisse la vérité se faire jour tout le temps que le nouveau Calife passera sur terre.
Voici des versets incontournables du Coran sur le paradis d’avant qui éclairent notre compréhension de la perspective islamique des racines de la crise humaine et écologique :
« Et lorsque Nous demandâmes aux Anges de se prosterner devant Adam, ils se prosternèrent à l'exception d'Iblîs qui refusa, s'enfla d'orgueil et fut parmi les infidèles. Et Nous dîmes : « Ô Adam, habite le Paradis toi et ton épouse, et nourrissez-vous partout à votre guise; mais n'approchez pas de l'arbre que voici : sinon vous seriez du nombre des injustes”. Peu de temps après, Satan les fit glisser de là et les fit sortir du lieu où ils étaient. Et Nous dîmes : Descendez (du Paradis); ennemis les uns des autres. Et pour vous il y aura une demeure sur la terre, et un usufruit pour un temps. Puis Adam reçut de son Seigneur des paroles et Allah agréa son repentir car Il est certes, Celui qui accueille le Repentir, le Miséricordieux » (Coran, 2 : 34-37).
« Ô Adam, habites le Paradis, toi et ton épouse; et mangez-vous deux à votre guise ; mais n'approchez pas l'arbre que voici ; sinon, vous seriez du nombre des injustes. Puis le Diable, afin de leur rendre visible ce qui leur était caché – leur nudité – leur chuchota : “Votre Seigneur ne vous a interdit cet arbre que pour vous empêcher de devenir des Anges ou des êtres immortels !”. Et il leur jura : “Vraiment, je suis pour vous deux un bon conseiller”. Alors il les fit tomber par tromperie. Puis, lorsqu'ils eurent goûté de l'arbre, leur nudité leur devint visible et ils commencèrent tous deux à y attacher des feuilles du Paradis. Et leur Seigneur les appela : “Ne vous avais-Je pas interdit cet arbre ? Et ne vous avais-Je pas dit que le Diable était pour vous un ennemi déclaré ?” Tous deux dirent : “Ô notre Seigneur, nous avons fait du tort à nous-mêmes. Et si Tu ne nous pardonnes pas et ne nous fais pas miséricorde, nous serons très certainement du nombre des perdants » (Coran, 7 : 19-23).
« Nous avons auparavant fait une recommandation à Adam; mais il l’oublia ; et Nous n'avons pas trouvé chez lui de résolution ferme. Et quand Nous dîmes aux Anges : “Prosternez-vous devant Adam”, ils se prosternèrent, excepté Iblîs qui refusa. Alors Nous dîmes : “Ô Adam, celui-là est vraiment un ennemi pour toi et ton épouse. Prenez garde qu'il vous fasse sortir du Paradis, car alors tu seras malheureux. Car tu n'y auras pas faim ni ne sera nu, tu n'y auras pas soif ni ne seras frappé par l'ardeur du soleil”. Puis le Diable le tenta en disant : “Ô Adam, t'indiquerai-je l'arbre de l'éternité et un royaume impérissable ?”.Tous deux (Adam et Ève) en mangèrent. Alors leur apparut leur nudité. Ils se mirent à se couvrir avec des feuilles du paradis. Adam désobéit ainsi à son Seigneur et il s'égara. Son Seigneur l'a ensuite élu, agréé son repentir et l'a guidé. Il dit : “Descendez d'ici, (Adam et Ève), [Vous serez] tous (avec vos descendants) ennemis les uns des autres. Puis, si une guidance vous vient de Ma part, quiconque suit Ma guidance ne s'égarera ni ne sera malheureux. Et quiconque se détourne de Mon Rappel, mènera certes, une vie pleine de gêne, le Jour de la Résurrection, Nous l'amènerons aveugle au rassemblement”. Il dira : “Ô mon Seigneur, pourquoi m'as-Tu amené aveugle alors qu'auparavant je voyais? " Allah lui] dira : "De même que Nos Signes (enseignements) t'étaient venus et que tu les as oubliés, ainsi aujourd'hui tu es oublié” (Coran, 20 : 115-126). (A SUIVRE)
Imam, écrivain et conférencier, amakante@gmail.com